Que se passe – t il par ici depuis plus de trois mois ?

Où j’essaie de comprendre ce qui nous arrive

mercredi 19 avril 2023, par Rakam le Rouge.

Quelques réflexions personnelles d’un lambda local...

Tout a commencé par une réforme des retraites inutile, injuste, et dont la finalité plus ou moins avouée est de réduire la dette engendrée par les cadeaux aux entreprises lors de la crise du COVID. Tout s’est envenimé lorsqu’un certain article 49.3 de la constitution a été dégainé pour éviter le désastre inévitable du vote parlementaire.

Mais au-delà de la séquence des événements que tout le monde connaît, deux mouvements, parallèles, se sont développé, l’un est la suite de la mise en œuvre implacable de l’idéologie néolibérale telle que conçue dans les années 1930, l’autre est la vague toujours recommencée et jamais aboutie de la colère, de la frustration et du désir de changement, la vague populaire, contre le rouleau compresseur idéologique d’un gouvernement qu’on voudrait pouvoir qualifier d’autiste.

Surdité volontaire au mouvement social, répression ultra violente du mouvements des gilets jaunes, encerclement législatif (loi « séparatisme », loi à venir sur les ZAD entre autres), ce qui se met en place, c’est la théorie politique conçue par Walter Lippmann qui se déroule et s’exécute sous nos yeux : notre espèce n’a pas les capacités de s’adapter au monde résultant de la révolution industrielle. « Seul un gouvernement d’experts, par le droit, l’éducation et la protection sociale peut transformer l’espèce humaine. Cette vision de l’éducation est en rupture avec le siècle des Lumières qui mettait en avant l’émancipation, l’autonomie et l’esprit critique. L’enjeu n’est plus d’être capable de critiquer l’ordre en place, de s’émanciper par rapport à des tuteurs, comme disait Kant. L’enjeu central est l’adaptation à laquelle viennent se rajouter la flexibilité et l’employabilité.” (Wikipedia - https://fr.wikipedia.org/wiki/Barbara_Stiegler)
Dans ce système de pensée, il est hors de question de laisser s’autonomiser les individus et les populations : le monde entier doit être soumis aux lois économiques, au système de production et de consommation : on brisera par la force, si nécessaire, les velléités d’autonomie, d’autosuffisance… Pas un individu ne doit échapper aux marchés, à la production et à la consommation d’objets standardisés venus d’ailleurs.

Face à cette mise en œuvre aveugle et sans pitié, une population dont le niveau d’éducation s’est élevé suffisamment pour que les ficelles des gouvernants ne lui fassent plus l’effet escompté, dont le désir de s’affranchir des tutelles et des avenues de la pensée imposée, dont la fatigue, pour ne pas dire la souffrance au travail ont exacerbé les frustrations. Ajoutons la prise de conscience aiguë de l’urgence écologique et la perception de l’indifférence de la machine à enrichir les riches, qui contribue à cristalliser la colère générale face à une situation perçue comme une impasse, un « eux ou nous », comme si l’on se réveillait en plein cauchemar, face à un monde finissant et sans pouvoir arrêter le train de la catastrophe.

La fin du système de la démocratie dite représentative.

Parmi de nombreuses causes et conséquences qu’il nous faut examiner, je veux me pencher en particulier sur le système politico-administratif où nous vivons.

Dans ce système annoncé et voulu par les néo-libéraux, le gouvernement n’a rien à faire entre les mains du peuple, trop incapable et ignorant, pour prendre les décisions qui s’imposent pour son propre bien, dont il n’a de toute façon pas conscience.
Dans ce schéma, la démocratie ne peut être que forme, faux semblant.

Théorisée et annoncée par beaucoup, depuis des décennies, la fin du système de représentation est ainsi, aujourd’hui, enfin visible de tous.
L’antagonisme de classes qui se produit de manière enfin aussi évidente actuellement acte la fin de ce système de reproduction de la domination.
Les représentants de l’idéologie néolibérale veulent éviscérer un système qui a leurs yeux laisse encore trop de latitude aux populations. Quant aux exploités, dominés, opprimés, ils n’ont que trop conscience de de leur situation sans issue !

Au-delà d’un énième soubresaut avec passage en force par le 49.3, ce qui se montre ouvertement, c’est bien à quel point le système est en fin de course. La « représentation nationale » bafouée une fois de plus, le gouvernement au profit d’une classe à la fois minoritaire, parasitaire et arrogante, tout cela éclate comme un jeu longtemps masqué parce que les gouvernements précédents avaient la « sagesse » de reculer et de « négocier », avant que le leurre ne soit dissous.
Ce qui meurt, c’est l’idée que nous ne serions pas capables de nous auto-administrer, de comprendre la supercherie et la tromperie, ce qui meurt, c’est l’idée qu’on peut faire confiance à des élections pour nous choisir des représentants.
Ce qui meurt, c’est l’idée que l’État nous est extérieur : quelque soit l’aspect qu’on privilégie dans la naissance de l’État, contrat social ou Léviathan seul à même d’éviter la guerre de tous contre tous, ce qui a présidé à la naissance et à la vie de cet État depuis qu’il n’est plus de droit divin, c’est l’idée qu’il nous est extérieur, étranger, qu’il nous protège et nous domine.

La prise de conscience que l’État, ce n’est pas nous, est de plus en plus large. Cette prise de conscience passe aujourd’hui par l’écologie, par la violence policière, par l’obstination des représentants de l’État à mépriser ceux dont ils, selon le texte constitutionnel, tirent leur légitimité.

Si vraiment ils nous représentent, si vraiment ils sont le bras exécutif de notre volonté commune, alors pourquoi font-ils l’inverse de ce que majoritairement nous voulons ?

C’est cette question, en quelque sorte, qui émerge des nombreuses conversations et entretiens qu’on entend dans les médias et autour de nous ?
Qui est cet État, qui au lieu de me protéger, m’envoie sa police la plus violente, prend les dispositions législatives et réglementaires les plus brutales, et finalement, par la voix de ceux que nous avons désignés pour assurer la charge de nous représenter et de faire appliquer des lois qui se veulent l’expression de l’intérêt général ?

Si l’on veut bien gratter l’image véhiculée par les médias, on trouve derrière les apparences benoîtes d’une république (chose publique, rappelons-le), une caste de parasites, auto érigée en « élite », qui est en réalité mandatée par la classe des possédants, pour défendre leurs intérêts.

Parasites, car ils ont transformé une charge, qui à l’origine leur a été dévolue par choix électif, en une profession, avec ses avantages et ses codes. Profession qu’ils justifient par la complexité des dossiers et des décisions, comme si nous ne pouvions pas comprendre !

Ajoutons aussi que les élections ne font que reconduire la même caste au pouvoir. Quelle est la représentativité de ces parasites issus des classes dominantes, issus de la bourgeoisie, de la technocratie ?
Qui d’entre nous se reconnaît dans les député-e-s, hormis peut-être un ou deux qui viennent de chez nous ?

A la question désormais classique « mais quel système pour remplacer celui-ci ? » nous devons trouver une réponse collective, créative et fondée sur la réponse aux besoins et aspirations de chacun et chacune.
D’autres ont trouvé des réponses qui font sens dans leur environnement et dans leur histoire. Rien n’interdit d’étudier et de s’inspirer, mais il est surtout urgent de sortir des recettes toutes faites, des injonctions et des « y a qu’à », il est urgent de réfléchir collectivement à ce que nous vous construire pour nous et pour celles et ceux qui viendront après nous.
Il n’est plus possible de faire confiance aux « élites » méprisantes, mais il n’est pas non plus possible de croire qu’un « sauveur providentiel » ou une dirigeante de parti assoiffée de pouvoir, peut nous tirer d’affaire !
Il ne s’agit pas non plus de sortir de la cinquième république pour en créer une nouvelle, car pas plus que de remplacer le monarque actuel par un nouveau avec une cravate de couleur différente, cela ne nous évitera de replonger dans les mêmes problèmes !

Oui, nous avons les capacités de faire marcher la collectivité, sans recours à des représentants, à des élections (qui permettent surtout de bloquer l’accès à la décision publique pour le plus grand nombre, en s’arrogeant le droit de décider d’abord de ce qui est prioritaire, de l’agenda public !).
Pour cela, il faut aussi cesser de penser qu’un complot de gens supérieurs nous maintient dans notre situation : ces gens supérieur n’existent pas ! Ce sont des mécanismes, qui existent, des mécanismes qui entretiennent la domination, l’oppression, des mécanismes que nous pouvons démonter, briser, mettre par terre !

Cessons d’avoir peur, cessons de nous cantonner à des luttes successives qui nous font « avaler » les défaites les unes après les autres !

Et si nous devenions NOUS ?

Ce que nous vivons, à l’échelle de nos vies humaines, et à l’échelle de notre petite ville, c’est un débordement d’énergie, une union tellement inattendue de volontés créatrices, un ensemencement des colères qui conduit à des rencontres improbables il y a encore quelques mois, à des actions encore jamais vues sous nos cieux ! Ce n’est pas 36, ce n’est pas 68, ni 95, mais c’est 23, un « assaut contre le ciel » mêlant la rage et l’espoir !

Ce que nous vivons, c’est au niveau du bitume, l’autogestion, la décision collective sans leader, à chaque manif spontanée, l’apprentissage de la vie hors système !

La vie est là, à portée de main, hâtons nous de la saisir !


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