Une polémique se développe parmi les juristes quant à l’obligation, ou non, de la part des employeurs, de fournir à leurs salariés des équipements de protection afin d’éviter la contamination au coronavirus.
Rappelons que le salarié perd sa liberté d’action et de décision pendant les heures travaillées. Il n’est pas libre de ses mouvements, pas libre de quitter son travail.
En contrepartie de l’abandon partiel de sa liberté l’employeur est tenu de garantir la sécurité des salariés. Ainsi, il s’est vu un cas où un opérateur avait désactivé une sécurité sur une machine qui explosa, blessant gravement le travailleur responsable de la désactivation : l’employeur a été condamné.
Certains employeurs, ou leurs avocats, développent l’argument qu’ils ne peuvent être tenus pour responsables de la non-fourniture de masque, ces masques étant introuvables sur le marché. Au surplus, la pandémie serait un cas de force majeure, un « act of God » comme dit le droit anglo-saxon, force majeure suspensive du droit commun. Force majeure et indisponibilité des masques les exonéreraient de leurs responsabilités.
Les conséquences pour les salariés de l’absence de protection peuvent être gravissimes, allant jusqu’au décès. Aussi, fort probablement, de douloureux procès seront-ils menés dans les mois et années à venir - au train de sénateur où va la Justice - par des familles de salariés décédés.
Peut-on, en bloc, estimer que tous les employeurs seraient libérés de leurs obligations de sécurité pour la raison que le gouvernement a été imprévoyant ?
Anticipation vs négligence
Probablement non. Les employeurs ne sont pas tous logés à la même enseigne. Rien à voir entre le petit patron ayant quelques ouvriers, oeuvrant uniquement sur le marché local, et de très grandes entreprises ayant des établissements en Chine, ou y entretenant des rapports d’affaires réguliers, telle la grande distribution dont les chaînes logistiques s’originent souvent en Chine.
Lors de l’épidémie de SRAS, une multinationale au moins demandait à tous ses directeurs de filiale en Asie des rapports hebdomadaires sur les progrès de la maladie, afin d’anticiper de possibles répercussions sur leurs affaires. Il n’y a pas de raison que les autres se soient comportés différemment.
On lit d’ailleurs aujourd’hui dans Capital que "LVMH a réussi, grâce à l’efficacité de son réseau mondial, à trouver un fournisseur industriel chinois capable de livrer dix millions de masques en France dans les prochains jours (sept millions de masques chirurgicaux et trois millions de masques FFP2)" ! Preuve donc que les grandes entreprises, au courant de la situation chinois, auraient parfaitement pu anticiper et se fournir préventivement en masque, gants, casques à visière, la muqueuse de l’œil étant également une voie possible d’infection (d’où l’importance de se tenir à distance).
Or, si un événement est prévisible, il n’est pas un cas de force majeure ! On voit mal également, d’un point de vue juridique, comment l’imprévision du gouvernement pourrait excuser celle de sociétés en position de savoir. A moins de vivre sous cloche, impossible d’ignorer que les épidémies se répandent et sautent les frontières.
Hier, à l’Intermarché de Crest (en réalité Aouste), bien des employés ne portait pas de masque, non pas volontairement « mais parce qu’on ne nous en pas donnés » expliquait une jeune femme.
Le groupement des Mousquetaires, dont Intermarché est une enseigne, au même titre que Netto, Bricomarché, Bricorama, Roady, est constitué de patrons « interdépendants et solidaires », « copropriétaires du groupement » qui « nouent des relations fortes avec leurs clients, soutiennent les associations et, en interne, portent une attention constante à leurs collaborateurs », selon sa charte
PS : une correspondante nous indique que dès le lundi 16 après midi -tout début du confinement - le Super U de Saint Saturnin les Avignon (84) distribuait des masques à ses employés. Preuve que certains employeurs ont su anticiper et assumer leurs responsabilités.