Remarques constructives sur les assemblées, et sur l’AG gilets jaunes à Valence du 12 février 2019

Idées pour avancer et dédramatiser, pour continuer des assemblées diverses

jeudi 14 février 2019, par Camille Pierrette.

Mardi 12 au soir a eu lieu à Valence une AG de gilets jaunes de Valence et de la région (Ardèche, Vallée de la Drôme....), j’étais présent, ça m’a donné envie de faire quelques remarques pouvant être utiles.

Ce texte n’est pas un CR de la réunion, mais juste des remarques sur le déroulé, les problèmes soulevées par la forme AG, des idées pour avancer, etc.

Le côté bordélique de cette AG (surtout sur la fin) est parfaitement « logique », « normal », inévitable étant donné la situation et notre diversité.
Il ne faut donc pas s’en attrister, s’en offusquer ni se décourager, juste continuer, en faire d’autres, dialoguer, et améliorer sans doute certaines choses pour que petit à petit ça se passe mieux.
Réjouissons-nous plutôt d’avoir eu une salle et sur le fait d’essayer d’avancer ensemble.

- Voici pourquoi il ne faut pas nous inquiéter outre mesure des difficultés de cette AG (et des AG en général) :

  • On est encore plein de gens qui se connaissent pas ou peu, ce qui peut générer des méfiances et incompréhensions.
  • Le matos son n’était pas très bon (le pognon pour du bon matos est davantage disponible chez les riches où lors des saloperies de « débats » macronistes !), souvent on ne comprenait pas la moitié des prises de parole, ce qui n’aide pas à la sérénité et à la compréhension mutuelle.
  • Il est toujours très difficile de faire une assemblée avec beaucoup de monde, surtout si ça dure.
  • Pour la plupart nous n’avons pas d’expérience de ce genre de réunions. D’autant que l’éducation nationale, les institutions politiques non démocratiques en vigueur, le système merdiatique ne nous apprennent surtout pas à faire des assemblées démocratiques, à savoir parler et écouter, à faire vivre l’intelligence collective. Ils nous forment plutôt à être des moutons soumis incapables d’agir et de décider ensemble, bons pour le Daubé et BFM
  • Ce n’est, si j’ai bien suivi, que la 2e AG de ce type, donc c’est tout nouveau
  • On est très différent.e.s, venant de milieux sociaux et de modes de pensée très différents. C’est super, mais dès qu’on creuse certains sujets, des désaccords et incompréhensions apparaissent. C’est parfaitement normal.
  • On vit un conflit dur imposé par tout un système, c’est éprouvant pour les nerfs et les émotions. Donc pas étonnant que parfois ça déborde

Tout ça peut certes être pénible et énergivore (surtout pour celleux qui tentent d’organiser les AG ; qu’il serait bon de soutenir et venir renforcer), mais tenons bon, les AG sont un des moyens pour s’affranchir des partis politiques et autres tutelles, pour vivre la démocratie directe, nous organiser et mieux préparer la suite.
- voir Assemblée des assemblées des gilets jaunes à Commercy

- Voici certains aspects sur lesquelles jouer pour améliorer les AG :

Les outils d’organisation d’une assemblée/réunion

L’autonomie et la démocratie directe s’apprennent par la pratique, des outils d’(auto)éducation populaire peuvent aider.
- Vous en trouverez certains sur cette page et sur les liens qu’elle indique, notamment cette page.

Un des gros point compliqué est le mode de décision : majorité, majorité de tant de pourcent...? Pour les groupes petits (10 à 20 maxi), il peut être mieux de pratiquer la méthode de décision par consentement (personne ne s’oppose à la décision pour des motifs « valables »). Ca permet d’éviter les frustrations des « minorités » et de davantage travailler les propositions/décisions, mais c’est une méthode plus difficile à faire au départ.

Il ne faut pas sacraliser ces outils ni les suivre à la lettre. Il est bon de les adapter à chaque fois au contexte et souhaits, de ne pas s’enfermer sur un outil ou une méthode, de bien choisir à chaque fois ce dont on a vraiment besoin car il n’y a pas de recette miracle qui marche à tous les coups.
L’important n’est pas les outils, mais ce qui se vit, le fait d’arriver à agir et à atteindre les objectifs fixés.

Il peut être utile que certaines personnes suivent des formations sur ces outils, afin qu’elles approfondissent la question et puissent transmettre aux autres.

Une assemblée gilets jaunes

Le facteur temps

Dans tous les cas, pratiquer la démocratie directe, s’entendre, prendre des décisions, peut prendre du temps, surtout si on est nombreux, sans expérience et très disparates.

On doit accepter, malgré les urgences, de prendre le temps de se connaître, d’avoir une expérience des assemblées, et ensuite ça ira nettement plus vite.

Un moyen peut être de faire au départ les assemblées dans des petits groupes, en se réunissant moins souvent avec tout le monde.
Les groupes de travail thématiques sont aussi un moyen d’avancer sur des objectifs concrets.

Il peut aussi être très utile de faire souvent des moments plus informels, discussions, repas, débats, conférences..., au sein de clubs de gilets jaunes, dans l’esprit de l’appel des gilets de Montreuil :

Appel des Gilets Jaunes de Montreuil : réponse à Commercy
par [Gilets Jaunes de Montreuil->https://www.youtube.com/channel/UCsNeXtA77HHcE4xQ3GiQaBw]
https://youtu.be/mfjcqj001Rc

Accepter différences, divergences, et les diverses formes d’actions

Les conflits et désaccords sont sains et font partie de la vie. Si on reste attentifs et ouverts, ils sont le plus souvent utiles et féconds et ne vont pas prendre des proportions destructrices, ils sont le carburant pour faire bouger les lignes, trouver ensemble d’autres solutions, ne pas rester figer dans des formes (qu’elles marchent ou pas), ne pas se scléroser.

Il faut absolument que les désaccords puissent s’exprimer, et voir ensemble comment les résoudre (dialogue, explications, compromis, faire autrement...), ou le cas échéant accepter qu’ils ne peuvent être levés.
Si une décision non-urgente n’est pas mûre ou suscite trop de conflits, la reporter à une autre fois.

En cas de désaccords persistants, au lieu de tenter d’imposer à tout le monde des choses qui ne plaisent pas à certain.e.s, laissons plutôt des possibilités pour que les personnes en désaccord puissent agir parfois à leur manière, chacun.e de leur côté.
Plutôt qu’une union ou unanimité souvent impossible ou qui se ferait par l’uniformisation et la coercition, cultivons, comme ça a été fait le plus souvent depuis novembre, des espaces de libertés, la tolérance envers les autres formes d’actions et de pensée (à condition bien sûr qu’elles ne soient pas contre le soulèvement gilets jaunes).
Dans un soulèvement général, toutes les actions sont utiles, sauf celles qui se contenteraient de miettes, qui sont « complices » des pouvoirs, qui sont prêtes à négocier la reddition et à légitimer le régime, ou qui dénonceraient des manifestants jugés trop bougeant aux flics, sauf celles qui voudraient faire rentrer dans le rang, vers les partis, les élections, ou qui iraient vers des dérives fascistes.

Il faudrait arriver à la fois à débattre/discuter plus largement pour creuser les choses et essayer davantage de convergences, et en même temps garder la diversité et l’autonomie de chaque groupe local, car il n’est pas possible ni souhaitable, d’avoir tout le temps une fusion des idées/envies/revendications.
Donc visons des organisations adaptées à ça au lieu de vouloir une convergence/unité impossibles, et pouvant mener à une uniformisation par le bas, ou une dérive autoritaire avec des chefs et leaders qui ferait revenir dans le piège des partis politiques ou assimilés.

Suggestions pour une prochaine AG à Valence

(valable aussi pour d’autres AG bien sûr)
- Commencer avec tout le monde en assemblée par un temps d’informations mutuelles (sans aucun débats, avec juste le droit de demander des précisions), où les personnes expliquent rapidement des actions faites, des actions prévues, des dates à venir, des besoins, des éventuelles arrestations et procès avec besoin de soutiens... Ca peut être aussi le moment où les éventuelles commissions expliquent leurs avancées et besoins.

- Ensuite, des sujets à traiter sont indiqués par tous ceux qui veulent, notés. Puis les personnes motivées se répartissent en petits groupes autour de ces divers sujets (ce qui implique que la salle soit adaptée). On voit juste si des sujets proches peuvent être fusionnés.
Si il y a personne pour un sujet il est abandonné.
On a le droit de changer de groupes en cours de route.

- Puis des portes paroles de chaque groupe de travail rapportent l’essentiel de ce qui a été dit, décidé (là c’est délicat, quelle latitude de décisions concernant l’ensemble a le groupe ?), à l’ensemble du groupe à nouveau rassemblé.
Pour des sujets qui le demanderaient, où le travail en petit groupe ne suffit pas, recueillir l’avis ou l’accord de l’assemblée. Ca c’est la partie la plus délicate.

- Il faudra sans doute des rôles pour aider au déroulement :

  • facilitateur-ice(s) (qui aide à ce que ça ne parte pas n’importe comment, qui rappelle les règles établies collectivement)
  • gardien-ne du temps
  • une ou plusieurs personnes pour rédiger le CR
  • un personne au moins pour distribuer la parole

...à expérimenter... :-)
Ce ne sont que des pistes à discuter et améliorer. Y avait déjà une bonne bases lors de l’AG du 12, bravo aux « animateurices ».
De toute façon, même avec les meilleures outils du monde, une réunion reste difficile si les présent.e.s restent inattentifs, totalement indisciplinés, rétifs, trop passionnés, et si on ne s’entend pas. Dans ce cas, mieux vaut faire alors autre chose.

Dernier conseil : mieux vaut faire des assemblées assez souvent, régulièrement, même si y a pas tout le monde. Ca permet de s’entraîner régulièrement, de se voir autrement qu’en manif ou actions. (à Commercy, ils en faisaient une par jour !)

Les écueils possibles

Les possibilités d’échecs, de blocages, de problèmes sont nombreux, voici quelques exemples possibles :

  • conflits interpersonnels : des rancoeurs, jalousies, conflits... peuvent interférer
  • des personnes qui refusent de faire des efforts pour suivre la forme AG et son cadre. Il faudra prendre le temps de leur expliquer, de prendre en compte leurs critiques constructives, et si ça coince encore leur demander de participer en spectatrices ou de revenir plus tard.
  • des groupes ou personnes qui, volontairement ou pas, chercheraient à prendre le pouvoir. Prendre le temps de leur expliquer l’intérêt de l’horizontalité et de l’assemblée, si ça coince encore leur demander de participer en spectatrices ou de revenir plus tard. Au lieu de renoncer et de les laisser agir et prendre le pouvoir, dénoncer à plusieurs le problème, et chercher des solutions.

Dans tous les cas, il ne faut pas tout attendre des AG plus ou moins larges, d’autres formes de réunions peuvent être possibles (plusieurs petits groupes qui se coordonnent).
Et c’est notamment durant les actions, les discussions informelles, les temps de « clubs » gilets jaunes etc. que les infos passent, que les pensées évoluent, que la compréhension mutuelle avance, que des tas de moments magiques ont lieu.
Les AG sont indispensables pour s’organiser, se coordonner, s’informer, s’entraîner à la démocratie directe, éviter les chefs et prises de pouvoir par un quelconque « clan », avoir une sorte de légitimité, mais elles ne sont pas le seul moyen.

En nous souhaitant de bonnes AG, fructueuses, conviviales, créatrices, variables, évolutives.


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