Les scénarios de la suite de la crise - Stratégies pour éviter la continuation du désastre

Comment renforcer les chances d’un scénario de changement profond et radical ?

samedi 18 avril 2020, par Camille Pierrette.

Suite de la réflexion sur « l’après » assignation à résidence, sur les scénarios possibles.

Sommaire :

  1. La continuation du même système
  2. Etat-providence et « New deal »
  3. Soulèvement généralisé, changement de direction radical et profond
  4. Scénario 3. de bifurcation radicale : stratégies et pièges à éviter

Il est question ici des grandes tendances sociales et politiques, pas des multitudes d’expériences à petite échelle qui n’ont pas d’influence immédiate sur l’histoire générale.

- Voir aussi cet article qui offre de bonnes analyses sur la situation et les scénarios :
Et après le virus ? Les périls à venir - Résistance en ces temps d’épidémie

Et « après », nous ne reviendrons pas à la normalité, car c’était le problème !

1. La continuation du même système

Dans ce scénario, malgré la mise en évidence de la brutalité et du caractère destructeur du régime politique en place et de la civilisation capitaliste, pas assez de personnes s’engageraient dans des révoltes d’ampleur, et tout continuerait/reprendrait à peu près comme avant.
C’est le scénario le plus probable en France et dans la plupart des pays hélas.

Pour perdurer et calmer des révoltes mineures qui s’en prendraient surtout au gouvernement, le régime macroniste, l’Etat et la civilisation capitaliste seront obligé de lâcher quelques miettes.
On peut imaginer, a minima :

  • Une revalorisation du statut et des rémunérations des personnels soignants
  • De milliards supplémentaires mis dans les services de santé et leur matériel
  • Des aides sociales temporaires
  • La relocalisation de quelques industries (masques, certains médicaments)

Comme le régime a peur de soulèvements et se sait honni, il procédera sans doute à un remaniement du gouvernement avant l’été, peut-être avant la fin mai. Il évacuera peut-être certaines personnalités trop décriées (comme Castaner, Philippe, Ndiaye, Véran...) et proposera à des membres des partis dits de gouvernement (PS, LR...) de prendre part à un simili gouvernement d’union nationale.
Ca m’étonnerait que Macron veuille dissoudre l’assemblée nationale, il aura trop peur d’une veste monumentale.

Ensuite, le gouvernement proposera probablement en juin un genre de "Grenelle de crise", en y conviant des membres des divers partis, syndicats, corporations, afin de soi-disant élaborer ensemble une politique pour gérer la pandémie et la crise économique. Ce qui occuperait tout l’été.
(en interne, LREM procède déjà à des consultations de ce type - « Notre rôle est de réfléchir dès maintenant au projet de société que nous pourrons bâtir au sortir de la crise » - Stanislas Guerini)

Le déconfinement sera étalé dans le temps, différentiel suivant les régions et les villes, assortis de tout un tas de restrictions.
De plus, sous prétexte sanitaire (se mélangeant inextricablement avec les menées policières), les méthodes de contrôle individuel imposées de manière autoritaire et les interdictions de gros rassemblements rendront plus compliquées les révoltes.

L’objectif de tout ça est d’occuper les médias et les esprits, de laisser croire qu’on s’occupe des problèmes (même méthode que le "grand débat" de 2019), de neutraliser les forces d’opposition en les embarquant dans des "négociations", de noyer la contestation en faisait mine de faire de grands changements.
Ces mises en scène visent à préserver l’essentiel : la civilisation capitaliste et le pouvoir économique/politique aux oligarques, ultra-riches et grands propriétaires.

Pour les récalcitrants à ces réformettes et parlottes, ce sera comme d’habitude la répression féroce, le régime a déjà commandé des lacrymos et des drones pour faire face.

Le régime tablera aussi sur la venue de l’été, sur le fait que nombre de personnes auront envie de souffler, de prendre des vacances si c’est possible, et sur l’état d’urgence de la crise économique pour noyer et faire taire les contestations ("c’est pas le moment de faire grève voyons, on doit tous ensemble redresser le pays").

Ensuite, ce sera septembre, et beaucoup de monde aura des difficultés financières, et la plupart des personnes risquent de juste essayer de s’en sortir individuellement (travailler plus, réduire la voilure, courber l’échine) sous les coups de la crise économique au lieu de rejoindre des luttes collectives conséquentes.

Ce scénario serait bien sûr une très grave catastrophe. Il signifierait que peu de gens auraient tiré les leçons de ce qui se passe, que le rouleau compresseur de la civilisation industrielle continuerait de plus belle à détruire le climat et le vivant, que le capitalisme continuerait de laminer les humains et de détruire les milieux naturels, préparant des pandémies pires et/ou d’autres cataclysmes déjà annoncés ou en cours (incendies, famines, canicules, tornades, inondations, pénuries...).

Ce scénario accentuerait les contrôles autoritaires, la surveillance étatique, le régime policier, le pouvoir des Etats et des grandes firmes capitalistes (le proprio d’Amazon s’est déjà fait 24 milliards de dollars de plus durant la crise), la destruction des conquis sociaux, la soumission aux diktats du Marché.

Mais d’autres options sont possibles :

2. Etat-providence et « New deal »

Dans ce scénario, le macronisme reste au pouvoir et rien ne change vraiment dans l’immédiat. Peut-être qu’il y aurait davantage de mesures sociales que le 1er scénario si les travailleurs et syndicats montrent suffisamment les dents.
L’austérité serait imposée partout pour éponger les dettes, et comme d’habitude les déjà pauvres et précaires trinqueraient le plus. La crise économique pourrait même servir de prétexte à davantage de privatisations (voir ce qui s’est passé en Grèce après 2008) et de réductions de salaires/pensions pour protéger les profits et l’économie de marché.

A plus long terme, si les partis et les syndicats réformistes de gauche arrivent à s’allier et à reprendre du poil de la bête, alors ils arriveront peut-être à remporter les élections présidentielles et législatives de 2022.
Les électeurs ayant souffert davantage dans leurs chairs des politiques ultra-libérales, ils voteront peut-être pour les promesses d’une sorte de retour de l’« Etat-providence », avec l’idée de revaloriser les services publics, et de davantage répartir les valeurs captées par l’économie en faveur des travailleurs et des plus pauvres, et en défaveur des propriétaires et actionnaires. Une version 21e siècle du début du premier mandat de Mitterrand en 81 ?

Ultra-libéraux et capitalistes feront mine de s’étouffer face à ces mesures sociales, mais ils savent bien qu’une présence accrue de l’Etat et une légère réduction des inégalités sociales sont les conditions pour que leur business continue et pour que l’essence de la civilisation capitaliste ne soit pas affectée.
Comme il n’y aura sans doute pas de velléités d’aller très loin dans les remises en cause, les capitalistes n’auront pas grand chose à craindre. De plus, il savent que si un gouvernement voudrait aller trop loin contre leurs intérêts ils ont des armes pour couper court (taux d’intérêt des dettes, investisseurs qui se barrent, délocalisations, suppressions d’emploi...).

Cette nouvelle « alliance de gauche » portera un « New Deal », voir sans doute un « Green new deal ». Il s’agirait de lancer des investissements importants, comme après la 2e guerre mondiale, pour réduire les inégalités sociales et soi-disant tenir compte des questions écologiques et climatiques (même Attac critique le concept), pour « Financer une révolution écologique et sociale tout en relançant l’économie ».
On voit tout de suite la contradiction, faire de l’écologie sans trop toucher au capitalisme et au règne de l’économie, ce qui a été appelé développement durable.

Le mensonge du développement durable

On ferait face alors à plusieurs problèmes importants : les mesures de croissance « verte » pourraient faire illusion et diversion, le capitalisme et ses désastres continueraient, l’Etat et ses manières centralisées et autoritaires serait toujours là, voire serait renforcé (technocratie et centralisation). Il y aurait davantage de mesures sociales dans ce scénario là, ce qui soulagerait les plus précaires pendant un temps, mais rien ne changerait sur le fond. Ce serait reculer pour mieux sauter.

On serait toujours soumis au diktat de la croissance, à la violence de la concurrence, au règne des lobbies capitalistes, à la course au toujours plus, à la domination technique. L’extractivisme et le productivisme continueraient de partout.
Ce scénario 2 pourrait alors faire perdre du temps précieux et égarer les énergies dans des marécages en étouffant dans l’oeuf les velléités de changement radical. Fatalement, de nouvelles crises graves surviendront, l’ampleur des catastrophes écologiques/climatiques/sociales ne sera que peu atténuée, avec le risque accru de passage à des régimes de dictature ou de néo-fascisme pour gérer de manière autoritaire les graves pénuries.

Ce scénario reste assez flou malgré tout, il peut osciller entre un Etat centralisé porteur de plans autoritaires à un Etat décentralisé laissant une grande place à la décision et à l’autonomie locale, avec alors une possible plus grande remise en cause des dogmes capitalistes et étatistes/technocratiques/oligarchiques. Tout dépendra de l’ampleur des luttes menées par les populations et de leurs objectifs.
Les populations vont-elles laisser faire les dirigeants une fois élus, ou vont-elles résister et lutter sur tous les fronts pour une société vivable même après l’élection d’un gouvernement porteur de « Green new deal » ?

Pour moi, du fait que ce scénario ne s’éloigne pas vraiment des dogmes et des structures de la civilisation capitaliste, il a peu de chance d’advenir. Le système capitaliste est devenu trop puissant et trop incrusté partout pour qu’il accepte des réformes de ce type.
Les flux de marchandise, le zéro stock, la mondialisation de tout, l’imbrication, la dépendance technique et énergétique sont allés trop loin pour qu’il soit vraiment possible de faire des réformes, surtout en un temps rapide (nécessaire si on veut espérer faire face aux catastrophes et atténuer leurs causes).
De plus, une planification technocratique menée par un Etat pourrait peut-être assurer une sorte de survie, mais ce ne serait pas souhaitable, car la survie n’est pas la vie (voir paragraphe : Les apôtres de la technocratie – c’est-à-dire, de la survie).

Sur quelle voie s’engager ?

3. Soulèvement généralisé, changement de direction radical et profond

Dans ce scénario, il ne s’agit plus de tenter de réformer l’Etat et le capitalisme, mais de faire autre chose, sur d’autres bases.
Les Etats et la civilisation capitaliste ne pouvant pas construire des sociétés vivables, et ne pouvant qu’approfondir les désastres et les autoritarismes, on est obligé de les faire disparaître ou de les rendre inoffensifs, tout en construisant d’autres mondes.

Les efforts à mener pour mettre en oeuvre ce scénario sont conséquents, mais si beaucoup de monde s’y met de manière déterminée, il n’est pas si impossible que ça, car tout colosse a des pieds d’argile.

Depuis 2016, les colères et les révoltes s’additionnent en France. Avec la crise du coronavirus, davantage de personnes ont l’occasion de comprendre le caractère fondamentalement délétère et irréformable de la civilisation capitaliste, de l’Etat et des gouvernements.

Donc davantage de gens vont avoir envie de tourner la page, de faire carrément autre chose. Les idées d’an 01, de décroissance sobre et solidaire, de démocratie directe, d’autogestion, d’expropriation des plus riches... vont s’affirmer.
L’enjeu va être alors de surmonter par des rapports force importants la répression étatique et les éternelles tentatives de « pacification » de la gauche réformiste. Il faudra aussi agir sur d’autres terrains que là où attend l’ennemi, et se rappeler qu’en temps de guerre (car la civilisation capitaliste mène bien une guerre au vivant) la meilleure défense est l’attaque, c’est pourquoi, quelque part, ce scénario a plus de chance de se réaliser que le scénario 2, qui lui vise plutôt à défendre les restes d’Etat social et de conquis sociaux, et reste sur le même terrain miné que les capitalistes, où ils sont plus à l’aise et plus puissants.

Une voie de synthèse intéressante serait que les réformistes et autres adeptes des institutions acceptent et reconnaissent la nécessité et l’importance des luttes et changements radicaux. Et que ces réformistes ne s’en servent pas comme tremplin pour négocier seuls et a minima avec les pouvoirs, mais appuient les luttes radicales et s’efforcent de les populariser, de les faire comprendre au plus grand nombre et d’empêcher des retours en arrière. Ainsi, une complémentarité intelligente radicaux/réformistes permettraient d’aller loin.

4. Scénario 3. de bifurcation radicale : stratégies et pièges à éviter

Dans ce scénario, il faudrait éviter que les luttes s’en prennent seulement au gouvernement, mais viser bien davantage les structures économiques. Le pouvoir est largement du côté des lobbys capitalistes, c’est donc là qu’il faut appuyer.
Au lieu de vouloir prendre le pouvoir politique pour espérer mettre au pas le capitalisme, il faudrait plutôt défaire le capitalisme pour pouvoir ensuite reprendre la main sur la vie politique et réduire l’Etat. Voir :

Ne nous focalisons plus sur Macron et ses députés laquais, mais ciblons plutôt le pouvoir économique, la remise en cause radicale de la propriété des moyens de production, les multinationales qui possèdent les terres, les bâtiments, les usines.... et font et défont la loi et les régimes suivant leurs intérêts.
C’est là qu’est l’enjeu et le pouvoir, macron n’est qu’un sinistre pantin, un larbin minable, un tyran brutal et cynique interchangeable. Sa démission et de nouvelles élections ne seraient qu’un piège de plus pour étouffer la révolte générale et tuer le soulèvement dans les jeux politiciens et vains des appareils institutionnels inchangés.

Si on veut des changements radicaux, la justice sociale, la protection du vivant, il faudra non seulement changer radicalement les institutions politiques, mais on devra s’attaquer aux vrais donneurs d’ordre, les grands systèmes capitalistes et leurs propriétés, pas aux simples exécutants comme macron et sa clique d’éborgneurs et menteurs professionnels qui servent de paravent et de punching ball.

Pourquoi pas mener des procès à Macron et ses ministres, mais ne nous focalisons pas là dessus, ils servent de défouloir et d’attrape mouches pour détourner de l’essentiel. Les objectifs seraient plutôt de virer tous les grands actionnaires, grands patrons et grands propriétaires, pour ensuite décider collectivement de ce qu’on garde ou pas, de ce qu’on produit ou pas, comment, où, avec qui, selon quelles règles, pour qui...
Revoir les productions et la distribution, en finir avec les grandes surfaces et les plateformes logistiques type Amazon. Pour se sortir des catastrophes climatiques, écologiques et sociales, il nous faudra en finir avec la civilisation industrielle.
Au lieu de changer de gouvernement et/ou de s’en remettre à l’Etat, il faudrait plutôt généraliser l’autogestion, la propriété d’usage, l’auto-gouvernement, l’autonomie locale, la démocratie directe, les biens communs organisés collectivement et d’abord localement...
Au lieu de la surenchère technologique et de la surveillance numérique généralisée, il faudrait viser les low techs, la sobriété, les technologies conviviales et maîtrisables.

Le problème c’est que tout ça va à l’encontre de tout ce qu’on nous a inculqué, nous avons plutôt appris à être soumis, à voter, à laisser faire capitalistes et élus, à les laisser décider de tout à notre place, à gober les propagandes merdiatiques au lieu de penser par nous-même, à accepter les inégalités sociales, à mépriser l’écologie et le monde vivant, etc.
Mais le soulèvement des gilets jaunes a montré que des changements de mentalité et de pratique peuvent se faire rapidement si la rage et la motivation sont là, si les gens se rencontrent et agissent ensemble.

- Pour mener les gros rapports de forces nécessaires à cette sorte de « révolution », rappelons quelques pistes, classiques :

  • Les travailleurs des secteurs clés de l’économie (énergie, raffineries, ports, logistique, transport) mènent des grèves longues et dures
  • Ils sont soutenus par des grévistes de secteurs moins clés (culture, éducation, étudiants...), qui peuvent aussi participer à des blocages
  • Si beaucoup de monde entre en action, possible d’occuper des villes pendant plusieurs jours, des semaines, non-stop, en bloquant tout (voir printemps arabes).
  • Multiplier les temps de rencontre, d’actions communes, de moments collectifs (occupations, repas, ateliers, débats, assemblées...)
  • Il existe aussi les anciennes tactiques de sabotage, où des groupes clandestins, coordonnées ou non, s’en prendraient aux infrastructures vitales de l’économie capitaliste
  • Faire grandir dans chaque zone de vie une culture de résistance
  • Voir d’autres éléments sur cet article + Quelques trucs et astuces pour rebelles et résistant.e.s

- L’autonomie locale est un autre point important. Que ce soit durant une grève longue ou pour remplacer les services fournis par les structures capitalistes industrielles, il faudrait au plus vite multiplier les activités de résiliences et ébauches d’une société vivable et soutenable, notamment sur le plan alimentaire.
En effet, pour tenir une grève longue et dure, il faudra pouvoir manger. Depuis Jules César, on sait l’importance de la logistique, une armée doit être bien nourrie.
Il est donc vital dès maintenant de multiplier les potagers, les jardins ouvriers, les jardins partagés, les liens et coopérations avec les petits paysans.
C’est le printemps, semons, semons partout.

- Il faudrait éviter :

Attention, sur un plan médiatique comme tactique, à ne pas se faire piéger par le théâtre de la répression policière et des réactions qu’elle provoque.
La barbarie policière En Marche (ainsi que le jusqu’au boutisme extrémiste du régime) qui impose un niveau élevé de contestation en réponse ne sert pas seulement à faire peur, à dissuader de se révolter, à institutionnaliser un terrorisme d’Etat, elle sert aussi à occuper le champ médiatique et les imaginaires, afin que la révolte ne déborde pas vers d’autres objectifs, d’autres cadres, et d’autres méthodes d’action. D’autant que c’est le régime et ses milliardaires qui décident très largement de quel sera le focus merdiatique du moment.
Les gilets jaunes et autres dissidents se retrouvent alors très souvent réduits à chercher des fenêtres hors des nasses, à résister tant bien que mal aux assauts des flics et de leurs armes de guerre, à passer beaucoup de temps et d’énergie à panser et soutenir les blessés, les gardés à vue, les convoqués et emprisonnés.
(...)
La lutte pourrait alors se transformer en simple opération de survie en manif, en combats asymétriques contre les basses manoeuvres des flics en armures.
Les robots flics de la répression servent aussi d’obstacles, de leurres, de punchingball dérivatifs.
Ils servent ici à absorber les critiques et la rage (la plupart du temps sans risques réels pour eux d’ailleurs, étant donné leurs équipements, leur impunité et leur droit à réprimer). L’énergie de la révolte se retrouve piégée et étouffée dans des combats de rue perdus d’avance sur le terrain favori de l’ennemi
(...)
Même les petites victoires, les vrais débordements, une manif sauvage, une banque brûlée, un politicard ridiculisé sont éphémères et vite absorbés par la machine du Spectacle.
(...)
Ridiculiser le pouvoir par des actions symboliques est utile pour montrer sa nullité, sa fragilité, pour détruire sa sacralité surplombante (grands élus, élites, experts, 1er de cordée, créateurs d’emplois...) , pour qu’on ne lui prête plus une quelconque légitimité, crédibilité ou allégeance. On n’attend plus rien de leur système.
Mais le pouvoir n’est pas seulement symbolique, il est d’abord pleinement matériel, il est inscrit dans la propriété des usines, des terres et des brevets, dans les dispositifs techniques, dans la logistique, dans les flux d’information informatiques et médiatiques, dans les divers réseaux de surveillance (pas seulement policiers).
(...)
Il s’agit de préciser nos objectifs et désirs, de (re)découvrir des méthodes de résistance adaptées à un régime autoritaire inflexible et surarmé déterminé à asservir et piller.
(...)
Mécaniquement, par habitude et par soumission aux propagandes, on continue d’utiliser benoitement les outils fournis par le système, les outils estampillés légaux et « démocratiques », on demande gentiment aux pouvoirs de bien vouloir nous écouter. Mais bien sûr ces outils ne mènent qu’à l’échec et à l’accroissement de notre impuissance, ils ne servent qu’à faire diversion, à gagner du temps et à épuiser les révoltes

Va-t-il y avoir suffisamment de personnes actives et déterminées pour pousser un changement radical ?
Impossible à dire pour l’instant.
En tout cas les pouvoirs feront en sorte de lâcher quelques miettes pour que les moins virulents se tiennent tranquilles, mais en lâchant le moins possible pour ne pas perturber les profits et la marche de la civilisation capitaliste. Ils adapteront comme d’habitude ce dosage subtil suivant l’intensité des luttes.
- Voir Déconfinement : rapports de force, nos objectifs, autonomie, pièges à éviter ! - Quelques ingrédients de base pour une insurrection réussie et durable

Quand je vois que pour l’instant aucun syndicat (à part CNT bien sûr) ou groupe informel de syndiqués/travailleurs se préparer à s’organiser pour faire grève massivement pour en finir avec le capitalisme, autogérer les productions à garder, virer patrons, propriétaires et actionnaires, il est difficile d’être optimiste pour la suite.
Les français ont tellement été habitué à la consommation, à l’individualisme, au culte du progrès matériel, à la sacralité de l’Etat et des entreprises, à l’acceptation du « marché du travail », aux classes sociales séparées et en concurrence, qu’on peut douter que la crise actuelle puisse en elle-même suffire à multiplier les engagements révolutionnaires.

Pour l’instant, sans doute que les français sont encore sidérés par la pandémie et ses conséquences ? Et de nombreux travailleurs sont en première ligne et exposés au virus, avec d’autres priorités bien compréhensibles.
A l’heure actuelle, il est surtout question de faire rendre des comptes au gouvernement et de pousser pour de vrais services publics.
Mais rien n’est joué, les gilets jaunes sont nés de la protestation contre une simple taxe sur les carburants.
A présent, les motifs de révolte sont potentiellement plus forts et plus nombreux...

Néamoins, sans anticipation, coordination, préparation, la lutte risque d’être difficile, car les pouvoirs savent gérer les explosions de colère, ils ont l’armement et les lois pour ça, et la population aura sur le dos des restrictions accrues des libertés ainsi que les difficultés de la crise économique.
La révolte spontanée seule aura donc du bien du mal à résister aux flics, aux manoeuvres merdiatiques du gouvernement et à la précarité.

Dans tous les cas, j’invite les personnes et les groupes motivées à bien réfléchir à tout ça, à se préparer, à s’allier et à se coordonner.

Que voulons-nous ?

Laisser la civilisation industrielle continuer sa folie (auto)destructrice, pousser à des réformes qui ne changent pas le fond mais permettent de faire temporairement illusion, ou viser des bifurcations radicales salvatrices ?


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