Si tu ne t’occupes pas des municipales, politiciens, notables et bourgois s’occuperont de toi

Pour aller vers la démocratie directe, les municipales se préparent dès maintenant, investissons en nombre les listes ouvertes

dimanche 5 janvier 2025, par Camille Pierrette.

Pour les municipales, deux options possibles pour les personnes de « gauche radicale », anticapitalistes, libertaires, pour toustes les amoureu.ses.x de la démocratie réelle... : soit tenter quelque chose, peser, participer d’une manière ou d’une autre, soit boycotter complètement le processus et agir autrement (action révolutionnaire, assemblées et vie politique hors des institutions...). Par exemple, dans le communalisme, ou municipalisme libertaire, il s’agit avant tout de multiplier des assemblées locales hors des institutions et de les fédérer pour submerger le système politique autoritaire existant.

Les deux voies peuvent se justifier pour de très bonnes raisons. Et peuvent d’ailleurs se cumuler.
Je ne vais pas refaire les débats entre réformes ou révolutions, ou sur les tactiques et stratégies possibles pour pousser à des changements positifs profonds.

Pourquoi peser pour aller vers la démocratie directe ?

Ici je vais parler un peu de l’option 1 : les tentatives de peser plus ou moins fortement sur les élections municipales en participant d’une manière ou d’une autre à des listes candidates, voire à des équipes élues.

C’est le moment de mettre en pratique les idées portées lors des Nuits Debouts ou des gilets jaunes.

- Il me semble que ça peut avoir un intérêt dans de nombreuses communes, pour :

  • sortir les questions politiques des cercles militants ou politiciens
  • s’habituer à discuter, cogiter, se disputer, décider, à égalité, bref à faire de la politique une question proche et quotidienne
  • faciliter l’émergence parmi de larges pans de la population des questions et choix politiques, sociaux, écologiques...
  • avoir des équipes municipales moins hostiles aux actions radicales et révolutionnaires, voir ouvertes à faciliter certaines actions, lieux, événements...
  • Bref, faire bouger aux niveau des communes la « fenêtre d’Overton » du côté de la révolution sociale plutôt que vers la répétition de l’ordre social ou le néo-fascisme

Bien sûr les possibilités de démocratie réelle, donc plus ou moins directe, restent limitées dans un modèle de société non-démocratique encastré dans des directions contraires à la démocratie : Etat, société de masse, système technologique, classes sociales et capitalisme.
Des transformations de la politique communale ne sont donc qu’un élément parmi d’autres, au mieux une prémisse et une préparation à des basculements plus larges et plus radicaux.
D’autant plus que les prérogatives des communes ont tendance à diminuer, au profit des communautés de commune, ce qui éloigne encore plus la politique.

Si les habitant.e.s des communes laissent les partis et listes « habituelles » mener la danse, rien ne changera vraiment, aucune équipe n’essaiera de rompre avec le modèle dominant, même si une liste vraiment ancrée à gauche reste préférable aux droites extrêmes et autres macronistes.
Souvent, même à gauche, une forme d’élitisme est préférée à la démocratie directe, car les habitants sont jugés trop inaptes à prendre de « bonnes » décisions...

Habituellement, ce sont des notables, des figures locales de partis politiques, des petits ou grands bourgeois, des classes moyennes avec capital culturel qui briguent les conseils municipaux et dirigent les campagnes électorales.
Les autres, les « petits », sont cantonnés au rôle de figurant, de votant, au mieux de puits à idées via des dispostifs plus ou moins participatifs.

Rares sont les listes avec des membres de toutes les classes sociales, encore plus rares sont les listes désirant remplacer le pouvoir donné aux élus de prendre toutes les décisions par des processus démocratique de décision impliquant réellement les habitant.e.s.

Si on laisse faire ces notables et si on fait pas des pas de côté hors du modèle social dominant, les projets ressembleront à une forme ou une autre de clientélisme sur fond de « frilosité » : plaire à un large nombre d’électeurs, prendre quelques mesures phares en rupture pour se démarquer et en même temps ne pas montrer une franche rupture pour ne pas faire peur, avec des doses plus ou moins fortes de participatif et de citoyen que chacun accomode à sa sauce...
C’est la quadrature du cercle, le modèle de la compétition électorale périodique ne favorise pas la démocratie et les avancées sociales/écologiques/politiques, mais le statu quo et le clientélisme.

Viser la démocratie directe pour briser l’immobilisme et le clientélisme

Seule la démocratie directe, où les pauvres, minorités et exclus peuvent réellement peser, peut briser l’entre soi, remettre la vie politique aux mains des peuples et permettre un début de sortie du modèle social existant.

La démocratie directe, ce serait (pour le volet organisation politique) : pas de meilleurs élus, pas des élus de « notre bord », en fait pas d’élus du tout, plus besoin de partis ni d’élire des représentants. On décide collectivement, ensemble, on fait vivre la politique toute l’année, d’abord et surtout à l’échellon très local, avec éventuellement quelques personnes « mandatées » (qui n’ont pas de pouvoir de décision, qui font valoir les décisions collectives dans une instance fédérale).
Si le pouvoir est à tout le monde à égalité, il n’y a plus de pouvoir, donc beaucoup moins de risques d’abus de pouvoir. A condition d’être présents, nombreux.ses à être vigilants et à faire vivre la politique.
Autre règle : que toutes les décisions qui concernent un « niveau » donné soient prises à ce niveau. Exemple : une décision qui concerne un quartier est prise par l’assemblée du quartier au plus près, pas par la commune
Evidemment, ça implique au final de profondes modifications : de mentalité, d’engagement, d’organisation sociale, de mode de production et de technologies...

- Dans cette optique, avec les contraintes institutionnelles actuelles, une équipe qui remporterait les élections municipales auraient deux options pour se rapprocher de la démocratie directe :

  1. Faire en sorte qu’un maximum d’habitants viennent à de multiples réunions/commissions/assemblées, où ils creusent les sujets et prennent collectivement les décisions. (dans les communes plus grandes, il faudra découper les instances par rues, quartiers)
  2. Tirer au sort parmi les divers « niveaux » (rue, quartier, commune) des assemblées suffisamment nombreuses pour représenter statistiquement une large diversité d’habitants (corrélée au nombre total d’habitants). Ces assemblées seraient décisionnaires.

Dans les deux cas, tant qu’on est dans les institutions actuelles, les élus se contenteraient de gérer les affaires courantes et de valider formellement les décisions prises par les habitants pour que le fonctionnement soit légal. Les élus de la majorité municipale ne prendraient aucune décision d’importance.
A la rigueur, si des projets précis ont été définis avant l’élection, les élus se borneraient à faire avancer ces projets là. Resterait alors à voir comment seraient définis les projets prioritaires de la liste avant l’élection, par qui, etc.

- L’option 1 risque d’être difficile à tenir car peu de monde a le temps et/ou le goût pour participer à la vie politique. On nous a tellement appris que la politique et la démocratie s’était voter et laisser faire les élus-rois, avec éventuellement quelques protestations quand vraiment ça va pas.
Il faudrait aménager/varier les horaires des réunions, proposer des garderies pour les enfants, obtenir de la part d’employeurs des autorisations d’absence, etc. Ca risque de prendre beaucoup de temps avant de fonctionner.

- Avec l’option 2, assortie d’une obligation de présence pour les tirées au sort (avec des indemnités de présence, garderie...), il y a moins de monde à mobiliser. C’est sans doute plus réalisable dans un premier temps.

Possible aussi de mixer les deux. De compléter les assemblées tirées au sort par de multiples réunions publiques ont les habitants peuvent s’exprimer librement, et où les décideurs tirés au sort s’efforcent de bien écouter.
Possible aussi de faire tourner régulièrement les tirés au sort (tous les ans ?) pour impliquer un plus grand nombre de personnes dans le processus politique.

- Ce serait à affiner suivant les particularités locales et au fil des expériences.
Des tas de questions restent bien sûr en suspens, à tester/penser par chaque commune, par exemple :

  • à partir de quel âge peut-on participer à une commission/assemblée ?
  • Quel serait le (les) mode de décision dans les assemblées/commission ? Le plus riche et démocratique est souvent la méthode du consentement
  • Quelle place auraient d’éventuels experts lors des décisions sur des sujets pointus/complexes ?
  • Quel place auraient les élus de « l’opposition » (celleux qui ne sont pas dans la majorité municipale élue)
  • Comment doser le programme lors de la campagne afin de remporter les élections : entre la version radicale où le seul programme est de faire vivre la démocratie directe une fois élu, et une version plus classique qui « rassure » certains avec un programme précis comportant des projets définis ?

Les élections municipales c’est au printemps 2026, dans un an

Il est encore temps d’agir et de peser.
Si dans une commune des personnes s’engagent au-delà du cercle « habituel », des choses sont possibles. Peut-être plus facilement dans les communes pas trop grandes, où les partis et figures sont incrustés. Dans les villages et petites/moyennes communes, les jeux sont plus ouverts, d’autant que les personnes qui s’y mettent habituellement sont peu nombreuses, il peut être assez facile de les déborder par le nombre et d’orienter la liste vers de vraies ruptures.
Evidemment il est plus facile d’orienter, investir et déborder une liste dite participative, citoyenne, que la liste d’un parti, d’un clan avec son grand chef, d’un groupe d’intérêt consolidé... Créons de nouvelles listes si besoin.

A bon entendeur...


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