Sur la colère étudiante - Notes pour un débordement des universités

Le problème principal c’est l’économie dans sa totalité - La précarité n’est qu’une des conséquences

lundi 18 novembre 2019, par Camille Z.

Sur la colère « étudiante » : parlons du sérieux de vivre

(Brève critique de la colère « étudiante »..., par Louis Paul)

Ce début d’année semble marquer un tournant dans les universités. Partout l’ambiance a changé. Un sentiment de colère qui couve et qui n’attend qu’une justification pour exploser.

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est la triste tentative de suicide d’un étudiant lyonnais devant le Crous, dénonçant l’impossibilité de vivre dans ces conditions. Cette nouvelle nous a bouleversés. Anas ne nous a pas fait ouvrir les yeux, il nous les a fait pleurer. Nous avons ressenti dans notre chaire sa détresse. Et nous n’en pouvons plus.

Dans ce système*, celui dans lequel nous tourbillonnons, où nous sommes écrasés par la souffrance que l’on subit et que l’on fait subir : rien ne reste si ce n’est notre devenir cadavérique. L’étudiant n’est qu’un résidu de douleur. La précarité tue, oui. Mais lutter contre une précarité dans l’illusion que la brûlure s’évanouira en mendiant quelques bourses, en hurlant au secours pour des conditions d’études meilleures, ce n’est pas prendre ce monde au sérieux. Et c’est du sérieux que nous devons parler. Du sérieux de vivre.

Bien vite, les partis et organisations gauchistes, les dinosaures d’un militantisme poussiéreux ont tenté de récupérer cet événement pour pouvoir produire une énième mobilisation fade et sans folie. Nous aurions pu nous retrouver dans la même situation que l’année dernière, dans des compilations d’AG qui se suivent et se ressemblent, tenues par des bureaucrates et manipulés par des militants. Ces militants étudiants qui cherchent l’AG pour l’AG, le blocus pour le blocus, et jamais ne voient la RÉVOLTE - sinon maquillée sous forme d’élections.* [...]

Un an après l’apparition soudaine des gilets jaunes, l’ambiance n’est plus à la discussion, elle est aux actions. Partout, des blocages de fac se sont mis en place, des opérations Crous gratuit. N’est ce pas ce que nous critiquions ? Non, car ce qu’il se passe lorsqu’une manifestation sauvage fait tomber les grilles du ministère de la recherche, quand un ancien président est viré de sa conférence et ses livres détruits : c’est l’apparition majestueuse du NON. Du NON plein de vie et de fougue, d’audace, celui qui n’a de cesse de sortir de la souffrance car il la reconnait, car il la sent, car il veut qu’elle s’arrête.

Quelque chose a commencé, il s’agirait de ne pas le noyer. Ce mouvement doit prendre des formes nouvelles, se métamorphoser, prendre conscience que le problème n’est pas seulement la précarité, tout comme le prix de l’essence n’était pas le problème principal des gilets jaunes, mais bien l’économie dans sa totalité. A Hong Kong, au Chili, au Liban et dans tant d’autres pays, les étudiants ont abandonnés leurs rôles d’étudiants pour complétement s’abandonner à la révolte.

Nous ne sommes pas là pour discuter d’une énième stratégie morbide de militantisme. Ce texte a vocation à proposer un choix radical à ceux qui le lisent. D’une part vous pourrez participer à une mobilisation tenue par des bureaucrates militants professionnels contre la précarité, qui durera tout au plus jusqu’aux prochains partiels, ou sinon vous prenez la décision de reprendre vos vies en main. D’entrer en totale sécession avec le système universitaire et avec l’économie. De s’organiser en bande d’amis pour que rien ne puisse revenir à la normale. Les braises qui couvent doivent se transformer en incendie, il n’y a que dans le chaos que nous sommes dangereux. Se reconnaitre comme étudiant, c’est s’oublier. C’est se fermer à l’autre, se séparer. C’est sombrer dans le misérabilisme qui ne demande qu’à ce monde de le reconnaitre comme il le veut.

Il n’y a pas de temps à perdre avec « les anti bloqueurs » qui ne sont rien d’autres que nos ennemis. Aucun temps à perdre à essayer de convaincre des étudiants qui veulent garder le droit de vivre une vie minable, et qui vous invectiveront qu’ils ont le droit de subir la torture des heures de cours à rester assis, être notés, être humiliés, être apprivoisés. Pour devenir quoi ? des travailleurs qui ne vivront pas, si ce n’est qu’en écrasant les autres, qu’en écrasant ce qu’il reste encore du monde vivant*. Nous devons assumer notre part de conflictualité face à ceux qui continuent à vivre dans la mort tous les jours, et qui veulent continuer à nous l’imposer. Notre pseudo-confort n’existe que grâce à l’inconfort des autres, qu’il soit dans la rue en bas de chez nous ou dans une usine à quelques milliers de kilomètres.

Nous ne devons plus nous arrêter aux vieilles actions traditionnellement fades du militantisme aliénés. Nous ne respecterons rien, rien de ce qu’on nous a toujours demandé de respecter et qui poursuit son entreprise de souffrance, ni les étudiants, ni les professeurs et encore moins ce qu’on ose encore appeler science. Il faut en finir avec le mythe de l’université émancipatrice. S’il on y apprend quelques petites choses, parfois utiles ou jolies ce n’est que contingence et dommages collatéraux. L’université se réduit à la formation de travailleurs qui pourront à leur tour travailler, consommer et fermer leur gueule.

Nous devons créer, expérimenter, vivre, adapter de nouveaux outils pour la révolte en cours.

Étudiant : hais-toi !
Il faut se détruire pour enfin apprendre à aimer ce monde.*

Texte issu des notes pour un débordement des universités, par le FLE

*(avec quelques légères modifications)

Sur la colère étudiante - Notes pour un débordement des universités

👉 Pour compléter :

« La victoire ne sera pas obtenue par la grève ponctuelle, même générale. C’est une forme d’action légitime, mais trop symbolique. Elle permet parfois aux travailleurs de gagner quelques sous en plus chaque mois, mais elle ne permettra pas de freiner le réchauffement climatique. A l’image des luddites qui, à l’aube de la révolution industrielle en Angleterre, détruisaient les machines qu’on leur imposait au travail, les ouvriers ne sont pas exclus de facto d’une lutte plus offensive contre le système industriel. Le démantèlement de la société industrielle passera par des offensives plus risquées, et une première étape vers cet engrenage de conflictualité est ce qu’on pourrait appeler la grève éternelle. La grève, oui, mais pour toujours : car nous ne pouvons pas reprendre nos activités après un jour de mise à l’arrêt. La grève s’arrêtera quand nous aurons gagné. Quand la machine aura été entravée dans son action destructrice. Et quand nous aurons gagné, la grève continuera, car nous aurons défait les chaînes du travail salarié qui nous empêchait de vraiment apprécier notre vie et la beauté du monde, et nous rendait complice de sa destruction. »

- Article en entier : Écologie radicale et grève éternelle – Réponse à la Gauche anticapitaliste


Forum de l’article

  • Sur la colère étudiante - Notes pour un débordement des universités Le 18 novembre 2019 à 13:24, par Camille Z

    Post de Nantes Révoltée : CAEN : LETIMENT DU CROUS INCENDIÉ A L’UNIVERSITÉ

    - Un tag « la précarité tue » inscrit sur un des murs -

    Il y a une dizaine de jours, un étudiant de 22 ans, en très grande précarité, s’immolait à Lyon. Son geste de désespoir faisait suite au refus par le CROUS de lui octroyer les bourses nécessaires à sa survie. Dans une lettre en forme de testament, il appelait les étudiants à lutter contre la précarité.

    Alors que ce drame aurait du soulever une indignation nationale, et une mobilisation de toutes les forces sociales, les médias ont d’abord totalement occulté l’évènement, avant de diaboliser à outrance les premières actions menées par les étudiants et étudiantes solidaires de leur camarade, qui se trouve toujours entre la vie et la mort, gravement brulé.

    C’est donc dans ce contexte de censure, de diffamations médiatiques et de répression que des actions ont lieu sur tout le territoire. Par exemple, l’université de Bordeaux et bloquée ce matin, et une Assemblée Générale a eu lieu à la fac de Nantes.

    A Caen, ville normande comptant une forte population étudiante, le bâtiment du CROUS a été « détruit dans un incendie qui s’est déclaré en pleine nuit » selon la presse. Il s’agit d’un bâtiment « dédié aux bureaux administratifs », la même fonction que celui devant lequel l’étudiant s’était immolé à Lyon, après qu’on lui ait refusé sa bourse.

    Les flammes ont donc pris dans ce bâtiment, et un tag sans équivoque est apparu sur un mur : « la précarité tue ».

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