Récit d’un rendez-vous médical

Autour de la contraception masculine

lundi 18 janvier 2021, par Auteurs divers.

Çà ne va pas de soi, pour un mec, de parler de contraception. Les méthodes de contraceptions masculines sont encore largement invisibilisées en France. Il en existe, pourtant. Souvent plus simples, moins coûteuses, moins contraignantes et avec moins d’effets secondaires que les moyens de contraceptions proposés/imposés aux femmes. Mais on n’en parle pas.  

Récit d’un rendez-vous médical autour de la contraception masculine

C’est bien la femme qui tombe enceinte, non ? Alors en quoi c’est le problème des mecs ? C’est à elles de prendre en charge la contraception. Point barre. A elles, pendant au moins 30 ans de leur vie, de subir des douleurs, des changements hormonaux. Ce sont bien elles, qui, si elles font le moindre faux pas ou si leur méthode contraceptive ne fonctionne pas, tombent enceinte. Le mec, lui, a tous les pouvoirs. Il peut ne rien vouloir entendre, il peut se barrer, il peut ne rien assumer. Elle, se retrouve enceinte et doit assumer, souvent seule, faire des choix jamais simples, souvent seule. 

C’est injuste. Terriblement injuste. Et merde, pourtant ce n’est pas une fatalité, comme on a tendance à nous le faire croire. Oui, les mecs peuvent prendre en charge la contraception. Oui, les mecs doivent prendre en charge la contraception. Oui il existe des méthodes, mais elles sont encore largement méconnues, même par les professionnels de santé. Et ce n’est pas à tous les coins de rue, dans tous les cabinets médicaux, qu’on en entend parler. Moi j’ai 28 ans. Ca fait seulement quelques mois que l’idée de m’occuper de ma contraception a fait son chemin et ce n’est pas dans un cours d’éducation sexuelle que j’ai eu vent de ce qu’il existe.

Après plusieurs semaines passées à échanger, à lire, à réfléchir, j’ai décidé au printemps dernier de faire une vasectomie. Le côté définitif me rassure. Une petite opération, avec peu de risques d’effets secondaires, et c’est fini. Fini la honte de ne m’être jamais occupé de contraception. Fini la culpabilité de laisser toute la charge mentale et physique aux filles. Prendre cette décision me soulage. Il ne reste plus qu’à engager les démarches médicales. 

Ma médecin traitant est à l’écoute, comprend mon souhait de prendre en charge ma contraception et me soutient. Bon, j’arrondis un peu les angles sur les vraies raisons qui m’ont poussées à prendre cette décision, mais peu importe. Elle me prescrit d’abord un spermogramme pour vérifier si je suis fertile ou non. Quand je reçois les résultats, je reprends rendez-vous avec elle. Elle me parle alors d’un urologue, qui officie à Crest et à propos de qui elle a eu des bons retours. Elle me rédige une lettre à lui remettre quand je le verrai, dans laquelle elle écrit qu’elle me soutient dans ma démarche.

Je prends donc rendez-vous avec l’urologue : il y a presque 4 mois de délais. Quelques semaines avant le rendez-vous, l’hôpital m’appelle pour décaler le rendez-vous d’un mois. Pas loin de 5 mois à attendre. C’est long !

Arrive le jour du rendez-vous. J’ai préparé les documents que l’urologue est sensé me transmettre s’il accepte de m’opérer, j’ai mon argumentaire de prêt, j’ai relu une énième fois les livrets de l’association française d’urologie et du ministère de la santé à propos de la vasectomie. Je suis sûr de moi, de mon choix, mais je suis quand même stressé. J’ai peur que ma démarche ne soit pas comprise, que l’urologue refuse de m’opérer. Cette décision que j’ai prise touche à l’intime, à la manière dont je me sens dans mon corps. Et je sais que je ne suis pas totalement maître de faire ce que je juge bon pour moi, que la décision appartient à quelqu’un d’autre. J’essaie quand même d’être confiant. 

Ca y est, je suis dans la salle d’attente. Heureux hasard, le dernier Vulvet undergound vient de sortir et on me l’a offert la veille. Dedans, tout un dossier sur la vasectomie. Et une lettre de Rémi à l’urologue qui l’a (mal) reçu, au chu de Grenoble. J’espère que le docteur que je vais voir sera moins horrible que celui dont il parle. J’arrête ma lecture, essaie de ne pas trop y penser et l’urologue finit par venir me chercher. J’entre dans son cabinet et je m’assois.

Au moins il n’aura pas fait durer le suspens, le docteur L. Moins d’une minute après être entré dans son bureau, en ayant juste pris le temps de lire la lettre de ma médecin traitant, il m’annonce la couleur : « je ne vous opérerai pas, en raison de votre âge ».
Il m’annonce la couleur, sans poser une seule question quant à ma démarche, à mes motivations. 
Il m’annonce la couleur, fier dans sa blouse blanche qui lui donne tant de pouvoir.
Et moi je reste coi, le cul sur ma chaise. 

Cela fait des mois que j’ai fait mon choix. Des mois que j’ai entamé les démarches. Que j’ai lu, discuté, réfléchi, pour aboutir à ce rendez-vous. Que j’ai trouvé une médecin généraliste qui me suit et me soutient dans ma démarche. C’est déjà une chance mais ça ne fait pas tout. Ca ne m’a servi à rien pour ce rendez-vous. Des longs mois punaise ! Il faut donc recommencer. Retrouver un.e urologue, en espérant que cette fois soit la bonne.

En attendant, il faut aussi digérer ce rendez-vous. Digérer ce sentiment d’impuissance et la colère qu’il génère. Ce sentiment de ne pas avoir prise sur mon corps. De ne pas être maître de mes choix. De dépendre d’un.e inconnu.e pour mes décisions les plus intimes. D’un.e inconnu.e qui ne prend pas le temps de savoir qui entre dans son cabinet. Qui juge au premier regard. Qui, dans mon cas, a l’air de méconnaitre totalement le sujet.

Qui se permet de me dire : « il existe un autre contraceptif masculin, c’est le préservatif ». Quand je lui signifie que le taux de grossesses non désirées est nettement supérieur avec une capote qu’avec une vasectomie, il ne me croit pas. Quand je lui dis que c’est une étude de l’OMS (organisme mondial pour la santé) de 2011 qui le montre, il ne me croit pas non plus. 
Quand je lui parle des méthodes de contraception thermiques, il ne connaît pas. Quand je lui évoque le slip chauffant, il me rit au nez. Quand je lui dis que c’est le seul moyen de contraception réversible légal en France, il ne me croit pas. Quand je lui dis que c’est un de ses confrères urologue, au CHU de Toulouse, qui le prescrit, pas de signe d’amélioration.

En fait il n’y connait rien. Et il semble s’en fiche, totalement. Avec mépris. La contraception masculine, ce n’est pas son affaire. Ce n’est pas son problème. Ca ne le regarde pas. C’est pourtant lui, en tant qu’urologue, qui a le pouvoir de décider pour moi.

Voilà où j’en suis aujourd’hui. Ca fait deux jours que j’ai eu ce rendez-vous et la colère retombe un peu. Mais elle retombe en emportant quelques rêves. J’aimerais bien me sentir soutenu par des professionnels de la santé. Sentir une écoute, recevoir de vrais conseils, de l’empathie. J’aimerais me dire que la.e prochain.e urologue sera une personne de confiance. J’aimerais ne pas avoir à arrondir les angles, à embellir la vérité sur mes motivations, et être sûr qu’on m’écoutera sincèrement et qu’on respectera mes choix. Bon, j’avoue que je n’étais déjà pas naïf à ce point avant la consultation, mais elle a fini de doucher mes espoirs.

Voilà où j’en suis aujourd’hui. Que faire alors ? Je sais qu’il existe des urologues en cliniques privées qui sont moins regardant. Qu’en sortant le chéquier, je pourrais sans doute trouver un.e praticien.ne qui voudra bien m’opérer. Mais il faut déjà savoir où chercher. Et je n’ai pas trop envie d’attendre 4 mois avant d’avoir un prochain rendez-vous et d’entendre la même excuse qu’on m’a sorti cette semaine. J’aimerais être sûr que le prochain rendez-vous sera le bon. A quand une liste des urologues compétant.e.s en matière de contraception masculine 

Anonyme


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