Les faits
Les habitants de Menglon se répartissent en 236 foyers. 69 % d’entre eux sont composés d’une ou deux personnes, 15 % de trois personnes, 11 % de quatre personnes, et 3 % de plus de quatre personnes.
Pourtant tous les foyers paient le même tarif pour l’eau : un forfait qui s’élève tout de même à 299,35 euros, soit une consommation de 120 m³, estimée par l’INSEE à celle d’un foyer de quatre personnes.
Ainsi, les 84 % de foyers comprenant moins de quatre personnes sont lésés, et cela concerne non seulement leur consommation mais aussi l’entretien et la rénovation du réseau qui sont inclus dans ce forfait et coûtent très cher. Quant aux 3 % cités plus haut...cherchez l’erreur.
Les petits consommateurs, par exemple deux personnes à 25 m3/an, paient... 4,80 euros le m3. Pour une personne, c’est le double...
A contrario, ceux qui ont consommé les 120m3, base du forfait illégal actuel, voire beaucoup plus, ont contribué très en dessous de la réalité. Pour les exploitants agricoles on est plutôt largement au dessus des 1000m3.
Par ailleurs, concernant le principe même du forfait : actuellement à Menglon, que vous soyez seul avec ou sans jardin, avec 0 ou 5 enfants, que vous ayez une piscine, arrosiez vos champs ou abreuviez des veaux, des chevaux, des chiens, des chats, des poules et poissons rouges, chaque foyer paie la même somme.
Inutile de dire que dans ces conditions, financièrement parlant, il ne sert strictement à rien d’économiser l’eau. Cette facturation est donc tout sauf vertueuse.
Le comble dans cette histoire, c’est que cette facturation de 120 m³ est basée sur une erreur d’interprétation par la mairie de Menglon des directives de l’Agence de l’Eau ! Voici ce qu’en dit cette agence le 12 mars 2020 : « Il y a en effet manifestement incompréhension de notre délibération .../... cela n’implique évidemment pas une facturation au forfait (qui par ailleurs ne serait pas vertueuse pour les économies d’eau) ni de facturer au moins 120m3 à chaque abonné ! »
Petit historique
Menglon étant situé sur un bassin versant classé en répartition des eaux, le forfait unique pour tous est illégal.
Les compteurs d’eau individuels permettant de facturer à la consommation réelle pourraient régler cette criante injustice. C’est pourquoi ils sont obligatoires depuis 2009.
Mais la commune de Menglon a réussi à en retarder la pose jusqu’à... fin 2023.
Dès 2016, des habitants du village se sont réunis en un « Collectif Eau de Menglon » pour obtenir de la commune qu’elle se mette en conformité avec la loi pour un tarif plus équitable - des habitants courageux, compte tenu des liens d’intérêts multiples et/ou familiaux qu’un villageois entretient forcément avec son conseil municipal.
En l’absence et dans l’attente de la pose de compteurs individuels, les services de l’État imposent une solution qui, sans être parfaite, réduit tout de même une grosse part de l’injustice : pratiquer deux, voire trois forfaits calculés sur le nombre d’habitants par foyer.
Après plusieurs démarches amicales mais parfaitement infructueuses auprès de la Mairie, le collectif, épaulé par l’association de consommateurs reconnue d’utilité publique la “CLCV », a fini par engager un recours gracieux auprès de Monsieur le Maire en date du 11 février 2021.
Ce recours à l’amiable est resté sans réponse.
Saisie par le Collectif et la CLCV le 21 juillet 2021, la Défenseure des Droits informe Monsieur le Maire : « Compte tenu de tout ce qui précède, la facturation au forfait de l’eau potable est dépourvue de base légale ». La Défenseure des droits recommande à la mairie de Menglon de modifier les modalités de facturation de l’eau potable pour les abonnés de la commune afin de les rendre conformes au droit en vigueur, dans l’attente du déploiement des compteurs, et d’envisager des modalités de tarification sociale de l’eau potable pour les abonnés les plus modestes.
Toujours pas de réponse de la mairie.
Suite à la délibération du conseil municipal du 6 décembre 2021, Madame la Préfète de la Drôme, au titre du contrôle de légalité rappelle par courrier du 9 février 2022 que « la tarification forfaitaire est un régime dérogatoire réservé aux collectivités de moins de 1000 habitants possédant une ressource abondante, ce qui n’est pas le cas du bassin versant de la Drôme classé en zone de répartition des eaux. Au cas d’espèce, la tarification de l’eau doit être binomiale et non pas forfaitaire afin d’inciter aux économies d’eau ».
Madame la Préfète invite donc Monsieur le Maire à demander à son Conseil municipal de retirer cette délibération « entachée d’illégalité » .
Une invitation... non suivie d’effet, la mairie n’ayant pas même jugé bon de répondre à Madame la Préfète.
Entre temps, le Collectif Eau de Menglon et la CLCV engagent des recours auprès du Tribunal Administratif de Grenoble en juillet 2021. Sa réponse intervient le 12 juillet 2024 (on n’apprendra à personne que la Justice manque cruellement de moyens).
Concernant la facturation, il ne peut se prononcer, cette question relevant du Tribunal Judiciaire.
Par contre, il annule carrément les délibérations instaurant la tarification forfaitaire unique de 2021 et 2022, ainsi que le rejet par la mairie du recours gracieux.
Concrètement, la commune a trois mois à compter de la date du jugement pour modifier les tarifs 2021, et 2022, mais aussi 2023 et vraisemblablement 2024. Comme explicité précédemment, il lui est conseillé par les services de l’Etat de se baser sur les indices INSEE et la composition des familles pour instaurer deux, ou plusieurs forfaits.
Par ce jugement, la municipalité est notamment tenue de rembourser le trop perçu de ces dernières années aux « petits » consommateurs.
Et là, ô surprise : le conseil municipal du 15 octobre 2024 ignore délibérément ce jugement et... reconduit l’habituel forfait unique de 120m3 pour tous !
Le Préfet a deux mois après une délibération du conseil municipal pour l’invalider s’il constate qu’elle est illégale.
Conclusion
Au moment où l’eau devient un bien de plus en plus rare et précieux, il est grand temps de gérer son utilisation de façon responsable. Il est évident que certaines professions, notamment dans l’agriculture, ont des besoins importants, et si elles rendent un service à la communauté, il est normal de discuter pour elles d’un tarif préférentiel. Mais n’oublions pas que l’eau appartient à tout le monde : c’est un bien commun. Notre avenir à court terme et celui de nos enfants dépendra de la responsabilité de chacun face à sa propre consommation et de notre intelligence collective à la gérer de façon équitable et bienveillante pour tous.
Le Collectif Eau de Menglon