Songer à la fin de l’Economie plutôt qu’à sa « régulation »

Un livre essentiel pour s’attaquer vraiment aux causes des désastres

jeudi 30 septembre 2021, par Lili souris de bibliothèque.

Ce livre analyse la situation depuis l’émergence de la pandémie, depuis l’angle de l’économie.
A l’aube des élections 2022, aucun des candidats du groupe de tête ne remet en cause le monde de l’’Economie, chacun à leur manière ils parlent de création d’emploi, de relance de la Croissance, de maintenir cardinales la "valeur travail" et la sainte concurrence.
Ainsi, ils veulent à tout prix maintenir le système qui est à la source de la pandémie de covid-19 et des autres désastres (climatiques, sociaux, écologiques...). Et ils voudraient qu’on vote pour eux ?!

- De virus illustribus - Un an et demi après - « Ce n´est pas à la "régulation" de l´économie mais à sa fin qu´il faut songer » - un livre de Sandrine Aumercier

Un an et demi après le premier confinement lié à la pandémie de covid 19, Saudrine Aumercier, psychanalyste et membre du collectif des éditions Crise et critique, tente de clarifier la situation actuelle. L’année passée, elle avait analysé à chaud la manière dont le capitalisme se confrontait au coronavirus dans un ouvrage colelctif intitulé De virus illustribus. Trois idées lui importent, reprises ici : l’économie était déjà en crise avant l’arrivée du Covid ; l’État et le marché sont interdépenants, donc la crise économique prolongée implique celle de l’État providence ; la "relance" ne se comprend alors que comme maintient à flot de l’économie. De là, elle balaye efficacement toutes sortes d’illusions politiciennes ou économistes qui rejaillissent en ces temps de primaires et autres élections. Car "ce n´est pas à la « régulation » de l´économie mais à sa fin qu´il faut songer".

Le livre De virus illustribus a été écrit à chaud pendant le confinement de mars-avril 2020 par quatre personnes qui participent au courant théorique dit de la critique de la valeur. Je pense que beaucoup de gens sont d´accord pour dire que le premier confinement avait quelque chose de particulier, d´inouï, d´historique. Subjectivement, beaucoup l´ont ressenti comme un moment de sidération : ils étaient du jour au lendemain apparemment libérés de la pression à travailler, courir partout, être partout à la fois, multiplier les rendez-vous, consommer, optimiser ses performances à l´école comme au bureau, soigner sa réputation, etc. Les rues étaient vides et on entendait dire que la moitié du monde venait d´être mise à l´arrêt. Cela ressemblait à un film de science-fiction. Il est évident que ceux qui ont tout perdu et dont la vie est devenue encore plus précaire n´ont certainement pas la même appréciation de ce moment.
(...)
On sait que la destruction des espaces naturels, la déforestation, l´élevage industriel, le réchauffement climatique et la frénésie de vols internationaux ont largement eu leur part dans le déclenchement et la diffusion rapide de cette crise sanitaire. Ces causes, dont les publications spécialisées se sont fait l´écho, ne seront pourtant pas visées par les différentes politiques mises en œuvre pour combattre le virus. La seule et unique obsession qui se fait jour dès le début est de contenir le plus vite possible ce qui échappe aux prévisions et menace de faire s´effondrer l´économie mondiale. Le vocabulaire martial et l´inflation d´autoritarisme témoignent d´une panique devant l´irruption de l´incontrôlable. L´instauration d´un état d´exception permanent est en ce sens la réponse inévitable d´une sphère politique acculée devant une contradiction insurmontable.

Car, à ce moment, l´image triomphante du marché et de la démocratie se fissure et des choses désagréables se font jour, même si c´est un court moment, comme un moment d´étourdissement. J´en nommerai trois qui ont été développées dans le livre :
(...)
C´est ainsi que le citoyen du monde civilisé … peut se trouver désemparé dans un monde qui lui est devenu étranger – sa grande patrie en ruine, les biens communs dévastés, les concitoyens divisés et avilis ! Sa déception pourrait faire l´objet de quelques critiques. A le bien prendre, elle ne se justifie pas, car elle consiste en la destruction d´une illusion. Les illusions se recommandent à nous par le fait qu´elles nous épargnent des sentiments de déplaisir et nous font éprouver à leur place la satisfaction. Il nous faut donc accepter sans nous plaindre qu´elles se heurtent un jour à une partie de la réalité et s´y brisent. Cette guerre a suscité notre désillusion pour deux raisons : la faible moralité, dans leurs relations extérieures, des États qui se comportaient à l´intérieur comme des gardiens des normes morales et, chez les individus, une brutalité de comportement, dont on n´aurait pas cru que, participant de la plus haute civilisation humaine, ils fussent capables. »
(...)
Il est possible de traduire cette mise en garde freudienne, vieille de plus d´un siècle, dans des termes plus actuels : les « valeurs européennes » ne sont qu´une construction idéologique destinée à consolider l´édifice politico-juridico-économique qui a vu l´Europe coloniser plus des trois quarts de la planète et la modeler dans sa forme moderne. Comme on sait, des débats peu ragoûtants ont eu lieu sur les supposés fondements judéo-chrétiens des valeurs européennes, mais aussi, en miroir, sur leur relativité eu égard à d´autres cultures extra-européennes. Tous ces débats restent enfermés dans l´idéalisation de certaines valeurs morales, occidentales ou non-occidentales – selon les goûts – qui sont le supplément d´âme du mode de production capitaliste, lequel ne connaît pas la morale et ne la connaîtra jamais, puisque son seul point de référence sont les chiffres de la croissance.

Ces débats restent également enfermés dans l´increvable projection œdipienne faite sur un homme fort, celui qui nous tirera de cette impasse, et sur les institutions qui sont censées en garantir la fabrication et l´élection.
(...)
C´est pourquoi ce n´est pas à la « régulation » de l´économie mais à sa fin qu´il faut songer. C´est pourquoi aussi nous sommes nombreux à avoir eu la faiblesse d´y croire pendant quelques semaines, lors du premier confinement. Nous avons vu qu´une chiquenaude – quelques semaines d´interruption – pouvait mettre à plat toute l´économie et donner plus que des sueurs froides aux dirigeants du monde entier. Nous avons entrevu ce que ça pourrait être de vivre non pas reclus et connectés, mais libérés de nos « emplois » et de la nécessité de « gagner notre vie ». Bien sûr, ce n´était en aucun cas une délivrance, puisque tout était en place pour que ça reparte immédiatement. C´était tout sauf un nouveau départ, mais c´était comme un coup d´œil sur l´autre côté. C´était encore une illusion au sens freudien, mais elle nous renseigne aussi sur beaucoup de choses. Ce virus a décidément touché le talon d´Achille du système capitaliste et c´est pourquoi les gouvernements lui ont déclaré une guerre impitoyable et universelle jusqu´à aujourd´hui. Parfois je me demande si ce n´est pas ce premier confinement que les gouvernements occidentaux ne se pardonnent pas et qu´ils cherchent à effacer de nos mémoires, comme s´il fallait conjurer un faux-pas et s´assurer que ça ne se reproduise jamais.

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