Pas besoin de dictature ou de guerre des robots pour que le règne total de la Machine advienne. Le jeu standard de la consommation, de la propagande étatiste et capitaliste, de l’idéologie de la civilisation et du désir humain de renoncer par confort à la liberté suffisent.
La peur d’un virus ou la gestion technique des catastrophes engendrées ou aggravées par le système machinique peuvent aussi aider.
Les pyromanes n’ont aucun scrupule à se faire passer pour pompiers, tandis que les grands brûlés masochistes semblent apprécier de repasser sans fin au lance flamme.
Mais lisez plutôt cet article essentiel sur l’aliénation à la volonté de puissance et aux machines, qui dit bien mieux les choses : Contre l’organisation scientifique du monde : Entretien de PMO avec La Décroissance
- Nul besoin de Terminator pour que règnent les Machines
- Car la plupart des gens désirent devenir machiniques pour éviter l’angoisse de la liberté et de de l’existence, pour la volonté de puissance
Extraits pour s’exciter le processeur :
Dans la « guerre » contre le virus, c’est la Machine qui gagne. Mère Machine nous maintient en état de marche et s’occupe de nous. Quel coup d’accélérateur pour la « planète intelligente » (alias monde-machine) et ses smart cities (alias villes-machines). L’épidémie passée, les Smartiens se seront pliés à des habitudes qu’ils ne perdront plus. Les machins veulent une machine. Ceux à qui la liberté pèse trop lourd aspirent à leur prise en charge machinale. La sécurité plutôt que la liberté. L’assignation à résidence, la traque électronique, le fonctionnement virtuel sans contact dans un « état d’urgence » dirigé par les experts scientiflics, plutôt qu’une vie libre, autonome et responsable. Mais la préservation sous « protection » d’une espèce menacée n’est pas la vie. Un « parc humain » n’est qu’une prison à ciel ouvert.
(...)
Il faut distinguer ceux qui ont peu ou prou les moyens de leurs volontés (les puissants, les technocrates) et ceux qui n’ayant pas ces moyens (les subissants, les acrates), subissent les volontés des premiers, mais espèrent bénéficier d’un ruissellement de la puissance (smartphone, gadgets connectés, « applis »). Ni les uns ni les autres n’ont jamais assez de puissance, et tous désirent ce qui les perd. Voyez la fascination pour les créations supérieures à leurs créateurs (l’ordinateur sacré champion de go), puis le désir d’automachination pour rester les égaux de ces supermachines et devenir des surhommes-machines.
(...)
Quand toute l’organisation sociale se fonde sur le primat de l’efficacité et de la rationalité technicienne, la « tyrannie de la logique » (Arendt) — la logique inhérente à l’expansion de la puissance machinale — nous empêche de penser librement. Échapper à cette contrainte exige un imaginaire de révolte hors de portée de l’homme des masses, soumis à la pression du groupe, au matraquage publicitaire et à l’hypnose des écrans.
- Le désir de vivre comme un robot pour échapper aux douleurs de l’insondable liberté
Remarques
Le technocapitalisme moderne ne peut que fabriquer des êtres qui lui ressemblent, des humains-machines, des cyborgs, des transhumanistes.
Et, dans une société technocapitaliste avancée telle que la nôtre, les humains ne peuvent que désirer devenir des cyborgs.
En effet cette société « termitière » ultra-libérale détruit et dévalorise l’humain, demande toujours plus de vitesse et de performance, de calcul froid et impitoyable pour survivre, alors c’est la course à celui-celle qui sera le-la plus équipé.e, le-la plus robotisé.e. Les appareillages externes type smartphone ne sont qu’une étape.
Dans la civilisation capitaliste, devenir un cyborg à l’intelligence purement rationnelle est une condition de survie, les non-cyborgs, les humains restés trop « bios » sont voués à être détruits après avoir été parqués dans des réserves pittoresques.
Les laissés pour compte, les exclus, les bio-corps (remplis d’affects, d’émotions et d’odeurs, beurk), les refuznik qui subsiteront misérablement dans des camps dédiés seront visités par les humains « robotisés » pour se distraire et se faire peur.
Les « non-robotisés » seront les sauvages de demain, des curiosités bizarres et effrayantes. Souvenez-vous des sauvages du roman d’anticipation « Le meilleur des mondes ».
- Les robots et cyborgs sont tellement plus propres et efficaces que ces humains versatiles et imparfaits !!
- Le technocapitalisme moderne ne peut que fabriquer des êtres qui lui ressemblent, des humains-machines, des cyborgs.
Et les humains ne peuvent que désirer devenir des cyborgs dans une société technocapitaliste qui détruit et dévalorise l’humain.
Une échappatoire est-elle possible ?
Quand les catastrophes écologiques, climatiques et sociales en cours (dues à la civilisation industrielle et capitaliste) vont fortement s’aggraver, l’instinct de survie des humains pourrait se manifester plus fortement (sans doute trop tard, mais ça c’est un autre sujet) et pourrait « troubler » la conscience et le corps machinique.
Un des enjeux de notre temps est donc de savoir qui va gagner la course entre les catastrophes et la transformation robotique de l’humanité.
Si les grandes catastrophes surviennent avant que la plupart des humains soient totalement investis par la Machine en eux et autour d’eux, alors l’instinct de survie pourrait se révolter et jeter aussi bien la Machine que l’idéologie qui la sous-tend.
Si trop d’humains sont déjà des sortes de Terminator, des cyborgs, des robots assujettis à la Machine individuelle et sociale, alors les minorités de révoltés ne pourront pas faire le poids et seront écrasés, laissant advenir une sorte de monde Mad Max pour demi-robots, avec des régimes totalitaires et autoritaires brutaux, avec une multitude de guerres et de conflits sans pitié pour le contrôle des dernières ressources et des derniers lieux terrestres habitables.
Il semble donc important de parvenir à stopper ou ralentir tout ce qui aggrave la transformation en cyborg des derniers humains, par exemple : la 5G, les réseaux « sociaux », les véhicules autonomes, les smartphones, les GPS, internet partout, l’école numérique, les technologies sans contact, les objets connectés...
Les habitant.e.s (le plus souvent pauvres et exclus de la machinisation) des pays où sont extraites les matières premières destinées au fonctionnement matériel du monde Machine et de sa technologie numérique seraient aussi bien avisé.e.s de stopper l’extraction, d’asphyxier le marché mondial.
Ils y ont tout intérêt, car non seulement les désastres écologiques et climatiques (et donc également sociaux) les frapperont souvent en premier, mais aussi la Machine viendra tôt ou tard finir de tout ravager chez eux, en les considérant aussi mal, voire pire, que les esclaves d’antan (qui étaient traités par les colonisateurs comme des non-humains).