Lettre ouverte à la cité scolaire François-Jean Armorin (Crest, Drôme)
Bonjour,
Je fais suite au mail que nous avons reçu cette semaine concernant le passage du prix du repas de la cantine à 3,81 euros à partir de 2024.
Après une première hausse de 3,45 à 3,65 euros l’année dernière, le total représente aujourd’hui plus de 10 % d’augmentation, ce qui est lourd financièrement pour les familles.
Cette situation ne serait-elle pas l’occasion de réfléchir à un changement urgent, qui se fera de toute façon tôt ou tard : passer au tout-végétarien, en supprimant totalement la viande des menus ?
Tous les clignotants sont au vert pour faciliter cette démarche.
1. Un choix budgétaire évident :
Après lecture de très nombreux retours d’expérience (notamment sur la loi Egalim de 2018, la polémique sur les cantines de Lyon en 2021 ou les conséquences de l’inflation actuelle), je constate que votre crédit nourriture de 2,19 euros par repas semble se placer dans la fourchette normale par rapport au coût brut des denrées pour les cantines scolaires françaises aujourd’hui.
Cependant, toutes les données montrent que les menus végétariens sont moins chers que les menus classiques :
• D’après une étude de l’Observatoire de la restauration collective bio et durable en 2020, l’option végétarienne dans les cantines est en moyenne 25 % moins chère que le menu carné.
• La Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) avance en 2021 le chiffre de 30 centimes d’économie sur le coût des denrées avec des menus végétariens.
• La ville de Strasbourg propose d’ailleurs depuis 2019 un tarif plus faible pour les repas végétariens de ses cantines scolaires.
L’économie pour le budget des établissements se fait aussi sur le gaspillage : selon une étude de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) en 2016, les protéines animales représentent 46 % du coût total lié au gaspillage dans les cantines scolaires (contre 30 % pour les légumes et céréales).
- Lettre ouverte au lycée Armorin sur les tarifs de la cantine
2. Aucun obstacle diététique :
Le Haut Conseil de la santé publique, en 2020, indique que les protéines animales ne sont pas nécessaires à chaque repas, charcuteries et viandes étant plutôt à limiter dans l’alimentation des jeunes de moins de 17 ans. Il note, par ailleurs, que nous manquons tous de fibres dans notre alimentation.
Une étude de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation) met en évidence en 2017 le fait que les enfants mangent DEUX fois trop de viande dans les cantines par rapport aux recommandations journalières et qu’il y a parfois jusqu’à SIX fois trop de protéines dans les menus.
De toute façon, la cantine ne représentant que 4 repas sur les 21 pris chaque semaine par les élèves, l’argument diététique n’a que peu de valeur concernant la consommation de viande des jeunes.
3. Aucun obstacle social :
Il est faux de dire que la viande proposée par les cantines permettrait aux enfants de familles modestes d’en consommer suffisamment.
Une étude du Credoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, 2018) démontre le contraire : ce sont les familles les PLUS aisées qui consomment le MOINS de viande. La consommation de viande est plus importante chez les ouvriers (151 grammes par jour) que chez les cadres (113 grammes par jour).
En revanche, les enfants des classes populaires sont ceux qui consomment le moins de fruits et légumes. L’argument social va donc dans le sens de la suppression de la viande.
4. Aucun obstacle sociétal :
Cette décision de suppression de la viande à la cantine de la cité scolaire sera facile à prendre : en France, et plus spécialement dans la vallée de la Drôme, les jeunes sont particulièrement sensibilisés aux questions du bien-être animal, du climat et de la pénurie d’eau.
Par ailleurs, une étude IFOP démontre en 2017 que 67 % des Français sont prêts à réduire leur consommation de viande.
L’acceptabilité de la mesure de suppression de la viande à la cantine ne fait pas de doute.
Vous avez là des arguments chocs.
Aucun prétexte financier, social ou sanitaire ne fait le poids contre cette solution évidente et vertueuse : supprimer la viande des menus scolaires.
Les seuls obstacles restants ? Une certaine récupération politique populiste (ce serait prétendument la tradition, l’identité culinaire française…), les fausses croyances diététiques ancrées par des décennies de communication des producteurs, et… l’habitude (la routine, même, peut-être).
Pour finir, les aides organisationnelles au changement, les supports pédagogiques, les idées de menus, les ressources et documents officiels, les sites des associations engagées, sont pléthoriques et faciles d’accès pour les établissements et les équipes de restauration scolaire.
C’est le moment qu’Armorin se lance et devienne LE lycée précurseur en France sur cette question d’avenir.
Claire Faure
parent d’élève, Saillans
7 décembre 2023
Sources :
• Des chiffres clés sur tous les aspects touchés : https://www.vegecantines.fr/influenceurs-cantines-agir-militer-comprendre-chiffres-ressources-journalistes/chiffres-clefs-menus-vege-a-la-cantine/
• Un document “vrai/faux” de Greenpeace : https://cdn.greenpeace.fr/site/uploads/2021/02/Vrai-Faux-option-végétarienne-quotidienne.pdf
• L’étude 2020 de l’Observatoire de la restauration collective bio et durable : https://observatoire-restauration-biodurable.fr/sites/default/files/OBSERVATOIRE-Principaux%20résultats-2020.pdf
• Un article avec de nombreuses sources : https://reporterre.net/Menus-sans-viande-a-Lyon-les-contre-verites-des-politiques
• Des ressources pour les cuisiniers et les gestionnaires : https://www.vegecantines.fr/ressources-cuisiniers-gestionnaires/
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