Les mouvements irréprochablement pacifiques ne suffiront pas pour faire plier la bourgeoisie et l’État

La bourgeoisie cherche systématiquement à amadouer les mouvements sociaux en mettant en avant le dialogue, la concertation avec les leaders

mardi 24 septembre 2019, par Camille Pierrette.

Extraits de l’article François Bégaudeau : « La bourgeoisie est pour la pérennité de l’ordre existant » (Interview) :

« Contrairement à l’idée souvent véhiculée, une organisation d’inspiration anarchiste ne refuse pas la règle, elle assure juste que les règles soient librement et collectivement établies en fonction du bien commun, lequel tache aussi de prendre en compte les aspirations individuelles. »

[...]

" Je ne crois pas que l’Homme soit bon ou mauvais par nature car je ne crois pas à la nature humaine. Il y a une phrase de Spinoza qui dit « l’Homme est un loup et un Dieu pour l’Homme ». On peut trouver de tout dans l’humanité, une grande capacité de générosité comme une vraie saloperie, et nous avons tous un peu des deux en nous. Nous alternons entre des phases d’altruisme et d’égoïsme. Nous ne sommes ni bons ni mauvais, nous agissons au gré des circonstances. Je perçois l’être humain comme une coquille vide contenant, en puissance, autant le nazisme que Mozart. La véritable question c’est de savoir quel dispositif de vie nous mettons en place pour que ce qui surgisse soit ce qu’il y a de bon en nous. Or, le capitalisme organise la société de telle sorte que c’est davantage l’égoïsme qui nous est profitable, il met en avant la concurrence, la prédation, et crée des situations de vie et de travail qui stimulent nos affects les plus sombres. Ainsi, être anarchiste ne signifie pas croire que l’Homme est bon, mais c’est néanmoins avoir conscience que demeure en lui un certain potentiel de grandeur. "
[...]

« Il est clair que la bourgeoisie est pour la pérennité de l’ordre existant, car c’est un ordre qui l’arrange. Or, la violence politique a toujours pour effet, et souvent pour objectif, la déstabilisation de l’ordre social. C’est la raison pour laquelle la bourgeoisie cherche systématiquement à amadouer les mouvements sociaux en mettant en avant le dialogue, la concertation avec les leaders. Elle aime beaucoup les syndicats comme la CFDT, et donner l’illusion que la décision finale est le fruit d’un consensus et non pas le produit d’une violence institutionnelle qui démantèle les protections sociales à marche forcée. L’absence d’interlocuteurs officiels lors des mouvements des gilets jaunes explique en grande partie la peur qui s’est emparée des dominants, car ils n’avaient plus leurs outils habituels pour désamorcer la colère. Il y a chez le bourgeois une vision de la plèbe qui perdure à travers les siècles : celle d’une masse de sauvages prêts à leur passer la corde au cou. Mais ce mouvement d’embourgeoisement par le rejet de la violence concerne la société tout entière. Tout le monde, y compris moi, à force d’évoluer dans une société hyper protégée, devient hostile à la violence et adopte de ce fait une attitude assez bourgeoise, timide voire apeurée, vis-à-vis de ceux qui font usage de la violence. Ce mouvement de pacification généralisée entrave la possibilité de l’émergence de forces contestataires véritablement efficaces. De ce point de vue, nous sommes nombreux à participer, à des degrés divers, au statu quo social. »
[...]
" Il y a une forme de naïveté politique à penser que des mouvements irréprochablement démocratiques et pacifiques suffiront seuls à faire plier la bourgeoisie et l’État qui la sert. De plus, la bourgeoisie occidentale a principalement délocalisé la violence, en déplaçant notamment les théâtres d’opérations militaires en Afrique et au Proche-Orient ou Moyen-Orient. Mais ce n’est pas parce que cette violence est hors de notre champ de vision immédiat qu’elle n’existe plus. Il faut en faire le constat froid : les mouvements pacifiques comme l’occupation des places, Nuit debout, les « révolutions arabes » ont peu obtenu ; le capitalisme n’a pas tremblé et la bourgeoisie continue d’exploiter la moitié de la planète. Il n’y a que quand on montre les muscles que la bourgeoisie tremble. Inversement, les images de gilets jaunes frappant un policier, ou enfonçant la porte du ministère de Benjamin Griveaux, créent chez les dominants le retour d’une vieille peur, celle de la plèbe insurgée et donc dangereuse. "


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