Pourquoi ?
Pourquoi acceptons-nous secrètement et malgré nous l’état des choses ?
Pourquoi ne mettons-nous pas en oeuvre ce qui serait nécessaire à un réel, radical changement ? (car « le changement, c’est maintenant », ou jamais... sacré blagueur ce François !...)
2 problématiques me semblent importantes :
1. Notre incapacité individuelle à subvenir à nos besoins et à ceux de notre éventuelle progéniture.
2. Notre usage de la technique (vue là au sens le plus large possible, genre grossièrement comme l’usage de la matière nous environnant).
Aucune réponse ici, mais de confuses bribes de réflexion, qui se verraient heureuses de trouver relais chez qui voudra :
« Il est des esprits timorés qui espèrent vaguement dans une transformation des choses, et qui néanmoins, par un sentiment de peur instinctive, presque physique, veulent, au moins de leur vivant, éviter toute révolution. »
Elisée Reclus.
Commentaire perso :
« des esprits timorés » :
Qui pense sérieusement et honnêtement ne pas en faire partie ?
Qui peut imaginer vivre sans électricité ? Sans pétrole ?...
(ok, révolution n’est pas nécessairement retour aux cavernes - d’autant qu’on n’est jamais sortis de celle de Platon...- mais la question concrète : que veut-on ? que jette-t-on ? que garde-t-on ? que transforme-t-on ? devra bien se poser, si l’on espère un changement radical, non ?!... autrement dit : révolutionner quoi ?!?)
« peur instinctive » :
Quels pourraient-être les fondements de cette peur ?
Me plaisant à croire pertinent de revenir toujours aux réalités de la condition reptilienne de l’homme, je pose la question :
Cette peur actuelle du changement ne viendrait-elle point de ce que nous savons tous, chacun, intimement, que nous sommes aujourd’hui absolument incapables individuellement de subvenir à nos besoins primaires...
[Besoins primaires : disons grossièrement :
manger
se vêtir (pour les climats capables de températures trop basses pour la survie d’un corps nu)
s’abriter (donc organiser son abri, la matière qui le compose et l’entoure)]
...sans grande surface (bouffe), sans les usines chinoises (textile), et sans Leroy Merlin (construction) ?
La technique nous a-t-elle échappé ? dépassés ? aliénés ?
A quel moment, à quelle limite son usage la pervertit-il ?
Pourquoi ?
Il me semble bien que la technique, son usage s’éloignant toujours de nous (vers les usines*, ou « multinationales » actuellement...), finit toujours par trahir son intention première et louable : apporter un mieux-vivre à l’homo (erectus, habilis, ou sapiens) qui en a marre de souffrir, d’avoir froid, faim, de se blesser les pieds, les mains, et qui préférerait bien rester vautré dans son canap’ avec pizza, bière, et éventuellement un petit Surya Namaskar de temps en temps pour purifier tout ça...
Le désir légitime et universel de tout être sensible d’échapper à la souffrance
ne mène-t-il pas l’homo sapiens à sa perte, par son caractère aporétique ?
Notre non-acceptation de la dimension douloureuse de la vie (naissance, maladie, mort...) ne serait-elle pas une des causes et explications fondamentales de notre fuite en avant dans l’impasse de nos consciences, et l’explication du tournage en rond hebdomadaire des GJ et autres révolutionnaires, dont je me revendique volontiers ?
(attention : je ne suis pas en train de dire qu’il faudrait supporter toutes les souffrances en fermant sa gueule. Mais que notre peur viscérale des souffrances intrinsèques à l’existence, auxquelles nous croyons pouvoir échapper par la technique, nous empêche peut-être de remettre sérieusement en cause le système, qui nous protège, nous rassure, nous permet de croire qu’on peut échapper à notre condition d’être sensible, donc sujet à la souffrance...).
Cette peur des souffrances intrinsèques à la vie n’expliquerait-elle pas que notre impotence ne puisse que tirer vers son paroxysme, à savoir la débilité totale (débilité dans tous ses sens possibles : adynamie, asthénie, extrême faiblesse, incapacité, insuffisance, idiotie, ineptie) ?...
*usines : un des premiers effets du 2e article de la merveilleuse saloperie qu’est « la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 », le Droit de Propriété.
C’est-à-dire le droit pour certains de posséder l’outil technique (tautologie, probablement...) d’autres. Autrement dit : le vol, l’appropriation du pouvoir issu de la technique. Qui peut quoi sans machine aujourd’hui ? Qui possède intégralement son outil de travail, sa voiture, son exosquelette ? Qui peut manger, s’habiller et s’abriter avec ses seuls outils de production ?...
Pour un peu de légèreté, relire et repenser la question-titre Pourquoi j’ai mangé mon père, Roy Lewis.
Voir aussi :
H-D. THOREAU : Walden ou la vie dans les bois
René DUMONT : L’Utopie ou la Mort, juste pour se rendre compte que l’on voit le mur depuis un petit moment... c’est mignon !
James C. SCOTT : Homo Domesticus - Une histoire profonde des premiers Etats
Quel sens, cher Camille Pierrette, à tes injonctions tenaces à la Révolution ?
Comment ?
Qui ?
Quel monde ?
Jusqu’où ?
Tes idées sont intéressantes... voir l’idée relayée par Lordon comme quoi les idées n’ont aucun pouvoir intrinsèque (on peut supporter l’idée que « tuer c’est mal » et tranquillement voter pour Hitler, Macron, ou payer quotidiennement sa TVA - impôt direct - qui va dans les poches d’un pouvoir criminel... ce que nous faisons absolument TOUS !), pouvoir qui passerait plutôt par le jeu infini et perpétuel des affects.
Un « merci » perso à Etienne Maillet... un peu de subtilité fait du bien !
V.
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