Les sabotages d’antennes et équipements 5G se multiplient, motivés par le refus d’une société techno-connectée anti-écologique

Dossier sur Reporterre - Sondage IFOP : 20 % favorables à la destruction des antennes-relais 5G - Vers un mouvement de contestation très large ?

vendredi 17 décembre 2021, par Eole.

Reporterre.net publie un dossier fouillé en 3 volets sur le sabotage d’antennes 5G et équipements liés.

Les actions de sabotage se multiplient, motivées par un refus d’une société hyperconnectée et des problèmes sociaux/écologiques qui l’accompagnent. Des opérateurs prennent peur et l’Etat emploie de gros moyens de surveillance et de répression. Dans ce dossier des témoignages de journalistes, saboteurs et saboteuses, policiers, historiens, opérateurs...

(clin d’oeil : le média Ricochets est cité dans le volet 3 du dossier du fait des poursuites en cours concernant une publication de mars 2020)

Sabotage d’antennes et équipements 5G : « ne pas ébruiter ces éléments afin d’éviter de donner des idées »
Les sabotages d’antenne se multiplient, démontrant l’ampleur du rejet de cette technologie imposée

- Voici les liens vers les 3 volets, avec des extraits :

1. Les sabotages contre les antennes 5G se démultiplient

- Les sabotages contre les antennes 5G se démultiplient - Antennes-relais brûlées, câbles coupés... Reporterre publie la carte exclusive des sabotages d’infrastructures numériques en France : 140 actes ont été comptabilisés en deux ans. Ils témoignent d’un refus d’une société numérisée et de l’impuissance des mobilisations citoyennes.
(...)
Prise isolément, chacune de ces affaires pourrait s’apparenter à un simple fait divers. Mises bout à bout, elles tissent, au contraire, la toile d’un récit commun. Ces actions apparaissent dans leurs revendications comme autant de refus de vivre dans une société hyperconnectée, autant de résistances frontales à la numérisation du monde.
(...)

Il est difficile d’avoir une vision exhaustive du nombre global de sabotages. Les opérateurs comme les autorités restent frileuses quant à leur communication. « Il s’agit même plutôt de ne pas trop ébruiter ces éléments afin d’éviter de donner des idées à certaines personnes », nous explique par courriel Ariel Turpin, le délégué général de l’Avicca (l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel). Leur crainte est fondée : dans un sondage IFOP, publié en septembre 2020, pas moins de 20 % des personnes interrogées se disaient favorables à la destruction des antennes-relais 5G.
(...)
Depuis vingt ans et les fauchages d’OGM (organismes génétiquement modifiés), la France n’avait pas connu une campagne de sabotage aussi massive. Les professionnels de la téléphonie sont plus qu’inquiets. Ils évoquent, dans la presse, un « fléau contre des chantiers vitaux de la nation ». Le patron d’Orange Stéphane Richard invite même à « purger » le débat pour éviter un « Afghanistan de la téléphonie mobile, où il faudra se battre pylône par pylône, commune par commune pour essayer de mettre la 5G ». Vincent Cuvillier, le président de l’Ofitem (Association française des opérateurs d’infrastructure de téléphonie mobile) n’hésite pas à parler de « terrorisme numérique ». La surenchère est de mise. Dans Le Figaro, une journaliste décrit les saboteurs comme « une pseudo-armée secrète levée contre la 5G avec de possibles connexions à l’étranger ».
(...)

Les dégâts occasionnés ont effectivement de quoi leur faire peur. D’après les calculs de Reporterre, le préjudice total de ces sabotages dépasse les dizaines de millions d’euros. « Un pylône d’antenne-relais coûte environ 200 000 euros, confirme à Reporterre Michel Combot de la Fédération française des Télécoms. S’il est détruit, il faut ajouter le coût de l’enlèvement. Pour les transformateurs et les équipements électriques, cela va dépendre du degré de dégradation, ce n’est pas la même chose si c’est une armoire électrique qui est incendiée ou juste un câble qui est coupé. » Dans certains cas, les dégâts peuvent atteindre plusieurs millions d’euros. C’est le cas notamment, à Grenoble en janvier 2020, lorsqu’un site d’Enedis avait été incendié avec une dizaine de véhicules ou encore, en mai 2020, lorsque deux antennes dans le Jura avaient été brûlées. Le site n’avait pas pu être remis en service.
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« Si vous prenez en moyenne 200 000 euros par site et que vous multipliez par les 174 actes de dégradation [du rapport du ministère de l’Intérieur], on ne contestera pas le chiffre », déclare-t-il à Reporterre. Soit 34,8 millions d’euros.
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On naviguait entre exaspération et joyeux bazar. Il a suffi d’un incendie pour bloquer une grande partie de l’activité.
Depuis plusieurs années, les saboteurs ont identifié les antennes-relais comme étant les nœuds névralgiques par lesquels transitent les flux économiques et se développe le technocapitalisme. Des bulletins anarchistes parlent de « cordon ombilical », d’autres sites de « talons d’Achille ».
(...)

En France, on ne compte pas moins de 50 000 antennes 4G et 18 994 antennes 5G actives. La majorité sont installées sur des terrains isolés qui se prêtent difficilement à la surveillance, et sont donc, de leur propre aveu, facilement attaquables : « Ce n’est pas réaliste aujourd’hui de dire que nous allons installer 66 000 caméras de vidéo-surveillance sur toutes les antennes. Et soyons clairs : quelqu’un qui veut entrer et détruire un site isolé pourra le faire », dit Vincent Cuvillier. Et les modes d’emplois se multiplient sur les sites spécialisés, à base de chiffons, de bidons de kérosène, d’allume-feu et de briquets.
(...)
Après avoir évoqué un contexte répressif inédit et une impossibilité de se faire entendre par des moyens traditionnels, plusieurs textes engagent ceux qui le veulent à créer un mouvement de « résistance concrète, et pas seulement symbolique », pour « reprendre l’avantage dans la guerre sociale actuelle », à travers des actions de sabotage et de dégradation.

Le contexte politique est en effet propice au retour de l’action directe : d’un côté le gouvernement est passé en force sur la 5G, de l’autre le mouvement d’opposition citoyen patinait depuis le début de la contestation de cette technologie imposée. Les recours juridiques comme les demandes de moratoire n’ont pas obtenu la moindre inflexion dans la mise en place de la 5G.
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C’est une photographie de notre incapacité collective et de l’irresponsabilité du gouvernement. Cela engendre légitimement une rage folle, je comprends que des gens puissent se mobiliser ainsi.
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Pour l’historien des sciences François Jarrige, cette situation n’a, en réalité, rien d’étonnant. « Les sabotages se multiplient quand les formes de négociation plus institutionnelles sont en crise », explique-t-il à Reporterre. « C’est précisément au moment où les choix techniques sont encore incertains et pas totalement enracinés dans les imaginaires et dans les institutions qu’il est possible d’agir. Il s’est passé la même chose avec les OGM, le nucléaire, mais aussi avec la voiture à ses débuts, et la mécanisation industrielle au XIXᵉ siècle. Aujourd’hui, c’est le tour des infrastructures de communication numérique. »

2. 5G : « Le sabotage a toujours fait partie des luttes sociales et écologiques

- 5G : « Le sabotage a toujours fait partie des luttes sociales et écologiques » - Pourquoi saboter des antennes-relais ? Associant révolte viscérale et lutte contre la « numérisation de la société », trois saboteurs expliquent à Reporterre le sens politique de leur action et ce qui les a fait franchir la barrière de la légalité.
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Nous passons de plus en plus notre vie derrière les écrans et le monde physique nous est peu à peu confisqué. Les antennes-relais tissent la toile d’une prison de fibre et d’ondes. C’est une rupture anthropologique majeure. Il y a une forme de dégoût à voir la 5G se déployer au mépris des populations, de constater l’impact de cette transition numérique sur le territoire, sur notre quotidien et notre intimité. Le pire, c’est surtout son hypocrisie. On nous vante les joies d’une société numérique qui en réalité ne fait qu’accentuer l’exploitation, la surveillance et la catastrophe écologique.
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Avec le numérique, on cherche à isoler les gens les uns des autres, on crée plus de dépendance, on renforce l’hétéronomie [dépendance à l’extérieur, par opposition avec l’autonomie] pour asseoir une domination politique et économique toujours plus grande. Les capacités de contrôle, de fichage et de traçage n’ont cessé d’augmenter. En parallèle, l’espace des possibles s’est refermé. Dans les cages du numérique, un changement de société devient de plus en plus difficile et l’espoir d’une vie plus juste s’évapore.
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On peut toujours multiplier les microrésistances individuelles — ne pas avoir de smartphone, refuser les compteurs Linky, préférer les guichets humains aux caisses automatiques, ne pas pointer son QR code — mais cela reste malheureusement limité. Face à l’accélération du numérique, nous pensons qu’il faut accroître le rapport de force. Le sabotage d’antennes-relais est un choix stratégique. Nous ciblons ces infrastructures car non seulement elles matérialisent l’industrie numérique mais aussi parce qu’elles sont vulnérables. Il en existe des dizaines de milliers sur le territoire avec un maillage de plus en plus serré, et les autorités peinent à les surveiller.
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C’est important de préciser qu’on ne fétichise pas non plus ce mode d’action. On s’inscrit dans une dynamique collective. On pense que le sabotage est complémentaire avec d’autres initiatives, parfois plus citoyennes et plus légalistes.
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Le sabotage frappe les flux économiques. Il touche les entreprises autour des antennes, il suspend les activités logistiques et les terminaux de paiement. À l’heure du télétravail, il impose une forme de grève.
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qui détruit au fond le système de santé ? Des politiques néolibérales qui surfent sur le numérique ou les gestes fugitifs de certains individus ? Qui détruit le système éducatif ? Une antenne brûlée qui bloque l’intranet ou Parcoursup et ses algorithmes inhumains ? Arrêtons l’hypocrisie.
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il y a aussi un sentiment partagé par tous, très palpable. Aujourd’hui, les gens se sentent menacés par la numérisation du monde et leur réaction est viscérale. Ils n’ont pas forcément les mots qu’une gauche bien propre sur elle pourrait attendre d’eux, mais ces gens s’expriment par leurs actes. Le sabotage est un langage du corps. À nous de l’entendre. À nous de le traduire.
(...)
Les autorités tentent de faire passer les saboteurs pour des loups solitaires, des personnes esseulées. En réalité, nous répondons à une démarche collective en France et en Europe. Nous inscrivons nos actes dans une série d’appels à sabotage. Plusieurs ont été publiés en 2019 et en 2020. On s’inspire mutuellement sans forcément se connaître.
(...)
Nous sommes comme un grain de sable dans la machine. Depuis deux ans, les actions ne s’arrêtent pas. Une antenne-relais est détruite chaque semaine. Après, évidemment, cela reste insuffisant. Nous souhaitons continuer les actes de sabotage en espérant qu’ils puissent s’associer à un mouvement plus large.

Pascaline — Tout dépendra de la manière dont ces gestes seront réappropriés, discutés et débattus ces prochains mois. Alors que nous traversons une situation difficile, ces actes de sabotage envoient un message fort. Nous ne sommes pas acculés à la défaite.
(...)
Les autorités, avec les médias mainstream, font tout pour minimiser le mouvement et le placer sous silence. Ce n’est pas étonnant. Ils défendent l’ordre existant. L’action directe devient dangereuse pour le pouvoir à partir du moment où elle se propage et où elle n’est plus isolée. Dans la presse locale, les sabotages sont classés parmi les faits divers, la petite délinquance, les nuisances. Il n’y a aucune réflexion plus générale et politique.
(...)
Moi, ce qui me frappe, c’est surtout le manque d’écho au sein de la gauche culturelle, au sein du mouvement social et de tous ceux qui auraient pu être nos alliés. La pratique du sabotage peine à trouver des relais. Il manque une caisse de résonance, une forme de solidarité avec celles et ceux qui se mettent en danger, qui affrontent physiquement ce monde. Dans le mouvement social, il n’y a pas assez de débats tactiques et d’espaces de discussion autour de ce geste et des différents modes d’action. Cela fait le jeu du pouvoir. Ça ajoute une couche de plus dans la tentative d’étouffement du mouvement.

3. Contre les saboteurs, l’État sort l’artillerie lourde

- Contre les saboteurs, l’État sort l’artillerie lourde - Prison ferme, surveillance, téléphones sur écoute... La répression s’accentue contre les saboteurs d’antennes relais. Pour les stopper, les autorités sont passées à la vitesse supérieure. Quitte à faire un parallèle avec le terrorisme et à museler le débat sur la 5G.
Des peines de prison ferme, des gardes à vue « anti-terroristes » qui peuvent durer 96 heures, la cellule de gendarmerie Oracle spécialement dédiée aux sabotages... Les centaines d’attaques contre les infrastructures de télécommunication opérées ces dernières années donnent des sueurs froides aux autorités. Elles déploient un arsenal répressif pour y faire face. Au sommet de l’État, la menace est prise très au sérieux.
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Les peines sont lourdes, mais la plupart des affaires de sabotages restent encore irrésolues et leurs auteurs courent toujours. Pour y mettre un coup d’arrêt définitif, les autorités ont donc décidé de passer à la vitesse supérieure.
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Concrètement, elle prévoit d’améliorer la sûreté des installations les plus sensibles en durcissant leur accessibilité et en installant par exemple des systèmes de vidéoprotection et de Lapi (lecture automatisée des plaques d’immatriculation). Des patrouilles plus fréquentes de gendarmes sont également attendues. Mais la tâche paraît démesurée au regard du nombre et de la dispersion des antennes-relais.
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La direction d’Orange est allée jusqu’à traquer les membres d’un groupe intranet baptisé « Je suis vert », qui avaient eu des débats internes sur les avantages et les inconvénients de la 5G.
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Les autorités misent donc, en priorité, sur la surveillance. Une nouvelle cellule d’enquête spécialisée de la gendarmerie a été créée — la cellule Oracle —, qui vise à prévenir les dégradations contre ces infrastructures. Peu de données circulent publiquement à propos de cette cellule, de ses financements et de ses moyens humains, mais en octobre 2020, Christian Rodriguez, le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), a tout de même vanté son bilan auprès des députés. Il l’a comparé à la cellule Déméter, qui surveille les opposants à l’agriculture industrielle. Sollicitée à plusieurs reprises sur ce sujet reconnu comme « sensible », la gendarmerie n’a pas souhaité répondre à nos questions.
(...)
les gendarmes auraient placé des caméras de surveillance devant son domicile et des GPS sous les voitures de ses proches. Ils auraient également pris en filature plusieurs personnes au cours de l’été 2020.
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En Haute-Vienne, suite à la dégradation de l’antenne des Cars, les autorités ont aussi mis en place des moyens très importants. Des écoutes téléphoniques ont touché de nombreuses personnes de réseaux militants sur le plateau des Millevaches. Le 15 juin 2021, quatorze personnes ont été interrogées et perquisitionnées, six d’entre elles ont été placées en garde à vue. Certaines sont poursuivies pour destruction par l’effet d’une substance d’explosive d’un engin dangereux en bande organisée, destruction qui est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation et association de malfaiteurs. Les gendarmes sont remontés jusqu’à eux en écoutant les réunions d’un groupement forestier auquel les suspects participaient. Cette association rachète des parcelles de forêts pour les gérer hors des pratiques agro-industrielles. D’autres associations, comme le groupe de réflexion Gramsci à Limoges ou encore une chorale militante, ont été particulièrement surveillées.
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Depuis plusieurs mois, élus, politiques et magistrats tentent de faire le parallèle entre ces actions et « des attentats terroristes ». À chaque sabotage, le procureur de Grenoble, Éric Vaillant, tente de saisir le parquet antiterroriste de Paris.
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Le complotisme, pour discréditer les saboteurs
La référence à l’irrationalité de ces gestes est d’ailleurs très courante. Les médias mainstream et les autorités s’engouffrent allégrement dans la piste du complotisme pour dépolitiser les raisons qui poussent des dizaines de personnes à s’attaquer aux antennes-relais. C’est un autre aspect de la répression en cours, tout est fait pour isoler et discréditer ces luttes contre la numérisation du monde.
(...)
Taxer de complotistes ses opposants est une manœuvre de communication qui permet « d’isoler l’ennemi en révolte et de dépolitiser sa lutte », estiment certains militants proches des saboteurs. « Nous ne sommes ni des ignares ni des enfants à rééduquer. Nous ne sommes pas des bouseux opposés aux lumières de nos chefs d’État, nous incarnons un pôle antagoniste aux intérêts marchands, que l’autre camp n’aura de cesse de vouloir discréditer », écrivent-ils.

Pour l’historien des sciences François Jarrige, l’utilisation du concept de complotisme sert « à faire disparaître une certaine parole populaire » : « Avant c’était plus simple, le pouvoir pouvait dénoncer l’ignorance crasse du peuple qui n’avait pas compris le sens du progrès. Aujourd’hui, on n’ose plus le dire aussi frontalement, on exprime cette idée de manière plus métaphorique, plus subtile »
(...)

En creux, c’est le débat public qui est empêché, toute marque de soutien à l’action directe devant être poursuivie afin d’invisibiliser ces actes de sabotage. Plusieurs médias indépendants en ont fait les frais. Reporterre le racontait en mars avec l’affaire Ricochets. Ce média local passera le 25 janvier prochain au tribunal pour « apologie publique de crime ou délit ». Il avait publié un texte en solidarité avec les incendiaires d’un poste répartiteur d’Orange en périphérie de Crest, dans la Drôme. « Les auteurs du texte évoquaient les conséquences écologiques de l’économie numérique, raconte un administrateur du site. Ils parlaient des manières d’y faire face, dans une époque où nous sommes tous confinés et où l’État et les industriels avancent à marche forcée. À Ricochets, nous pensions que cet article ouvrait une discussion légitime. »

Une élue d’Europe Écologie-Les Verts (EELV), Sylvie Bonaldi, a aussi fait l’expérience de cette omerta. En septembre 2020, elle avait déclaré à la presse approuver l’incendie de l’antenne-relais 5G de Contes, à proximité de Nice. Le soir même, face à la pression, Sylvie Bonaldi avait dû revenir sur ses propos et s’était déclarée contre toute forme de violence.

(...)
Malgré la répression juridique, le dénigrement politique et médiatique, les sabotages se poursuivent. Sur notre carte des sabotages en France, nous en avons recensé neuf en novembre dernier. Cela n’étonne pas l’historien François Jarrige : « Les enjeux climatiques et écologiques vont aider à repolitiser ces infrastructures techniques, qui depuis deux siècles, à l’ère du capitalisme industriel, n’ont cessé d’être dépolitisées. »


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