Internet n’est pas un simple réseau. Il possède une philosophie politique, ancrée dans ses standards et protocoles (“code is law”). Cette philosophie veut qu’un message transporté par le réseau ne puisse être discriminé pour son contenu, sa source ou son origine.
On peut donc presque y discerner une forme de transcendance, lorsqu’un message twitter se permet de commenter la manière dont il a lui-même été transporté par le réseau. Ce message, daté du 22 octobre 2019, est laconique : “Sending this tweet through space via Starlink satellite 🛰”. Il est signé Elon Musk, fondateur de SpaceX, dont les fusées Falcon sont en moins de deux décennies devenues un ennemi mortel pour Ariane l’Européenne et Soyouz la Russe.
Les satellites Tintin A et Tintin B, mis sur orbite ce jour-là, sont les aînés d’une fratrie qui comptait déjà trois cents rejetons au 17 février 2020, en sept lancements de fusée. Ses rangs devraient grossir à douze mille satellites à horizon cinq ans. En Octobre 2019, SpaceX a provisionné auprès du régulateur les fréquences pour encore trente mille satellites de plus. Le nom de cette nouvelle constellation : Starlink. Sa mission : amener la connexion à haut débit dans les régions les plus reculées du monde. La controverse qu’elle soulève : Starlink pourrait bien défigurer le ciel de nos nuits d’été.
Mais Starlink a pour vision un monde sans frontières, où les inégalités entre milieux ruraux et hyper métropoles, entre pays riches et pays émergents, entre démocraties et régimes totalitaires, seront annihilées par l’accès au réseau. Car le réseau, l’accès à l’information, font tomber les barrières et peuvent rendre à ceux qu’il connecte le contrôle sur leurs vies. Selon un autre tweet d’Elon (et bien que personne ne soit vraiment certain d’avoir compris la référence, au-delà de l’occurrence du mot “star”), Starlink tire son nom d’un roman pour adolescents qui cite le Jules César de Shakespeare :
The fault, dear Brutus, is not in our stars,
But in ourselves, that we are underlings.
(Si nous jouons les seconds rôles, Brutus,
Il ne faut pas s’en prendre à nos étoiles.)
Il y a entre octobre 2019 et nous, plusieurs mois de pandémie. Les tweets d’Elon Musk sont loin d’avoir perdu en viralité dans l’intervalle, mais ont plutôt alimenté les débats sur la chloroquine, la production de masques ou de ventilateurs. L’astronomie, activité non essentielle à la vie de la nation, est confinée, de même que la controverse Starlink. Pourtant, au moment où l’on discute en Europe et aux Etats-Unis d’applications de pistage des chaînes de transmission du virus (un euphémisme pour parler de tracking), et où la Chine et les dragons asiatiques dressent le bilan élogieux de leurs systèmes de surveillance massive dans la lutte contre l’épidémie, Internet est au coeur du combat. Et, au rythme d’environ un lancement par mois – le 23 avril pour le prochain – Starlink continue de lancer ses satellites dans la ionosphère.
Mais avant de parler virus et surveillance, il faut comprendre le conflit initial entre partisans des étoiles et partisans du réseau, et remonter aux origines de la vision des nouveaux colons du ciel.
Les constellations convulsives
Starlink a été annoncé en Janvier 2015, quatre ans avant que les satellites Tintin A et B ne découvrent l’espace. Quatre ans pour planifier des lancements par grappes de soixante, concevoir des satellites capables de rectifier leur position après mise en orbite, définir les protocoles de communication entre satellites et avec la Terre, définir les terminaux-récepteurs au sol, obtenir les licences et autorisations des organismes régulant les télécommunications et les lancements dans l’espace. Quatre ans, c’est une prouesse invraisemblable. Une prouesse qui a pris la communauté civile et scientifique à revers.
Parce que quatre ans n’ont pas suffi à la communauté internationale pour réaliser ce qui se préparait : une constellation de dizaines de milliers d’objets, traversant le ciel à haute vélocité. Leur intensité lumineuse dans une nuit d’été sera comparable à celle de l’étoile polaire, un des artefacts les plus lumineux de la voûte céleste, en raison de leur orbite basse à environ cinq-cents kilomètres de la surface terrestre. A titre de comparaison, considérez que les orbites géostationnaires, du haut de leurs orbites dix fois plus lointaines, sont quasiment invisibles. Et ils ne sont que cinq mille. Considérez aussi que huit à douze mille avions croisent dans le ciel à tout instant – sauf en temps de pandémie – qui de jour laissent ces longues traînées dans le ciel qui ont alimenté les plus folles théories conspirationnistes. Ces avions, de nuit, ne reflètent pas le soleil, depuis leur ridicule altitude de dix kilomètres. Selon les projections de l’Association Internationale du Trafic Aérien, leur nombre devrait doubler d’ici vingt ans. Si le ciel diurne avait ainsi été défiguré du jour au lendemain, peut-être un débat aurait-il agité la société civile, mais telle la proverbiale grenouille dans la casserole, nous avons assimilé cette lente évolution sans broncher, et continué de préférer l’avion aux trains et autres hyperloop (un autre projet futuriste du même Elon Musk, dans lequel le chemin de fer est remplacé par un tube magnétique sous vide).
Pour vous représenter l’impact d’un tel changement de la voûte céleste sur la psyché humaine, souvenez-vous cette scène du Roi Lion où un père tente une métaphore de la vie et de la mort en montrant les étoiles à son fils. Maintenant, imaginez dans la même scène des étoiles courant en tous sens dans un ballet frénétique et désordonné (si vous n’avez pas grandi avec Disney, n’hésitez pas à remplacer le lionceau par votre premier(e) petit(e) ami(e), et transposer la savane en cinéma drive-in ou ce qu’il vous plaira).
Dans l’affrontement qui oppose traditionnellement la technique à la poésie, n’allez pas croire avec Heidegger que la science se range toujours du côté de la technique. La communauté scientifique a été la première à tirer l’alarme. Et pour cause, voici les marques que les deux cents satellites de Starlink alors en orbite laissaient déjà sur les prises d’un télescope observant Deneb dans la constellation du Cygne :
Il ne vous reste plus qu’à imaginer l’impact sur la voûte céleste de quarante mille satellites en orbite basse autour de la Terre pour comprendre l’inquiétude des astronomes et astrophysiciens. Début février 2020, mille sept cents scientifiques avaient déjà signé un appel à ”sauvegarder le ciel astronomique”. Le “ciel astronomique”, c’est la possibilité d’écouter les signaux les plus ténus en provenance du cosmos, sur des fréquences couvrant le visible, mais aussi les ondes radio sur lesquelles la flotte de satellites a obtenu les autorisations d’émettre. Autant essayer d’écouter une lecture de Rimbaud au Berghain. Au nom de la connexion à haut débit, l’humanité pourrait bien perdre sa capacité à comprendre les origines de l’univers, découvrir des particules inconnues et des planètes lointaines, dénicher des messages extraterrestres, ou prédire les trajectoires d’astéroïdes-tueurs, nous laissant aussi vulnérables que feu les dinosaures.
En un mot : au nom du réseau et de la connexion, l’humanité pourrait bien perdre son lien au cosmos, le lien originel qui l’a poussée à se transcender pour développer les mathématiques et la science. Au nom du réseau, ou au nom d’un business très lucratif ? Comment les mécanismes démocratiques et les institutions internationales peuvent-ils être à ce point dépassés qu’à aucun moment un débat public n’ait émergé ? Qui sont les belligérants de cette nouvelle guerre des étoiles ? Ce projet qui menace d’estropier la science et probablement de dérouter des millions d’oiseaux migrateurs, est-il l’oeuvre d’un cynique qui prétend privatiser l’espace, ou d’un apprenti sorcier qui a ignoré les conséquences de ses actes ?
Silicon Messiah
S’il y a un homme sur Terre auquel on ne peut reprocher son cynisme, ou de ne pas regarder les étoiles, c’est bien Elon Musk. Un indice, le deuxième tweet transporté par les frères Tintin en orbite : “Whoa, it worked !”. Une prose pour le moins sommaire trahissant la joie enfantine et les yeux pleins d’étoiles du Messie de la Silicon Valley.
Son parcours depuis vingt ans révèle un idéaliste, un visionnaire avec une capacité à peine croyable à délivrer cette vision. Le cynisme, l’appât du gain ne jouent aucun rôle chez lui. Tout au plus pourra-t-on lui reprocher un usage un peu abusif de twitter, et d’avoir inspiré le personnage joué par Robert Downey Jr dans l’adaptation cinématographique d’Iron Man, dont le succès est responsable de la suite de déflagrations au box-office de la franchise Avengers, que seul COVID-19 aura su interrompre pour quelques mois.
Pour rappel : Elon débarque dans la vallée à l’âge de vingt-cinq ans, où il monte une première startup avec son frère. En 1999, il veut utiliser Internet pour fissurer le monopole des banques. Il rencontre Peter Thiel, qui ambitionne de créer une monnaie digitale indépendante des banques et gouvernements, dix ans avant Bitcoin. Leur mariage engendre Paypal. Paypal est racheté, et Musk réinvestit tous ses gains dans deux projets qui, à l’époque, lui valent bien des moqueries : Tesla, qui prétend réussir à imposer la voiture électrique là où tous les géants du secteur se sont cassé les dents vingt ans avant lui. Et SpaceX, qui relance ni plus ni moins que la conquête de Mars. Vingt ans après, Tesla se pense comme un système holistique à usage des villes pour optimiser l’usage d’énergies renouvelables. SpaceX est un succès industriel, au point que ses fusées ne servent plus uniquement à lancer les satellites de ses clients : place à Starlink. Entre-temps, Musk a fondé une demi-douzaine d’autres entreprises ou organisations, dont Hyperloop, dont nous avons parlé, OpenAI, qui promeut l’intelligence artificielle, et Neuralink, qui cherche à interfacer le cerveau humain avec les AI.
Starlink : l’interconnexion entre les machines, partout. Neuralink : la connexion de la machine à l’humain. Starlink et Neuralink : l’accomplissement de l’humain en tant qu’être connecté, amplifié, révélé. La grande vision de la Silicon Valley.
Car le réseau, la connexion, le contrôle, dans l’inconscient collectif de la vallée, c’est le projet des projets. Google rend l’information disponible. Facebook connecte les gens. Burning man se définit d’abord comme un réseau d’individus éveillés. Le terme “hive mind”, littéralement “esprit de ruche”, était naguère utilisé par les hippies pour décrire les connexions transcendantales atteintes dans leurs transes collectives. Il réapparaît aujourd’hui pour décrire la conscience collective qui émerge de communautés online telles que Twitter. Alors, Elon : cynique ou apprenti sorcier ?
Aucun des deux. Elon Musk est le messie dans la grande quête de l’éveil. Le réseau, c’est ce qui doit ouvrir les portes de la perception. Le réseau, c’est le mythe qui trouve ses racines dans la contre-culture des années soixante, et qui a désormais trouvé son Messie.
Acide, communes et Internet
D’aucuns pourraient croire que la Silicon Valley et la contre-culture ne partagent qu’une géographie, celle de la baie de San Francisco. Et encore, cette géographie ne serait que très approximative, la vallée ayant commencé tout au sud de la baie, à San José, d’où il lui a fallu des décennies pour ramper jusqu’à San Francisco, berceau des hippies. Au début des années 2010, elle ravage les quelques restes de mouvements free love / free food / free speech qui pouvaient encore traîner à Haight Ashbury, faisant exploser le coût de la vie. Et pourtant, hippies et hackers sont beaucoup plus proches qu’il n’y paraît.
Pour commencer, Internet et contre-culture sont enfants d’une même mère : l’armée américaine. Dans le premier cas, l’Histoire n’est pas difficile à remonter : en 1969, le réseau ARPANET, ancêtre d’Internet, est opérationnel. Ses deux premiers noeuds seront les universités de UCLA et de Stanford, située dans la Silicon Valley (et le premier message transmis, sensiblement plus austère qu’un tweet d’Elon Musk, sera le “lo” de login). Dans le second, il faut explorer un hôpital pour vétérans de l’armée américaine, à Menlo Park, au début des années soixante. C’est dans cet hôpital que l’écrivain Ken Kesey découvre le LSD (et autres psychotropes) en participant à un programme de recherche financé par la CIA. Cet épisode lui inspirera Vol au-dessus d’un nid de coucou, et la rhétorique du contrôle. Cette rhétorique, longuement racontée par Tom Wolfe dans Acid Test : les portes de la perception sont fermées à l’Homme moderne. L’Homme moderne doit apprendre à les rouvrir pour se libérer et reprendre le contrôle sur lui-même et son environnement. Le LSD permet d’ouvrir les portes de la perception.
Dès lors, le LSD prend un rôle fondateur dans la mystique hippie, et Kesey en sera l’un des deux grands apôtres. Kesey embarque à bord d’un bus scolaire fluorescent avec sa bande des Merry Pranksters pour promouvoir le LSD à travers les Etats-Unis, puis dans la baie de San Francisco. L’avant-garde du rock psychédélique, The Grateful Dead, émergera de cette scène. Les fêtes géantes qu’ils organiseront dans la région, les acid tests racontés par Wolfe (“acide” étant la contraction de acide lysergique diéthylamine, ou LSD), essaimeront dans toute la baie. Pour le reste, la conscription pour la guerre au Vietnam finira de cimenter les mouvements contestataires de la fin des années soixante.
Dans les années qui vont suivre, ces mouvements fleurissent sous forme de communes. Si ces communes prônent un retour à la terre et un refus du capitalisme, elles voient la technologie comme l’une des clés de la réussite de leur entreprise. L’interconnexion, le partage des savoirs et l’entraide – c’est-à-dire le réseau des communes – jouent un rôle clé dans la propagation de ces technologies. Un des outils phares de ce réseau : le Whole Earth Catalog, dont la version de 1971 fut tirée à plus de un million d’exemplaires. Le catalogue répertoriait aussi bien des modèles de rouets pour le filage de la laine que des schémas d’arbalètes, au côté de livres d’architecture et de théorie des organisations. Sur la couverture de l’édition de 1969 figurait le bus psychédélique des Merry Pranksters.
Et sur la première couverture du catalogue, qui lui a donné son titre (Whole Earth), une photographie de la Terre. Ce cliché est le résultat d’une campagne menée en 1966 par Stewart Brand, le futur fondateur du Catalogue, pour que la NASA publie pour la première fois une photographie du globe terrestre vu de l’espace dans son entier. L’ambition de cette image était de véhiculer l’idée d’une Terre partagée par des sociétés humaines interdépendantes, en réseau, et d’éveiller leurs consciences aux problèmes sociaux et environnementaux (on peut se demander si la même sphère encadrée d’un nuage de satellites aurait la même puissance évocatrice ; pour s’en faire une idée, on peut se référer à une simulation faite par Starlink).
Pendant ce temps, dans le sud de la baie de San Francisco, Internet se développait à l’intérieur des centres de recherche militaire et des universités. Le réseau s’organise sous le prisme de la pensée cybernétique. Cette représentation du monde modélise humains et machines comme des systèmes dont les interactions sont définies par des échanges d’informations. Ces systèmes fonctionnent de manière optimale lorsque l’information circule librement. Cette liberté n’accepte pas de hiérarchies, pas de centralisation. Dit autrement : la structure d’internet est profondément anarchiste.
Dans la baie, tandis qu’Internet prend son essor, les communes périclitent. Les hippies ne meurent pas : ils se réintègrent dans la société capitaliste et le nouveau paradigme des ordinateurs. Fred Turner, professeur d’histoire à Stanford, retrace leurs pérégrinations dans son ouvrage From Counterculture to Cyberculture : ainsi de Stewart Brand, l’auteur du catalogue et de la Terre ronde, qui fonde the WELL, une sorte de commune (ou peut-être commence-t-on alors à dire “communauté”) online qui deviendra l’un des premiers fournisseurs d’accès à Internet. Autre membre fondateur du WELL : Larry Brilliant, depuis devenu épidémiologiste de renom, anecdotiquement conseiller scientifique pour le film Contagion, et donc sur le devant de la scène depuis le début de la crise du coronavirus. Les faiseurs d’applications de backtracking de la vallée n’hésitent pas à invoquer son nom pour se justifier.
Mais restons dans les années quatre-vingt avec Fred Turner. Brand et Brilliant seront rejoints au WELL par d’autres hippies de premier plan, comme l’ancien parolier de The Grateful Dead, ceux-là même qui assuraient la bande-son des acid tests une décennie auparavant. Tous participent à Wired, le magazine culte des technologistes des années 90 et suivantes. Sur cette transition, Stewart Brand statuera : “les psychédéliques, les communes, les dômes de Buckminster Fuller se sont révélés une impasse. Mais les ordinateurs, voilà un boulevard vers des royaumes au-delà de nos rêves les plus fous”.
Car les hippies se réintègrent, mais n’oublient pas leur passé. Un indice de l’importance pour la vallée du Whole Earth Catalog, cette bible de la contre-culture ? Le plus fameux discours de Steve Jobs, celui donné en 2005 aux étudiants de Stanford, se ferme sur le message : “Stay hungry. Stay foolish”. Le message d’adieu imprimé au dos de la dernière édition du catalogue, en 1974. Toute la communication d’Apple à ses débuts était infusée de contre-culture, nourrie d’anti-establishment, une diatribe contre le conformisme et la bureaucratie. Le premier spot publicitaire télévisé de la marque, en 1984, intitulé 1984, est confié au récemment réalisateur de Blade Runner, lui-même inspiré par une nouvelle du plus éminent écrivain de science-fiction de la contre-culture, Philip K. Dick.
Toute l’industrie du silicone lui emboîte le pas et cherche à s’inscrire dans la lutte contre l’asservissement de l’individu. Jusqu’à IBM, plutôt une icône de la bureaucratie industrielle que de la contre-culture, qui promeut son premier personal computer aux côtés de l’anti-héros des Temps Modernes de Chaplin.
Tim Leary – l’autre apôtre de la culture LSD dans les années soixante, celui de la Côte Est, le pôle contraire de Ken Kesey – va jusqu’à déclarer que “le PC est le LSD des années 90”. Car même l’usage du LSD n’a pas disparu dans la vallée : il s’est lui aussi réintégré dans le nouveau paradigme startup. Depuis le début des années 2010, il n’est plus consommé sous forme de buvards lors de grandes fêtes orgiaques, mais au quotidien, sous forme de micro-doses, version homéopathique du buvard. A de telles doses, exit les hallucinations et la transcendance : seule persiste la multiplication des connexions synaptiques, censées, c’est la croyance locale, favoriser la créativité.
La cyberculture devait être l’accomplissement de la contre-culture. Au consumérisme offert par l’âge d’or du capitalisme (ce que de notre côté de l’Atlantique on appelait Trente Glorieuses), elle devait répondre en réalisant l’idéal d’une société dont les membres sont enfin en contrôle d’eux-mêmes et de leur environnement. Une société dont les membres ont ouvert les portes de la perception, sont finalement éveillés, connectés à leur être intérieur, connecté à leur prochain, connectés au monde et à l’univers. Ce que Fred Turner synthétise dans l’ouvrage déjà cité : le réseau devait permettre de remplacer les gouvernements et les corporations par des échanges continus, collaboratifs, décentralisés, d’énergie et d’information.
Le schisme
Mais le réseau, aujourd’hui, est menacé. De l’intérieur et de l’extérieur. Par-dessus son protocole, décentralisé par essence, on a créé des monstres ultra-centralisés, sous couvert de termes marketing comme le “cloud”. Les soubresauts technologiques décentralisés, réseaux peer-to-peer, protocoles de stockage distribué ou blockchains, ont mauvaise presse. Facebook a profité de ses océans de données pour créer des bulles, à l’intérieur desquelles se complaisent ses utilisateurs. Des bulles parsemées de fake news, peuplées de personnes aux opinions similaires, dont on applaudit virtuellement les publications. L’intelligence artificielle, qui se nourrit de ces applaudissements, peut alors créer du contentement pour l’utilisateur, en poussant uniquement sous ses yeux ces articles qui flattent son opinion, jusqu’à ce que le débat disparaisse, jusqu’à ce que la diversité disparaisse, jusqu’à ce que Donald Trump soit élu Président des Etats-Unis d’Amérique. Pourtant, Donald Trump représente l’antithèse des valeurs de la vallée. La vallée a beau concentrer les individus les plus iconiques du rêve américain, du succès du capitalisme, ces fiertés de la nation que Trump aime (presque) autant citer en exemple que lui-même. Mais rien n’y fait, la vallée a ses croyances, et Donald Trump n’y trouvera pas un seul soutien.
Pas un ? Si, un. Un, très exactement, mais pas n’importe lequel : Peter Thiel. Peter Thiel, le co-fondateur de Paypal, aux côtés d’Elon Musk. Et parrain de la Paypal mafia, du nom donné aux anciens employés de la startup. Une mafia dont la diaspora engendrera Youtube, Linkedin, Palantir, Yelp, Zynga, Yammer, pour ne citer que les noms les plus connus, ainsi que des fonds d’investissement parmi les plus puissants de la région. Si Elon Musk est le messie de la vallée, Peter Thiel en est l’antéchrist. Les deux se sont brouillés lorsque Musk a été éjecté de Paypal pour incompatibilité de culture. Lui aussi a utilisé son argent pour façonner le monde dont il rêvait. Et son monde est un cauchemar de cybernéticien : premier investisseur de Facebook, justement, et toujours membre du conseil d’administration. Co-fondateur de Palantir, l’entreprise qui organise les flux de données pour la CIA, la NSA, les armées et toutes les polices américaines. Fervent zélote du transhumanisme, il pense que l’argent lui achètera la technologie pour vivre mille ans. Libertarien convaincu, ne croit pas à l’Etat, a financé des étudiants prometteurs à Stanford, les Thiel kids, pour qu’ils quittent l’université (réalisant de manière alambiquée l’injonction de Tim Leary, la version Côte Est tantrique de Ken Kesey : “Turn on, tune in, drop out”). Investisseur chevronné, fondateur d’un hedge fund et d’un fond de venture capital, a récemment investi dans Clearview AI, un système de reconnaissance faciale qui utilise les données des réseaux sociaux pour identifier les suspects qui apparaissent sur les images de vidéosurveillance. Clearview AI a provoqué l’indignation outre-Atlantique... jusqu’à ce que la réalisation que ce système pourrait contribuer à l’effort de “distanciation sociale” pour enrayer l’épidémie ne lui donne une nouvelle crédibilité.
Mais restons à Peter Thiel. Thiel donc, indéfectible soutien de Trump. Le million de dollars investi par Thiel dans la campagne présidentielle a en partie servi à payer la facture de Cambridge Analytica, l’agence qui s’est appuyée sur facebook pour identifier et influencer les swing voters (les fameux électeurs indécis répartis dans quelques Etats clés) dans l’élection de 2016. L’Histoire ne dira jamais le rôle réel qu’aura joué ce million de dollars dans le résultat de l’élection.
En retour, l’administration Trump s’est attaquée à la neutralité du réseau, ce principe fondamental qui interdit aux fournisseurs d’accès à Internet de discriminer l’information transmise sur le réseau, que ce soit par la source, la destination ou le contenu. Ce qui, soit dit en passant, est un indicateur intéressant que les GAFA ne savent pas encore jouer le jeu des lobbies à Washington. Au contraire des opérateurs télécom, qui ne sont pas aucunement issus de la culture de la vallée. Ils sont l’incarnation même des corporations avides et aveugles que la contre-culture combattait. Sans neutralité du réseau, c’est eux qui détiennent tout pouvoir sur l’accessibilité des informations sur Internet.
Une plus grave menace encore pèse sur le réseau. Moins structurelle, plus radicale : le grand schisme. Aucun des régimes que l’on pourra qualifier de “forts”, pour utiliser un euphémisme, n’aura été dupe du rôle joué par twitter ou Wikileaks dans ce qu’on a appelé le printemps arabe. On a vu éclore, au fil des années, des systèmes de plus en plus radicaux pour s’en prémunir. Le Great Firewall Chinois, c’est avant tout un poste-frontière entre les communications entrantes et sortantes dans le pays. Le firewall peut facilement exclure des services étrangers hérésiarques. Depuis mai 2019, Wikipedia n’est plus disponible en Chine dans aucune langue.
La solution du firewall est une solution modérée, qui inspire d’autres grandes nations à travers le monde, à commencer par la Russie de Poutine ou la Turquie d’Erdogan, où Wikipedia est aussi tombée sous les coups de la censure. Des solutions plus radicales existent. Depuis Novembre 2019, l’Iran est fréquemment coupée de ce qu’il convient d’appeler, sous une forme un peu datée “l’Internet”, c’est-à-dire internet tel que nous l’utilisons tous. Un internet local, isolé, contenant tous les nœuds du réseau iranien, est toujours accessible. Ces coupures interviennent à la veille d’évènements géopolitiques sensibles, et ont pu durer jusqu’à une dizaine de jours. Elles peuvent être vues comme une expérimentation en vue d’une solution plus pérenne. Plus qu’un firewall, une telle solution serait un schisme.
Un schisme peut être réalisé lorsqu’un organe de contrôle a tout pouvoir sur les points d’entrée et de sortie du réseau Internet. Et il ne faut pas oublier que le réseau Internet n’est rien d’autre qu’un réseau physique de câbles reliant des ordinateurs qui acceptent d’échanger de l’information entre eux en utilisant le même protocole. Certes, on peut utiliser Internet sans fil, via des antennes qui parlent à votre appareil en WiFi ou en 5G. Ces antennes ne sont jamais bien distantes, et finalement, ce sont bien un ou deux gros (et encore : vingt-cinq millimètres de diamètre) câbles optiques qui connectent un pays au reste d’Internet. Rien de plus facile que de contrôler les entrées et sorties de ce câble optique. C’est une autre paire de manches si vos citoyens communiquent directement avec une flotte de satellites que vous ne contrôlez pas.
Dans ce monde futur en puissance, Starlink aurait à jouer le rôle du récepteur radio pendant la Seconde Guerre mondiale : celui qui porte la voix des forces encore libres jusqu’au plus sombre des territoires occupés. Celui qui porte les nouvelles du monde libre contre la censure et la propagande totalitaire. Celui qui permet aux peuples sous le joug d’un régime injuste de garder intactes leur culture et leur capacité à se soulever.
La guerre des étoiles
Cette fable est crédible jusqu’à un certain point. Tant qu’elle est portée par la figure messianique de Elon, et connaissant la place centrale du réseau dans la cosmogonie californienne, il n’est pas interdit de penser même qu’elle est guidée par une certaine ingénuité.
Reste que Starlink n’est pas seul. Aux douze (ou peut-être quarante-deux) mille satellites en orbite basse que lancera à terme SpaceX, viennent s’ajouter les 3200 satellites du projet Kuiper, lancé par Amazon. Difficile d’invoquer la même mythologie hippie pour parler de Jeff Bezos que pour Elon Musk. Amazon ne vient pas de la Silicon valley. Le projet d’Amazon n’a jamais été le fruit d’une vision autre que la poursuite du profit. Pour ceux qui en douteraient, voici comment Bezos, en 1994, racontait l’origine d’Amazon : “J’ai appris que l’utilisation du web augmentait de 2 300 % par an. Je n’avais jamais vu ou entendu parler de quelque chose avec une croissance aussi rapide”. Il fallait y aller. Difficile de faire plus clair.
Continuons avec les chiffres. Après les 3200 satellites d’Amazon viennent les 5200 satellites du projet OneWeb, financé par Qualcomm et le Vision Fund. À titre de précision, le Vision Fund est un gigantesque fonds d’investissement dans la technologie, dont la moitié des financements proviennent des pétrodollars saoudiens. Il a été créé en 2016, deux ans avant que n’éclate l’affaire Khashoggi. Pendant ces deux ans, le fond a généreusement investi dans les startups de la Silicon Valley. Lorsque la communauté internationale s’émeut de l’assassinat de l’opposant au prince héritier saoudien, la vallée baisse les yeux : peut-on vraiment à la fois prétendre changer le monde et se financer comme si l’argent n’avait pas d’odeur ? Mais le Vision Fund n’a pas nourri que la vallée. Il a déversé des milliards de dollars aussi bien sur Uber, que sur ses concurrents Didi Chuxing et Grab, respectivement en Chine et à Singapour. Le savoir-faire en termes d’intelligence artificielle s’est exporté. L’un des plus influents technologistes et investisseurs chinois, Kai-Fu Lee, raconte cette transfusion dans son dernier livre. Son agent littéraire n’est autre que le puissant John Brockman, autre figure de la grande traversée de la contre-culture vers la cyberculture.
Puisque nous sommes en Chine : l’addition n’est pas terminée. Les autorités de régulation ont révélé que le CASIC (pour China Aerospace Science and Industry Corporation) était aussi secrètement sur les rangs. De même que le britannique Lynk, le canadien Telesat, Roscosmos, l’agence chargé du programme spatial de la Russie, et la Corée du Sud. Et Facebook. Il semble bien illusoire de penser qu’une liste si longue puisse être exhaustive. Et bien illusoire de penser que tant de colons de l’espace se mettent sur les rangs sans un appât du gain conséquent.
L’investissement pour SpaceX est monstrueusement risqué : la première constellation de douze mille satellites de Starlink coûterait dix milliards de dollars, si tous les lancements se passent sans imprévu. Dix milliards à mettre en regard des trois milliards de dollars de revenus annuels que rapportent les lancements commerciaux à SpaceX. Ces projections n’incluent pas les coûts de fonctionnement, le renouvellement des satellites en orbite basse qui ont une durée de vie de cinq ans, ou la manufacture des terminaux au sol.
En échange, Starlink pourrait rapporter trente milliards de dollars annuels d’ici 2025, le temps de conquérir quarante millions d’utilisateurs. Les Nations Unies ont estimé en décembre que la moitié de la population mondiale était encore déconnectée, ce qui signifie que les trente milliards pourraient n’être qu’une petite part du gâteau. Il semble que Elon a finalement trouvé le projet qui viendra financer sa conquête de Mars… et que la guerre des étoiles entre SpaceX et ses compétiteurs ne fait que commencer.
Hackers
Que pensent les descendants des hippies de cette guerre des étoiles ? Depuis une douzaine d’années, il existe un moyen certain de prendre le pouls de la vallée (et de la scène startup en général) : Hackernews. Hackernews est une sorte de forum d’élite sur lequel un algorithme décide des articles qui seront mis en avant pour la communauté de hackers. “Hacker” est un mot qui a plusieurs acceptions, et il faut ici, comme dans le reste de ce texte, l’entendre tel qu’il est employé dans la Silicon Valley (si cette définition ressemble trop à une tautologie, se référer à l’article originel du très influent fondateur de hackernews). L’algorithme de hackernews prend en compte la réputation des contributeurs, appelée “karma”. Depuis que le milieu astronomique est venu entrer en collision avec les plans de Musk, le débat semble s’être cristallisé sur trois points.
Premier point : pourquoi vient-on encore nuire à la liberté d’entreprendre ? Les anarchistes de la contre-culture, en rejoignant le giron du libéralisme américain, sont devenus libertariens. L’État est illégitime dès lors qu’il interfère avec les droits de propriété et d’entreprise (rejoignant ainsi la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen de 1789, premier ouvrage à qualifier le droit de propriété de “sacré”). Toutes les pistes sont bonnes pour échapper à l’État : Peter Thiel, le parrain de la Paypal mafia, contribue au Sea Standing Institute, dont l’objectif est de se soustraire à l’impôt et à la loi en créant des îles flottantes au large de la Californie, dans les eaux internationales.
La montée en puissance de ce courant de pensée aux Etats-Unis au moins depuis Reagan peut-il expliquer l’inaction des organismes chargés de réguler l’accès à l’espace et l’attribution des fréquences radio des satellites (International Telecommunication Union et Federal Communications Commission), qui distribuent les licenses à SpaceX et à ses concurrents ? Pas vraiment. Ces organismes ne font qu’appliquer des régulations dictées par un rythme législatif désormais beaucoup trop lent pour suivre la créativité d’entreprises désormais biberonnées avec des milliards de dollars (saoudiens ou autres) avant de devoir viser la rentabilité.
Deuxième point de débat : un déni de l’impact de Starlink sur l’astronomie et l’astrophysique, au motif que les scientifiques sont incompétents, ce qui est prouvé par le délai qu’il leur a fallu pour se saisir du sujet : comment n’a-t-elle rien vu venir en cinq ans ? (Note : des voix se sont élevées dans la communauté scientifique dès l’annonce de Starlink. Il a néanmoins fallu attendre que les premiers trains de satellites très lumineux soient en orbite pour que le problème devienne suffisamment visuel pour faire la couverture des médias).
Cette opposition peut surprendre, pour qui pense que l’écosystème de l’innovation, hautement technique et conceptuel, est un écosystème rationnel, et donc proche de la science. Ce serait profondément méconnaître les mécanismes de l’innovation. Là où la science cherche à comprendre des phénomènes, l’innovation cherche seulement à les exploiter. Ce que l’industrie appelle aujourd’hui intelligence artificielle est tout au plus un processus numérique pour trouver une solution numérique à un problème concret (par exemple, apprendre à une voiture à se conduire toute seule). Cette solution ne provenant pas d’une démarche rationnelle mais d’une solution statistique, dans laquelle les processus de décision deviennent des optimisations plus que des choix. L’essence du machine learning est telle qu’il devient très difficile de comprendre, en langage intelligible par l’humain, le processus de décision qui a amené un algorithme à mal évaluer le danger et à renverser le premier piéton victime d’une voiture autonome. Better ask for forgiveness than permission, scande un dicton startup usé jusqu’à la corde. Dans le cas de Starlink, la demande de pardon prend la forme d’une proposition de peindre les satellites en noir à (oui, le noir carbone qui recouvrait la Batmobile version 2005 et un certain nombre de voitures de sport modifiées depuis). Un premier dark satellite a été lancé dans la fournée de mars, pour un résultat peu impressionnant.
Aujourd’hui, l’objectif d’une startup est la recherche de la croissance, et la mythologie locale veut que cette recherche soit équivalente à changer le monde. Et peu importe que la croissance consiste à vendre plus de publicité en ligne, créer plus de rencontres sur des applications de dating, générer plus de contrats bancaires dématérialisés, ou multiplier exponentiellement le nombre de satellites dans le ciel.
Dernier point de débat, et le plus intéressant : une rationalisation des pertes et profits en jeu pour chaque individu. C’est-à-dire, individualisme oblige, pour chaque contributeur au forum. Pertes : le ciel et la science, et encore, rien n’est encore démontré. Profit : la possibilité de travailler en freelance depuis un hamac sur une île déserte, tout en étant grassement payé aux taux journaliers californiens. Pour ceux à qui l’équation se présente ainsi, il semble que le bilan est vite tiré : un tel contrôle sur son rythme de vie et son environnement n’a pas de prix. Les autres, tous ceux qui ne sont pas développeurs dans la tech, n’ont pas tout perdu : à terme, Internet leur permettra de se former en ligne, de pivoter, et leur apportera finalement la possibilité d’avoir eux aussi, un jour, un tel dilemme. Du moment que les hackers gardent le réseau. Du moment que les hackers gardent le contrôle...
Réseau et contrôle
Car il s’agit ici encore de contrôle : contrôler sa destinée personnelle, être libre de choisir où l’on travaille, où l’on vit, sans avoir à modifier son œuvre. Quand prendre un avion connecté à Internet n’interrompt plus le flux de votre travail, vous êtes en contrôle. Quand vous êtes sur une île déserte et que vous êtes toujours connecté, vous êtes en contrôle. Quand un bracelet connecté continue de relever vos signaux biométriques et votre position, vous êtes en contrôle. Vous maîtrisez tous les aléas de votre destin. Et êtes donc responsable, redevable, de chaque imprévu qui pourrait impacter votre productivité…
Serait-ce à dire que le freelance connecté est sur le point, depuis son hamac sur une île déserte, d’être payé à la tâche, tel le Chaplin des Temps Modernes sur sa chaîne de montage ? Le contrôle aurait-il pernicieusement changé de main en cours de route ? Êtes-vous en contrôle de votre temps, ou est-ce votre employeur, votre client, votre commanditaire qui vous possède ?
Est-ce que tous les acteurs impliqués dans ces constellations - entreprises toutes-puissantes, investisseurs, gouvernements - ne sont pas alignées dans leurs objectifs : asseoir un contrôle toujours plus étroit sur l’individu, par le réseau ? En acceptant de se réintégrer, de se réinventer, de se fondre dans le capitalisme pour le changer de l’intérieur, la contre-culture a-t-elle elle-même créé le monde orwellien qu’elle prétendait détruire ?
Les réponses apportées autour du monde à la pandémie de coronavirus devraient pouvoir nous éclairer (j’en fais une étude détaillée ailleurs). A l’heure où les citoyens occidentaux reprochent à grands cris à leurs dirigeants de n’avoir pas encore “aplati la courbe”, tous les regards se tournent vers la Chine et les dragons d’Asie. Les succès proclamés (et mis en doute par un certain nombre de lanceurs d’alerte) s’appuient sur un déferlement technologique qui couvrent tout le spectre des moyens de surveillance et de contrôle, de la reconnaissance faciale à la géolocalisation. Dans la Silicon Valley et en France, des apps de pistage des contacts (plutôt que de dépistage des patients) émergent, s’appuyant sur le consentement et sur des protocoles anonymes et décentralisés. Leur design respecte les normes de protection de la vie privée, GDPR et autres CCPA. Les sondages se montrent plutôt favorables. Premier problème : un design, même open source, ne garantit jamais une implémentation. Ni qu’aucun gouvernement, un jour, n’ajoutera de backdoors dans le logiciel. En attendant, les citoyens se seront habitués à accepter un peu plus de surveillance, au nom de leur sécurité (sanitaire, pour une fois). Second problème : ces applications de tracking seront quoiqu’il arrive inefficientes, à moins d’une adoption massive. C’est peut-être là que Starlink entre en jeu : en assurant notre connexion à tous, partout, tout le temps.
En attendant, cette constellation artificielle se construit peu à peu dans notre ciel. Si nos nuits étoilées changent de visage dans les prochaines années, nous pourrons toujours nous consoler en pensant que tout ceci n’était pas en vain : nous aurons bientôt à notre portée le ciel de Mars.
Jonathan Bourguignon
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