Les propositions d’emplois verts, pour lutter contre le chômage et agir pour la « reconstruction écologique » fleurissent dans les think tank de gauche.
Si tout n’est pas forcément à jeter dans ces propositions, elles ne peuvent pas hélas résoudre les profonds problèmes écologiques, politiques et sociaux.
- Les projets d’emploi « verts » et de réindustrialisation « verte », une vaste fumisterie criminelle de plus ?
Voici quelques textes et points de vue pour creuser la question et éviter de s’abîmer dans des impasses nuisibles :
- Cyril Dion, Rob Hopkins, Vincent Verzat, Andreas Malm, etc. : le développement durable et ses apôtres
- La pire erreur de l’histoire de la gauche
- Confusion renouvelable et transition imaginaire
VITE LES AMIES, SIGNEZ
Si pas pour vous, faites-le au moins pour la planète. Elle a bien besoin de rigoler un peu en ce moment.
Tous avec les anticapitalistes (mais anti-le-capitalisme-gris-seulement !) de Le Vent Se Lève ! Pour des emplois verts et un capitalisme vert, une exploitation durable et équitable, des exploitations minières soutenables, un salaire vert, une « reconstruction écologique de la France », une « réindustrialisation verte de l’économie française » comme le formule leur grand gourou, le jésuite Gaël Giraud, ex-économiste en chef de l’AFD !
POUR UN NATIONALISME VERT !
UN PATRIOTISME ÉCOLOGIQUE !
UN PATRONAT DURABLE !
PIERRE GILBERT (OU GAËL GIRAUD) PRÉSIDENT !
VIVE L’ÉCOLOGIE ET VIVE LA FRANCE !
(post de Nicolas Casaux)
Voici, parmi d’autres, une petition de LVSL pour la promotion des emplois verts :
Avec l’explosion du chômage de longue durée, le monde va connaître une nouvelle pandémie : une pandémie sociale.
Pourtant, ce n’est pas le travail qui manque : la reconstruction écologique exige de créer des millions de nouveaux emplois, que le marché se montre incapable de créer. C’est la proposition formulée par l’Institut Rousseau et Hémisphère gauche. Nous vous invitons à signer et à partager la pétition en ligne en faveur de ce dispositif sur emploivertpourtous.fr
Ce sont pas moins d’un million d’emplois qui seront créés grâce à ce dispositif, inspiré de Territoires Zéro Chômeurs, pour un coût inférieur aux politiques de lutte contre le chômage existantes. L’objectif est de sortir un million de personnes de l’exclusion et de la précarité, tout en amorçant un grand projet de reconstruction écologique.
Merci d’agir pour une garantie à l’emploi vert !
- Les projets d’emploi « verts » et de réindustrialisation « verte », une vaste fumisterie criminelle de plus ?
TOLSTOÏ, LA GAUCHE ET L’ESCLAVAGE MODERNE
Tolstoï s’inquiétait déjà en son temps, soit il y a plus d’un siècle, de la manière dont la servitude moderne passait pour naturelle et juste aux yeux de la plupart. Il remarquait, dans un livre intitulé L’Esclavage moderne (1900), que :
« L’abolition du servage et l’affranchissement des noirs marquèrent seulement la disparition d’une ancienne forme vieillie et inutile de l’esclavage, et l’avènement immédiat d’une forme nouvelle plus solide, plus générale et plus oppressive. »
Et, ainsi, que :
« L’esclavage existe encore dans toute sa force, mais nous ne la percevons pas, comme en Europe à la fin du dix-huitième siècle l’esclave des serfs n’étaient pas perçus. Les gens de cette époque-là pensaient que la position des hommes obligés de labourer la terre pour leurs seigneurs, et les obéir, était une condition économique de la vie naturelle et inévitable, et ils ne l’appelaient pas esclavage. Il en est de même parmi nous ; les gens d’aujourd’hui considère la position des travailleurs comme étant une condition économique naturelle et inévitable, et ils n’appellent pas ça de l’esclavage.
Et comme, à la fin du dix-huitième siècle, les gens de l’Europe ont commencé petit à petit à comprendre que ce qui semblait jadis une forme de vie économique naturelle et inévitable – soit la position des paysans qui étaient complètement au pouvoir de leurs seigneurs – était injuste, erronée, et immorale et demandait un changement, aussi les gens d’aujourd’hui commencent à comprendre que la position de travailleur engagé, et de la classe laborieuse en général, qui semblait autrefois tout à fait normale et naturelle, n’est pas ce qu’elle devrait être, et exige un changement.[…]
L’esclavage des travailleurs à notre époque ne fait que commencer à être reconnue par les gens avancés de notre société ; la majorité est encore convaincue que l’esclavage n’existe pas parmi nous. »
Malheureusement, l’esclavage que constitue le salariat, les injustices fondamentales sur lesquelles le capitalisme se fonde (propriété privée, notamment), ne sont pas plus reconnus et contestés aujourd’hui qu’à son époque. Aujourd’hui encore, « ne connaissant que les séductions de la vie » moderne, de la vie dans la civilisation techno-industrielle, les humains « ajoutent foi à cette thèse » selon laquelle le salariat, le travail, la propriété privée, l’argent, etc., tout cela est à peu près normal, « et appliquent toutes leurs forces à lutter misérablement contre les capitalistes pour une réduction des heures de travail ou une augmentation de quelques sous ».
D’Oxfam à Gaël Giraud, de Montebourg à X autre imbécile de gauche, on réclame une « fiscalité plus équitable », des « grandes fortunes qui paient leur juste part d’impôt », on propose de réformer ci et là le capitalisme (et de repeindre le monde industriel en vert), et c’est à peu près tout.
L’immense majorité des « écologistes » d’aujourd’hui se demandent par quels moyens techno-industriels remplacer la production d’énergie fossile (et, parfois, nucléaire), placent leurs espoirs qui dans l’hydrogène vert, qui dans l’éolien, qui dans le photovoltaïque ou l’hydroélectrique. Le fait que le monde qu’ils cherchent à perpétuer repose sur l’esclavage moderne, au même titre que toutes les technologies et industries de production d’énergie dite verte dans lesquelles ils placent leurs espérances, tout cela n’importe pas beaucoup.
Autrement dit la liberté leur importe moins qu’une stabilisation du taux de carbone atmosphérique en vue de préserver l’avenir de la civilisation, ou que le fait de parvenir à un système techno-industriel exploitant le monde de manière soutenable.
(Cela s’explique en partie parce que beaucoup pensent vivre dans une société somme toute relativement libre. On leur dit qu’ils vivent en démocratie, on leur suggère que l’essentiel de ce qui constitue la civilisation industrielle — le salariat, le travail, d’immenses division et spécialisation du travail, la propriété privée, etc. — est comme normal, juste, et ils le croient.)
Tout ça rappelle ce mot attribué à la militante américaine en faveur de l’abolition de l’esclavage des Afro-Américains, antiraciste et féministe, Harriet Tubman : « J’ai libéré un millier d’esclaves, j’aurais pu en libérer mille fois plus si seulement ils avaient su qu’ils étaient esclaves. »
Ceux qui ne voient pas en quoi la situation des humains des temps présents, dans le type d’organisation sociale désormais planétaire qu’on observe, relève encore d’une forme d’esclavage ne s’y opposeront pas. Ils voudront juste s’assurer que cette organisation perdure, se verdisse, et quelques agrémentations de leur condition dans son sein.
(Post de Nicolas Casaux)
Remarques
Pas grand chose à ajouter à ces textes critiques.
Alors que les conditions sociales et les destructions du monde vivant par la civilisation industrielle s’aggravent, une bonne partie de la gauche ne change toujours pas d’objectifs, ni d’analyses, ni donc de stratégies et de tactiques.
Cette gauche là ne semble pas vouloir se rendre compte que le verdissement superficiel (qui souvent ne fait que décaler les problèmes dans le temps ou les déplacer dans l’espace) de la civilisation industrielle ou quelques petites améliorations sociales de plus en plus dures à arracher dans le cadre capitaliste sont une impasse.
Qu’elle veuille agir par étapes et avec des méthodes pacifistes pourquoi pas, mais il serait immensément utile que ça se fasse dans une direction plus conforme à la réalité et aux leçons historiques.
A ce stade, c’est tout simplement une question de survie, pour tout le monde.
Et il y a encore moins de chance que la droite ou l’extrême droite puissent évoluer positivement en changeant radicalement.