Marché de la Foodtech : Dark kitchen et dark store - Détruire et remplacer petits restaurants et épiceries

Des robots, des algorithmes ...et des employés pressurés, mais des marges pour des startups et de gros groupes

mardi 18 mai 2021, par Camille Pierrette.

Voici un article édifiant sur le business moderne des pseudo « restaurants », qui repose sur l’optimisation de marques éphémères via des algorithmes et l’absence de salles de restaurants :

- Feu à la Foodtech - Information et alerte concernant une nouvelle tendance en croissance exponentielle dans les secteurs de la restauration et de la distribution. La « foodtech », c’est l’alliance récente entre les secteurs de l’alimentation, de la distribution, et des nouvelles technologies. Ce que cette alliance prépare dès maintenant, c’est un futur toujours plus dystopique, avec un nouveau concept : les dark kitchen et dark store.
Les rares articles de presse sur ce sujet peu connu ressemblant plus à des publi-reportages qu’à du journalisme, ce texte se base essentiellement sur des interviews du secteur de la foodtech ainsi que sur des articles de la presse spécialisée.

Marché de la Foodtech : Dark kitchen et dark store - Détruire et remplacer petits restaurants et épiceries

- Extraits :

On peut trouver quelques rares exemples de personnes, comme des cuisinier·es au chômage, qui ouvrent une dark kitchen seul·es, sans employé·es, souvent dans leur appartement. Mais la très grande majorité des act·eur·rices qui ouvrent des dark kitchen sont de vrai·es bourgeois·es, de la start-up à la chaîne de pizzerias en passant par l’aristocratie de la restauration.C’est business équilibre !

Plus de prise de risque ! Vous n’y connaissez rien à la restauration ? À la bouffe ? À rien de rien ? Pas de souci, les start-up de la foodtech s’occupent de tout.

« On a développé une technologie qui nous permet de spotter les tendances actuelles dans le monde entier et ensuite du coup de créer des restaurants virtuels donc de faire appel à la meilleure agence marketing pour créer l’environnement de la marque »
Journaliste : « Comment vous collectez ces données que vous analysez ensuite pour nous donner le repas le plus adapté à nos envies ?
« On a un outil de machine learning en fait qui se connecte sur les sur Uber les Deliveroo un peu partout dans le monde et qui nous au sort de la data. On va ensuite travailler main dans la main avec Uber et Deliveroo pour créer ce restaurant virtuel prédire la demande minimiser les pertes et augmenter la productivité nos cuisines. »

« Ce qui compte vraiment c’est les opérations. Il faut comprendre que la plateforme son but c’est de gagner de l’argent donc d’aller le plus vite possible, de faire le plus de livraisons possibles en utilisant au maximum la capacité de livraison des livreurs Donc si vous avez la logistique qui vous permet de livrer très vite, le client est content, la plateforme est contente, l’algorithme est content et donc vous montez et l’algorithme vous fait monter. »

Les Dark Store, pour faire simple, c’est l’uberisation de l’épicerie de quartier, y compris celle de nuit.
La grande différence avec les Dark Kitchen, c’est que les sommes en jeu sont autrement plus alléchantes pour les bourgeois·es. Logique, on fait plus souvent les courses que l’on va au restaurant.

Comme pour les Dark Kitchen, la crise du Covid provoque une intense accélération de l’implantation des Dark Store. On assiste en fait à une véritable Stratégie du Choc de la part des acteurs de la foodtech.

Les dark store sont, comme les dark kitchen, doublement liées à la gentrification. Elles s’en nourrissent, leur clientèle étant en grande majorité gentrifiée (en novlangue, urbaine et active). L’inverse est aussi vrai, leur implantation faisant inévitablement monter les prix de l’immobilier. Sauf qu’on ne parle plus que de quelques restaurants, mais de dizaines et dizaines de mini-entrepôts pour une ville comme Toulouse, plusieurs centaines ou milliers pour une ville comme Paris.

Les dark store sont un élément clef dela future ville (dystopique) imaginée par le capitalisme vert.

La grande distribution, ne voulant pas laisser le terrain aux seules start-up, avance ses pions [18], en ouvrant des « drive piéton ».
Il s’agit concrètement d’une hybridation entre dark store et supérette de quartier, plus ou moins cauchemardesque selon la forme choisie.

Gentrification qui d’ailleurs, est particulièrement dégueulasse. Quelle tristesse de voir les kebabs remplacés par des épiceries bio, les friperies par du prêt-à-porter hors de prix. Quel dégout de voir les vielles façades noircies par le temps rénovées avec notre argent pour le plaisir des bobos et des bourgeois·es. Et surtout, quelle haine de nous voir remplacé·es, les prolétaires, par la bourgeoisie et la petite-bourgeoisie, qui rénove nos maisons, qui détruit nos immeubles pour construire des résidences de standing. Et quelle haine de devoir toujours habiter plus loin, de perdre son temps dans les transports, pour perdre son temps au travail.

Et en plus, il faudrait qu’on bosse dans des cages à lapin en servant de faire valoir à un robot ? Dans des cuisines, à préparer des commandes à la chaine, sans décider ni même participer à l’ellaboration du menu, sans voir les personnes qui vont apprécier ce qu’on a cuisiné, avec des cadences plus infernales que le pire des restaurants traditionnels ?

Il faudrait en plus de tout ça voir disparaitre les kebabs, les petits restos familiaux ? Et petit à petit, au final, tous les lieux de socialisation populaires ? A quel moment exactement on va dire stop et tout casser ? Bientôt, j’espère.

Remarques complémentaires

Le capitalisme fait feu de toute crise, il y a toujours des entreprises qui arrivent à rebondir et à surfer sur les nouvelles donnes pour faire du business.
Le capitalisme ne s’effondrera hélas pas de si tôt tout seul, il aura largement le temps de ravager jusqu’au bout nos vies et l’ensemble de la planète, si on continue à le laisser faire.

Les résistances collectives ayant été depuis longtemps affaiblies ou détruites par la civilisation industrielle, le champ est libre pour que toutes les « innovations » starteupées agiles poursuivent la destruction du vivant, les nuisances écologiques et sociales.
Dans nos pays industrialisés, les individus ayant pratiquement perdu toute autonomie et toute culture de lutte collective conséquente, ils se retrouvent pour l’instant écrasés seuls dans leur coin, ou à lutter sectoriellement et sans espoir face à une méga-machine sur-puissante et protégée par des flics (de l’Etat ou du privé) en tout genre.

Au milieu de cette guerre totale du Capital qui multiplie les ruines, l’Etat, nos impôts, les services sociaux, sont parfois là pour nous filer quelques miettes, recoller quelques morceaux (ou aussi nous distiller l’idéologie libérale de la responsabilité individuelle dans l’échec à « réussir », avec culpabilisation des chômeurs et autres « assistés » et « feignants »), verdir les ruines, ...et nous pousser de force ou par ruses sur le chaotique et destructeur marché du travail (voir nouvelles dispositions libérales contre les droits au chômage par exemple), lequel participe bien sûr à notre asservissement et aux désastres décidés par le Marché et ses acteurs de tout poil.
Tandis que les produits industriels envahissent tout, se rendent incontournables, remplacent et écrasent les autres offres et alternatives.

Les micro-résistances, les activités alternatives (coopératives, associations, collectifs...), aussi louables et éthiques soient-elles, ne font pas le poids face à la puissance commerciale de l’agro-business mondialisé, de leurs publicités omniprésentes qui distillent l’idéologie de la marchandise et du consumérisme, de leurs médias de masse militants pour le productivisme, des législations faites pour eux et par eux, de l’influence qui s’étend jusqu’en dans les systèmes scolaires, dans le développement de techniques et de recherches scientifiques calquées sur les besoins de la valorisation du Capital et non sur une qualité de vie recherché en tout domaine.

Ainsi, les restaurants et les épiceries « à l’ancienne » subsisteront seulement à l’état de vestiges dans quelques campagnes reculées et pauvres, d’appâts à touristes solvables ou d’établissements de luxe pour quelques riches ravis de consommer bio et éthique.
Pour les autres, ce sera de plus en plus la foodtech, les dark kitchen et dark store, les hard discount, quand ce n’est pas les fonds de poubelles ou l’aide sociale alimentaire.

Ces « dark kitchen » et « dark store », ces business modulables via vente en ligne, se développent pour l’instant surtout dans de grandes villes, mais, comme toutes les saloperies de la civilisation industrielle, ça risque de venir ici aussi. Voyez déjà tous les écriteaux « click and collect » qui fleurissent partout poussés par la nécessité de survivre.

- Autre exemple lié : dans la bonne « Vallée de la Drôme », réputée pétrie de « biovallée », d’écologie et de valeurs humanistes, les autorités et les habitants du Crestois ont été pour l’instant incapables de construire des alternatives sérieuses (culturelles et structurelles, matérielles et éducationnelles, solidaires et éthiques) au modèle du hard-discount et des légumes pesticidés pour les pauvres et classes populaires. Ils semblent céder à l’idéologie ultra-libérale de la soi-disant « liberté de choix » ...puissamment orientée par le système techno-industriel capitaliste et ses productions matérielles et culturelles.
Ainsi, les supermarchés commerciaux continuent de s’étendre comme partout, avec dernièrement le projet de LIDL pour Aouste sur Sye.
A la décharge des autorités locales, il faut dire qu’on subit un système puissant qu’il est difficile de défaire que localement, surtout si on ne l’attaque pas par tout les bouts à la racine comme des campagnols, il faut dire aussi que bien peu d’habitants poussent vers ça...

Donc, en s’appuyant sur la pandémie de covid-19 et en actionnant les éternels leviers de la publicité, de la jouissance individualiste superficielle et immédiate, des économies d’échelle, des technologies... de grands groupes et des startups veulent faire de la marge en écrasant des petites entreprises (qui, bien sûr, ne sont pas forcément mieux).
Sempiternel cycle autophage du Capital : valoriser l’argent accumulé en cherchant les marges de rentabilité maximale, détruire les petits et absorber leur marché, grossir plus vite que les concurrents, imposer des produits moins chers mais avec plus de marges, rentabiliser quelques niches...


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