Le rapport de force en manifestation est trop asymétrique - Rechercher d’autres terrains de résistance et faire grandir les alternatives ?

Loi Sécurité globale : terrorisme d’Etat, le gouvernement et la police distillent la peur

lundi 14 décembre 2020, par Auteurs divers.

La barbarie policière et étatique s’accentue, se dévoile davantage : arrestations arbitraires, matraquages aveugles, atteintes à la liberté la presse, mensonges, manipulations...
Voici plusieurs témoignages et analyses sur le terrorisme d’Etat de samedi 12 décembre, suivis de quelques analyses et perspectives pour faire face à cette situation et pouvoir « risposter ». D’autres voies de lutte que les manifestations et autres situations asymétriques qui sont en défaveur des contestataires ?

Loi Sécurité globale : terrorisme d’Etat, le gouvernement et la police distillent la peur
Le rapport de force en manifestation est trop assymétrique - Rechercher d’autres terrains de résistance et faire grandir les alternatives

MAINTENANT QUE LA BARBARIE EST LÀ ...

– Ce qu’il faut retenir du dernier samedi de mobilisation –

Les libertés partent fumée les unes après les autres, le gouvernement enchaîne les provocations, la police réclame les pleins pouvoirs, et pourtant c’est la sidération qui l’emporte. Le dernier samedi de mobilisation pour les Libertés à Paris a marqué un nouveau cap dans la barbarie. Que faut-il retenir de la manifestation ? Et comment réagir ?

➡️ Plusieurs milliers d’hommes en armes, 5 canons à eau, un dispositif totalitaire pour empêcher une marche contre des mesures liberticides. Qui aurait pu imaginer une telle scène il y a encore quelques années ? Et dès le départ de la manifestation des attaques innombrables, incessantes, sauvages contre toutes les parties du cortège. Banderoles arrachées, coups de matraque au hasard dans les têtes, corps piétinés, os brisés, personnes traînées au sol. La manifestation défilait entre deux rangs de policiers qui tabassaient tout le monde pour faire peur. Une ambiance fasciste.

➡️ Arrestations de masse. Tout au long de la journée, le pouvoir et les médias annonçaient avec gourmandise le nombre d’interpellations. Quasiment 150 à la fin de la journée. Journalistes, avocats, badauds, jeunes ou âgés, hommes et femmes, Gilets Jaunes ou syndicalistes. Aucun motif autre que terroriser. Une rafle. Certains sont encore enfermés. Quand cela se passe en Russie, tout le monde s’en émeut, à juste titre. Mais ici, les médias félicitaient le gouvernement.

➡️ Des blessés par dizaines. Un témoignage qui résume la situation : « en tant que street-medic, on avait jamais vu autant de crânes ouverts que cet après-midi dans Paris... Les flics ont matraqués du début à la fin de la manif tout le monde sans distinction... des images horribles en-tête ». A l’image du joueur de tambour au visage couvert de sang, frappé pour le plaisir.

➡️ Les grands médias prêts pour le fascisme. Pendant que ce qui reste de fiction démocratique s’évaporait, les médias et leurs flics de service s’enthousiasmaient pour « l’efficacité » du maintien de l’ordre, la « réussite » de la police. L’annihilation d’une mobilisation ne provoquait déjà plus grande réaction, mais à présent elle est même saluée sur tous les écrans ! BFM a même parlé de « maquillage » pour évoquer une blessure à la tête par un coup de matraque. La réécriture du réel en direct. Tout est en place pour faire accepter une répression plus terrible encore à la population.

➡️ « Nouveau maintien de l’ordre ». Un syndicaliste policier déclarait sur un plateau que le but était d’arrêter « ceux qui perturbent par geste ou par cri ». Un autre flic, Matthieu Valet, annonçait sur la même chaîne que les charges successives étaient faites pour arrêter non pas des casseurs, puisqu’il n’y avait pas de casse, mais pour : « interpeller les personnes vêtues entièrement de noir ». C’est assumé, revendiqué. « Perturber par cri », donc en chantant un slogan, ou porter du noir peut valoir d’être chargé et arrêté. C’est la continuité de la répression de ces derniers mois, mais nous avons à l’évidence changé de Régime.

➡️ Ni casse, ni « black bloc ». Pendant une semaine, une partie de la gauche et des Gilets Jaunes a réclamé que les « black blocs » soient arrêtés, et n’a parlé que de « casse » plutôt que des attaques liberticides gravissimes. Ce samedi, ces gens ont dÜ être satisfaits. Ni casse, ni « black blocs », mais une violence d’Etat nue, brutale, sans fard. Vous demandiez à l’Etat d’agir contre les « black blocs » ? C’est fait. Etes vous satisfaits ? Car vous êtes coresponsables de la situation. Sommes nous dans le même camp ? Vous aurez aussi constaté qu’il n’y a pas besoin de « casseurs » pour subir une répression atroce. Vous répétiez que la « violence » de manifestants discréditait le mouvement. Pourtant, samedi, sans casse, Darmanin se félicitait de la journée, et revendiquait une « victoire ». Même bilan côté média, un traitement à minima : la presse annonçait à peine 1000 manifestants à Paris. Le fascisme est là, mais au moins, il n’y a pas eu de barricades, alors tout va bien, soyez rassurés.

➡️ Une piste urgente pour ne pas tous finir écrasés : arrêter de reprendre les mots de l’ennemi. Arrêter de vouloir plaire à ceux qui nous répriment. Arrêter de dénoncer les différentes façons de lutter. Construire une force à même de gagner et rester solidaires. Les mobilisations en cours ne seront jamais convenables ou légitimes aux yeux du Régime et de ses médias. Il n’y a rien à attendre, rien à convaincre. Nous n’avons pas à paraître « responsables », « crédibles » ou « sages » pour l’ennemi. Nous devons lui faire peur.

(post de Nantes Révoltée)

Loi Sécurité globale : terrorisme d’Etat, le gouvernement et la police distillent la peur
Le rapport de force en manifestation est trop assymétrique - Rechercher d’autres terrains de résistance et faire grandir les alternatives

Blessures invisibles, les impensées de la répression

- Blessures invisibles, les impensées de la répression (février 2020) - D’innombrables arrestations, des milliers de blessés, et des centaines de personnes traumatisées parmi les manifestants : la violence de la répression policière affecte les corps et les esprits. Ceux qui ne sont pas atteints dans leur chair souffrent aussi, tétanisés par la peur, et voient leur existence bouleversée par les cauchemars ou la paranoïa.
(...)
« Dès que j’entends parler de Steve, ou de violences policières, j’ai la boule au ventre et la larme à l’œil ». Jérémy n’a plus aucune confiance en la police. « Les flics, je les hais maintenant. Clairement. J’ai peur aussi. Peur quand je les croise. Même si j’ai fait le choix de ne pas cacher ce qui m’est arrivé ». Le jeune homme ne comprend pas comment on a pu en arriver là. Une famille brisée et le trauma tenace de dizaines de jeunes. Il évoque un futur tatouage en hommage à Steve. Avec la date. Pour ne pas oublier ? « On ne peut pas oublier de toute façon. C’est ancré ».
(...)
Si la question du trauma était latente chez les militants de longue date, elle a en revanche brutalement fait irruption dans la vie de Gilets Jaunes qui connaissaient peu le terrain des manifestations. Julia, 31 ans, n’avait pas manifesté avant d’enfiler le gilet fluo. La jeune femme est ressortie « choquée » de ses premiers samedis. « On était face à des gens en armure qui nous bloquaient chaque rue. Je vois une femme palpée devant tout le monde, qui pleurait. C’était humiliant. Je me suis dit : "ces gens n’ont aucune pitié" ». Elle a vécu une nasse qui l’a durablement marquée, et se souvient avoir hurlé. La nasse, technique anglo-saxonne appelée kettling (comprenez « bouilloire »), peut être particulièrement traumatisante.
(...)
« J’ai cru qu’on était en guerre. Il faisait nuit, les gaz ne s’arrêtaient pas. On sautait partout pour éviter les projectiles. Je hurlais. Les gens hurlaient. Là, je me suis dit qu’ils voulaient nous faire crever ». Réfugiée dans l’arrière-cour d’un restaurant, elle voit les gens tousser et vomir à tour de rôle. « Le chaos complet. Et le sentiment bizarre de me dire "j’ai échappé à la mort" ». Une expérience traumatisante, qui s’achève par l’arrivée de CRS, avec de nombreux coups de matraque à la clef. « Je ne comprenais pas. J’étais ahurie ».
(...)
« Dans les traumatismes, le facteur aggravant est l’intentionnalité de la violence. Or les Gilets Jaunes ont d’abord vu le policier comme quelqu’un du même corps social, qui pouvait potentiellement les rejoindre. Avant qu’il ne devienne un ennemi, un oppresseur légitimé par le discours de l’État ».
La psychologue constate des traumas liés au maintien de l’ordre. « Quelque chose va arriver qui va nous confronter à la réalité de la mort, au danger de notre intégrité physique ». Typiquement, chaque espace de la répression policière est donc un panier à traumas. Nasse, sensation d’étouffement sous les gaz, impossibilité de fuir, peuvent provoquer la peur de mourir. Lauriane Perez écoute les militants parler d’un choc psychologique dont ils ont à peine conscience avant de venir la voir.
(...)
La question de la souffrance psychique insuffisamment pensée risque donc à terme de desservir les mouvements sociaux, affaiblissant le caractère collectif de la contestation en isolant les individus.
(...)
« Ce qu’ils [les policiers] font, ça ne change rien au niveau des luttes. Les gens sont au contraire encore plus révoltés »

Un journaliste en GAV, son matériel et ses images embarrassantes saisis !

Je suis libre mais privé de mes yeux !
Ils viennent de me relâcher en pleine nuit, ils m’ont supprimé mon téléphone portable et ma caméra avec toutes les preuves et les images que j’ai filmé lors de la manifestation du 12 décembre... J’avais pourtant hâte de vous dévoiler ce qui s’est passé !

ils gardent soi-disant mes cartes SD pour « l’enquête » mais en réalité ils me privent de dévoiler ce que j’ai filmé, car il y a des images compromettantes pour eux. Je demande impérativement la remise de mon matériel pour vous prouver ce qui s’est passé !
Ce que j’ai subi est une atteinte à la liberté la presse !

Merci énormément à David Libeskind
et aux messages de soutien !
Demain je vous raconte tout lors d’une interview pour QG
J’ai vu des choses....
Soutien également à ceux encore en GAV et aux 4 personnes qui étaient pendant plus de 24H avec moi dans cette cellule de 5m²

(post de Adrien AdcaZz)

Loi Sécurité globale : terrorisme d’Etat, le gouvernement et la police distillent la peur
Le rapport de force en manifestation est trop assymétrique - Rechercher d’autres terrains de résistance et faire grandir les alternatives

ARRESTATION ARBITRAIRE : Dissuader ceux qui remettent en cause l’ordre social et policier

Mélanie fait partie des quelques 150 personnes qui ont été placées en garde à vue lors des violentes charges orchestrées par la préfecture de police de Paris contre les manifestant.es, lors de la manifestation « Contre les séparatismes » et « Sécurité globale » du samedi 12 décembre 2020. Au moment où nous écrivons, elle est toujours détenue au commissariat du 19e arrondissement.
Blessée le 20 avril 2019, au cours d’un des actes du mouvement des gilets jaunes, Mélanie a, comme beaucoup d’autres blessés, déposé plainte devant l’IGPN. Et comme pour tous les autres, cette plainte a été classée sans suite par le Parquet de Paris. Elle expliquait au journal de France 2 pourquoi.

Mélanie n’a pas l’intention d’en rester là et décide de porter plainte contre le commandant Dominique Caffin, le CRS réputé pour sa brutalité qui est l’auteur des coups reçus le 20 avril 2019. En Juillet, Libération faisait un papier à propos du CRS violent maintes fois épinglé. (➡ voir article)
Défendue par Arié Alimi, son procès est prévu pour le 15 avril 2021.
L’arrestation de Mélanie lors de la manifestation du 12 décembre ressemble étrangement à une sanction pour « outrecuidance ». Comme d’autres gilets jaunes, Mélanie n’est pas du genre à accepter les verdicts de la justice lorsque ceux-ci entérinent purement et simplement l’impunité des forces de l’ordre. En témoignent son engagement constant depuis 2019 dans un certain nombre de collectifs de blessés par la police (Collectif vies volées, Les mutilé.es pour l’exemple), et sa participation à de très nombreuses rencontres ou émissions de radio aux côtés de l’Assemblée des blessés des Familles et des Collectifs contre les Violences Policières ou encore du collectif Désarmons-les, dont l’un des membres, Ian B, vient d’écoper de huit mois de prison ferme (soit une peine extrêmement lourde eu égard à la fragilité des preuves apportées). Sans compter l’investissement très important de Mélanie au sein du groupe des Réfractaires du 80, qui a été un des fers de lance de la lutte des gilets jaunes dans les Hauts de France. Le 4 décembre dernier, avec trois autres membres des Réfractaires du 80, Mélanie a assisté au procès d’Aurélien et de Jérémy, deux membres du groupe qui ont eux aussi pris très cher, en termes de mépris social et de peines infligées. Mélanie est alors photographiée à de nombreuses reprises par un gendarme, en dépit des protestations de ses camarades.

Si on accepte l’hypothèse que la police est venue « faire son marché » lors de la manifestation parisienne du 12 décembre, il est à parier que cette forte tête ait été délibérément ciblée, l’objectif étant d’intimider durablement, d’humilier, et finalement de dissuader ceux et celles qui ont eu l’audace de contester l’ordre social et policier et de s’opposer de toutes leurs forces aux dérives autoritaires qui caractérise aujourd’hui l’État français. L’acharnement dont Mélanie est l’objet est inacceptable : blessée une première fois dans son corps, elle est maintenant enfermée pour un temps indéterminé, le temps sans doute d’évaluer si elle ne pourrait pas, sur la base de faux en écriture publique, être inculpée.

(post de Cerveaux non disponibles)

Loi Sécurité globale : terrorisme d’Etat, le gouvernement et la police distillent la peur
Le rapport de force en manifestation est trop assymétrique - Rechercher d’autres terrains de résistance et faire grandir les alternatives

« Loi Sécurité Globale : comment le Gouvernement instille la peur de manifester »

14 DÉCEMBRE 2020 | PAR LAURE.EXCOFFON

« Tu m’excuseras mais cette fois je te lâche », « Vu comme c’était la dernière fois, je préfère ne pas venir à celle-ci », « Ah non désolée, je tiens à la vie ». Ce sont les messages que j’ai reçus en demandant à mes amis s’ils m’accompagnaient à la manifestation du 12 décembre contre la loi Sécurité Globale.

« Tu m’excuseras mais cette fois je te lâche », « Vu comme c’était la dernière fois, je préfère ne pas venir à celle-ci », « Ah non désolée, je tiens à la vie ». Ce sont les messages que j’ai reçus en demandant à mes amis s’ils m’accompagnaient à la manifestation du 12 décembre contre la loi Sécurité Globale.
En arrivant sur la place Châtelet, je me suis demandée si ce n’était pas eux qui avaient raison. Le dispositif policier était impressionnant, j’ai été contrôlée trois fois simplement pour accéder à la place, contrainte à chaque fois d’exposer le contenu de mon minuscule sac à main comme si je risquais d’y cacher une batte de baseball.
J’ai toujours été assez intéressée par la politique. Née et élevée dans une famille de syndicalistes, bien à gauche, j’ai été de toutes les manifs, gamine, courant à travers les manifestants, portant les pancartes et chantant les slogans sans les comprendre. Puis je suis arrivée au lycée, j’ai marché en province contre la loi Travail, cette fois je comprenais ce contre quoi je manifestais. Cette année, c’est la Loi Sécurité Globale. Je suis adulte maintenant, et il n’y a plus d’enfants dans les manifestations. Quel fou voudrait amener son gamin dans un rassemblement pacifique ? Parce que c’est bien ce que ces manifestations sont, malgré les milliers de policiers mobilisés pour les encadrer.

Dans la manifestation, on chante, on danse, mais on s’inquiète aussi, beaucoup. On entend des détonations à l’avant, sans trop savoir ce qui se passe. On jette un regard inquiet sur la lance à eau déployée en fin de cortège. Il y a des gardiens de la paix, pardon, des forces de l’ordre de tous les côtés, qui nous encadrent consciencieusement, qui font arrêter et repartir la marche, imposant leur rythme. On se demande ce qu’on va prendre cette fois. On se demande si on va encore étouffer dans les lacrymos. Le 28 novembre, c’était la première fois que j’en inhalais. J’ai eu mal, j’ai pleuré, et j’ai appris ma leçon. Je n’aurais pas dû aller à l’avant du cortège, c’est vrai, après tout c’est là que sont les casseurs. Le 5 décembre, je me mettais au milieu. Encore plus de lacrymos, des bousculades, la sensation d’étouffer, se raccrocher à son pote pour ne pas le perdre, et aussi parce qu’on ne veut surtout pas se retrouver tout seul. Le 12, il n’est pas venu, et moi j’avais du sérum physiologique dans les poches, parce que pour la première fois de ma vie, j’avais la boule au ventre avant d’aller en manif. J’avais peur de me faire arrêter, de me faire embarquer, d’inquiéter mes parents qui sont si loin et qui, s’ils approuvent mon engagement, restent inquiet pour leur petite fille.

Cette fois je suis rentrée entière. Mais je ne devrais même pas avoir besoin de l’écrire. En France, en 2020, on est obligé d’envoyer un SMS à ses parents pour leur dire qu’on va bien après une manifestation, parce que ce n’est jamais sûr. Parce qu’ils embarquent des avocats, des journalistes, et puis moi je suis fille de prof, et est-ce que c’est pas un peu synonyme de Black Block ?

Alors non, ce n’est pas facile d’avoir 20 ans ou 21 en 2020. Parce que nous vivons une épidémie d’une ampleur catastrophique et qu’on ne peut plus ni aller en cours ni garder un travail. Mais surtout parce qu’avoir 21 ans en 2020, c’est se demander si on va en passer soixante dans un État autoritaire, et combien d’yeux on aura pour fêter le Nouvel An. C’est se demander si on peut vraiment pardonner les policiers, qui reçoivent des ordres ineptes, quand ils les mettent en œuvre avec autant de zèle et aussi peu de discernement. C’est se demander si on aurait vraiment eu un résultat différent en votant le Pen le jour de nos 18 ans. C’est surtout se demander si écrire ce billet, ce n’est pas condamner son rêve de carrière dans le service public parce qu’apparemment maintenant, on peut être fiché pour ses opinions politiques. Vous me direz, je suis enfant de syndicaliste, je suis déjà fichée. À quoi je m’attendais ? À grandir dans un État démocratique, dans lequel la liberté de la presse et de manifester sont respectées ? Quelle idée, la Patrie des Droits de l’Homme, ce n’est que sur le papier.

(source : Loi Sécurité Globale : comment le Gouvernement instille la peur de manifester »)

  • Révoltes en Kanaky : la gendarmerie tire à balle réelle sur les protestataires kanaks - Quelques semaines après un référendum sur l’indépendance très serré et alors que la société Vale a annoncé la vente de son usine de Nickel de Goro à un consortium calédonien et internationale, la gendarmerie a ouvert le feu sur des protestataires kanaks aux abords de l’usine.
  • CONTRE LA REPRESSION : REFLEXES INDISPENSABLES ET NOTIONS A SAVOIR - En France, la répression a atteint un stade inquiétant, qui doit tous et toutes nous alarmer. Le fichage est élargi, la surveillance est massive, la garde à vue est devenue banale et répandue contre n’importe qui. Les arrestations de militants ou de manifestants sont réalisées en masse, avec de moins en moins de motifs d’interpellation. Le pouvoir se dote d’un arsenal juridique de plus en plus important pour surveiller, traquer, enfermer et punir. La répression judiciaire est tout aussi inquiétante avec une multiplication des condamnations.
    En général, la police procède à une interpellation puis cherche des éléments à charge. C’est le cas pour les manifestations, mais aussi pour les jeunes de quartiers populaires. Le déroulement des gardes à vue est très éloquent : la GAV est faite pour récolter des éléments à charge, et non pour établir la vérité. L’Etat s’attaque à des ennemis, et non à des auteurs de faits délictueux. Selon le contexte politique, ces ennemis peuvent être la jeunesse immigrée, les “blacks blocks”, les musulmans, les Rroms, les antispécistes… N’avoir rien fait ne protège pas de la répression. “Je n’ai rien à me reprocher” n’a aucun sens en face d’un tel système répressif. (...)

(complément à lire) AU DELÀ DES MANIFESTATIONS. EXTRAITS :


...Toute attaque qui ne cause pas des dommages sérieux au système au point de l’empêcher de s’adapter le rend plus fort, et donc nous éloigne collectivement des chances de réussite !

(...) Même si elles permettent de montrer la force d’un mouvement, de se réunir, se retrouver, échanger, et peuvent inciter davantage de monde à le rejoindre tout en faisant passer divers messages à la population, aux forces de l’ordre et aux dirigeants, les manifestations ne causent pas franchement de dommages sérieux au système, du moins dans sa structure. Les dirigeants connaissent et maîtrisent trop bien ce terrain.
Le seul point faible vraiment atteignable lors d’une manifestation est l’image du gouvernement et toutes les valeurs du système en portant un message qui lui nuise et soit relayé massivement ou en montrant au grand jour ses côtés les plus malveillants pour créer de l’indignation, et donc mobiliser.
Nous ne nions pas l’importance de la diffusion d’un tel message, les manifestations doivent faire partie de l’arsenal des moyens d’action des écologistes. Ce que nous remettons en question, c’est la tentation (compréhensible) de transformer la manifestation en champ de bataille. Ce sera une bataille systématiquement perdue.
Si, d’un point de vue stratégique, la manifestation a un intérêt existant, mais limité, pourquoi est elle la méthode quasi systématiquement utilisée ?
Nous pensons que cela est dû à un imaginaire erroné de la lutte sociale, où la manifestation, et les actions de masse en général, aurait un rôle absolument central.
(...)
Finalement, nous défendons l’idée qu’il faut renforcer l’archipel des résistances : une diversité des formes de résistance qui se complètent pour créer un ensemble cohérent.
Plutôt que d’appliquer une recette toute faite, se basant sur un répertoire limité d’action, la résistance doit s’adapter au contexte dans lequel elle évolue et aux objectifs qu’elle poursuit en prenant les formes les plus adéquates pour réussir. Les militants doivent être flexibles, comme l’eau qui s’adapte en fonction du récipient qui la contient, c’est un principe élémentaire présenté dans l’ouvrage « l’Art de la guerre » de Sun Tzu.
Parmi les stratégies qui composent la palette du militant, une nous semble être tombée aux oubliettes. Elle peut être résumée ainsi : éviter les points forts, attaquer les points faibles.
(...)
Dans un archipel de résistance équilibré, la confrontation efficace au système en place est fondamentale. Elle n’est pour autant pas suffisante. Les alternatives aux systèmes doivent déjà être initiées pour espérer créer un changement profond. ... "
(...)
Le développement des alternatives :
" Un effondrement sociétal est fort probable, nous sommes même de l’avis qu’il est souhaitable.
Les États, tel que nous les connaissons n’existent que par et pour la croissance et les énergies fossiles. Maintenir une organisation d’une telle taille et contrôler et synchroniser des millions d’êtres humains n’est possible que grâce (à cause ?) des énergies fossiles.
Pour éviter que le vide politique laissé par l’effondrement du pouvoir central ne mène à des structures autoritaires et archaïques, et pour s’assurer qu’il apporte des changements profonds, il est nécessaire de recréer de l’autogestion locale et décentralisée dans les territoires.
De plus, il faut s’attendre que la fin plus ou moins des ressources fossiles mène à la fin des échanges mondiaux des biens et services. D’où l’intérêt de développer l’autonomie, la résilience et l’autogestion locale et territoriale dans tous les domaines (alimentaire, habitat, économie, politique, social).
Enfin, il ya fort à parier que les chocs économiques, politiques et environnementaux à venir touchent en priorité les personnes déjà précarisées. Ces initiatives locales doivent servir de refuge pour les victimes de ces futurs chocs, en leur permettant de subvenir à leurs propres besoins.
Résistance et alternative, deux faces d’une même pièce
Le développement d’alternatives et la résistance doivent avancer ensemble, se soutenir et se nourrir l’un et l’autre, sans forcément agir sur les mêmes terrains et au même endroit.
Parce que sans résistance, le développement de la résilience sera entravé par le système qui réprimera et détruira les alternatives pour poursuivre son projet mortifère. Mais sans expérimentation et sans projet alternatif, la résistance risque de ne jamais aboutir à des améliorations et ne pourra pas tenir dans la durée.
Ce texte ne fait qu’apporter des propositions sur le plan stratégique et tactique, qui sont discutables. Ce qui est certain, c’est qu’à l’heure actuelle, les mobilisations sociales et écologistes sont face à une impasse, et que le temps est compté.
Il faudra se battre pour gagner, se régénérer, soi, les autres et la vie sur Terre. "

- Texte en entier : Au delà des manifestations

  • Viralité : « La question de la révolution est maintenant une question d’évolution », Sonali Gupta & June Elliott - Cet article nous vient des États-Unis et tente un exercice périlleux mais réussi : il effectue une étude poussée de la viralité au sens biologique pour en tirer des analyses politiques en lien avec le soulèvement qui a suivi l’assassinat de Georges Floyd. En prenant le virus « par delà le bien et le mal », par le biais de la biologie, il montre comment le parcours d’un virus se rapproche de celui de la contagion politique. Avec une intuition, au coeur du texte, selon laquelle « La question de la révolution est maintenant une question d’évolution ». Bonne lecture.

Forum de l’article

|

  • Le rapport de force en manifestation est trop asymétrique - Rechercher d’autres terrains de résistance et faire grandir les alternatives ? Le 9 janvier 2021 à 11:44, par Camille Z

    énième ajout de flics surarmés pour réprimer toujours plus :

    🔴 DES « SUPER-CRS » POUR ANÉANTIR ENCORE PLUS VIOLEMMENT LES CONTESTATIONS

    - Bataillon spécial de cogneurs, 4×4, primes et disponibilité permanente -

    C’est la dernière trouvaille d’un gouvernement haïssable en tous points : la création d’une nouvelle « unité spéciale » disponible 24H sur 24 et 7 jours sur 7 pour aller tabasser n’importe quel mouvement social, partout sur le territoire et en un temps record. 200 individus transformés en bêtes à frapper dressées pour réprimer en se déplaçant dans des super 4x4 capables de « traverser les barricades » et se mettre en route au bout de 15 minutes seulement. Évidemment, ces super-keufs auraient des grosses primes et des moyens illimités. Cette invention dystopique est baptisée « Force d’Appui Rapide », – FAR – et sera disponible dès l’été prochain. Ce gouvernement d’incapables et de médiocres aura au moins su déployer des moyens et une imagination phénoménale pour perfectionner les moyens d’écraser la population.

    Il y a 20 ans, Sarkozy créait des « Compagnies d’Intervention », les policiers à bandes bleues, ultra-violents, responsables de la plupart des mutilations. Un mélange entre la BAC et les CRS, prêts à attaquer n’importe quel groupe gênant. Ces Compagnies d’Intervention sont aujourd’hui mises en cause dans d’innombrables affaires de violences, et pour des trafics mafieux en banlieue parisienne. En 2016, l’antiterrorisme servait de prétexte au gouvernement de créer des « sections de protection et d’intervention de 4e génération » – SPI4G –, unités de CRS militarisés avec des armes lourdes, qu’on a rapidement vu roder près des manifs, et même menacer des cortèges.

    Fin 2018, c’était les DAR – Détachements d’Action Rapide – chargés de massacrer les Gilets Jaunes, vite remplacés par les BRAV – des policiers à moto, remake des « voltigeurs » qui avaient tué Malik Oussekine en 1986, mais en beaucoup plus brutaux et équipés. Dans le même temps, les grenades, balles en caoutchouc et autres armes mutilantes ont été distribuées de plus en plus largement. Une militarisation accélérée de la police.

    Les « Forces d’Appui Rapides » seront donc un joujou supplémentaire dans le musée des horreurs répressives dont disposent les irresponsables au pouvoir. Il faut y ajouter les commandes de drones, de blindés et d’armes qui ont été lancées récemment par Macron. Le pouvoir serait-il anxieux pour l’année qui vient ? Il y a de quoi.

    Nous apprenons en même temps que le fichage généralisé de la population – engagements, santé, religion, etc … – va être mis en œuvre, que « l’Etat d’urgence sanitaire » est prolongé de plusieurs mois, que le couvre-feu à 18H est étendu, sans oublier, bien sûr, la Loi de sécurité globale. Nous sommes dans une course contre la montre : d’un côté, la colère monte partout et la cocotte minute risque d’exploser, de l’autre, les gouvernants se préparent en militarisant leurs moyens de répression et en modifiant le Régime politique pour l’amener au bord de la dictature. Qui gagnera cette course ? Réponse dans les prochains mois.

    (post de Nantes Révoltée)

    Répondre à ce message

  • Le rapport de force en manifestation est trop asaymétrique - Rechercher d’autres terrains de résistance et faire grandir les alternatives ? Le 16 décembre 2020 à 16:09, par Auteurs divers

    « ESSAYEZ LA DICTATURE » : CHRONIQUE DE L’ÉTAT POLICIER

    – Le mot "pingouin" est-il un "outrage à agent ? –

    Les décrets liberticides et la répression massive des manifestations sont spectaculaires, mais il y a aussi, partout sur le territoire, chaque jour, des « petites » affaires en disent long sur la façon dont le bas s’enfonce inexorablement dans un Régime policier.

    ➡️ « PINGOUINS »
    Un habitant du département de la Loire a été contrôlé par des gendarmes sur la route il y a quelques semaines. En rentrant chez lui, il publie un petit statut sur Facebook pour dire qu’il y a « des pingouins sur le rond-point ». Un message totalement anodin, à peine ironique, publié sur les réseaux sociaux. C’était sans compter sur le délire répressif actuel : les gendarmes vont remonter son profil, relever les publications et le convoquer au commissariat. Cet homme est finalement poursuivi pour « outrage et diffamation » ! Et jugé devant un tribunal le 22 mars prochain.
    L’amicale des pingouins s’indigne d’être associée à des individus aussi malsains.

    ➡️ CONVOQUÉ POUR LE DESSIN D’UNPUTÉ
    François a 54 ans, il est professeur. Il est convoqué au commissariat ce jeudi. Pourquoi ? Il a diffusé sur Twitter un simple dessin. Oui, un dessin. Il s’agit du portrait dessiné du député de sa circonscription, Jacques Le Maire. 31 auteurs et autrices de bande dessinée avaient publié les portraits des députés qui ont voté la « loi de sécurité globale ». Juste ça. Une idée en dessin, une information publique : un vote d’une loi liberticide par des élus sensés rendre des comptes. Le député en question figurant sur le dessin a porté plainte. Et la police a suivi.
    François risque donc d’être poursuivi pour avoir relayé une image sur internet.

    La liberté d’expression est à l’agonie. Les caricatures et les blagues ne sont autorisées que pour se moquer des musulmans, des pauvres, des opposants. Elles sont en revanche interdites si elles visent les riches, les puissants, le pouvoir. Le goût poisseux de la dictature qui vient.

    (post de Nantes Révoltée)

    MOIGNAGE : MÉLANIE, 3 JOURS EN CELLULE POUR UN PARAPLUIE

    ➡️Parmi les dizaines de personnes raflées lors des dernières manifestations contre la sécurité globale, Mélanie, une jeune femme qui avait été tabassée et blessée pendant le mouvement des Gilets Jaunes, et qui, depuis, s’engage contre les violences d’Etat aux côtés du collectif des « mutilés pour l’exemple ».

    ➡️Mélanie est accusée d’avoir tenu un parapluie multicolore samedi à Paris. Elle est restée 72H en cellule pour cela. Derrière les policiers enragés qui l’ont arrêtée, il y en a d’autres qui l’ont enfermée, interrogée, et des magistrats qui ont reconduit sa garde à vue en toute connaissance de cause. Mélanie est sortie ce mardi, sans poursuite. Il s’agit d’un enfermement punitif et extrajudiciaire pour briser. Une pratique qui devient courante.

    ➡️Bouleversée en sortie de Garde à Vue, Mélanie a témoigné auprès de David Dufresne. Elle explique ce qu’elle a vécu, et affirme qu’elle refuse de céder aux intimidations et continuera à tenir la rue. La persécution qui vise Mélanie rappelle beaucoup une affaire à Nantes : une manifestante enfermée 50H, accusée « d’association de malfaiteurs » et mise en examen pour avoir transporté des parapluies en septembre 2019. Ce pouvoir est fou et dangereux.

    (post de Nantes Révoltée)

    Note : ce pouvoir est effectivement dangereux, mais il n’est pas fou, il applique méthodiquement et froidement des mesures de répressions planifiées, une coercition prétentive calculée et assumée, une répression industrielle organisée qui vise à la fois les collectifs révoltés comme tout individu s’écartant légèrement de l’Ordre en place.

    Répondre à ce message

  • Le rapport de force en manifestation est trop assymétrique - Rechercher d’autres terrains de résistance et faire grandir les alternatives ? Le 15 décembre 2020 à 22:35, par Auteurs divers

    « La république... quelle république ? » Un dégoût profond pour cette république moribonde.

    Elle est longue cette lettre de Mateo, étudiant de 21 ans, adressée à son professeur, mais tellement forte et belle, que nous nous y sommes plongé.es avec une boule à la gorge...

    « Bonjour Monsieur,
    Ce mail n’appelle pas nécessairement de réponse de votre part, je cherchais simplement à écrire mon désarroi. Ne sachant plus à qui faire part du profond mal-être qui m’habite c’est vous qui m’êtes venu à l’esprit.
    Même si cela remonte à longtemps, l’année que j’ai passée en cours avec vous a eu une influence déterminante sur les valeurs et les idéaux qui sont aujourd’hui miens et que je tente de défendre à tout prix, c’est pour cela que j’ai l’intime conviction que vous serez parmi les plus à même de comprendre ce que j’essaye d’exprimer.
    Ces dernières semaines ont eu raison du peu d’espoir qu’il me restait. Comment pourrait-il en être autrement ? Cette année était celle de mes 21 ans, c’est également celle qui a vu disparaître mon envie de me battre pour un monde meilleur.
    Chaque semaine je manifeste inlassablement avec mes amis et mes proches sans observer le moindre changement, je ne sais plus pourquoi je descends dans la rue, il est désormais devenu clair que rien ne changera. Je ne peux parler de mon mal-être à mes amis, je sais qu’il habite nombre d’entre eux également.
    Nos études n’ont désormais plus aucun sens, nous avons perdu de vue le sens de ce que nous apprenons et la raison pour laquelle nous l’apprenons car il nous est désormais impossible de nous projeter sans voir le triste futur qui nous attend.
    Chaque semaine une nouvelle décision du gouvernement vient assombrir le tableau de cette année. Les étudiants sont réduits au silence, privés de leurs traditionnels moyens d’expression.
    Bientôt un blocage d’université nous conduira à une amende de plusieurs milliers d’euros et à une peine de prison ferme.
    Bientôt les travaux universitaires seront soumis à des commissions d’enquêtes par un gouvernement qui se targue d’être le grand défenseur de la liberté d’expression.
    Qu’en est-il de ceux qui refuseront de rentrer dans le rang ?
    Je crois avoir ma réponse.
    Samedi soir, le 5 décembre, j’étais présent Place de la République à Paris.
    J’ai vu les forces de l’ordre lancer à l’aveugle par-dessus leurs barricades anti-émeutes des salves de grenades GM2L sur une foule de manifestants en colère, habités par une rage d’en découdre avec ce gouvernement et ses représentants.
    J’ai vu le jeune homme devant moi se pencher pour ramasser ce qui ressemblait à s’y méprendre aux restes d’une grenade lacrymogène mais qui était en réalité une grenade GM2L tombée quelques secondes plus tôt et n’ayant pas encore explosée.
    Je me suis vu lui crier de la lâcher lorsque celle-ci explosa dans sa main.
    Tout s’est passé très vite, je l’ai empoigné par le dos ou par le sac et je l’ai guidé à l’extérieur de la zone
    d’affrontements.
    Je l’ai assis au pied de la statue au centre de la place et j’ai alors vu ce à quoi ressemblait une main en charpie, privée de ses cinq doigts, sorte de bouillie sanguinolente.
    Je le rappelle, j’ai 21 ans et je suis étudiant en sciences sociales, personne ne m’a appris à traiter des blessures de guerre.
    J’ai crié, crié et appelé les street medics à l’aide.
    Un homme qui avait suivi la scène a rapidement accouru, il m’a crié de faire un garrot sur le bras droit de la victime.
    Un garrot… Comment pourrais-je avoir la moindre idée de comment placer un garrot sur une victime qui a perdu sa main moins d’une minute plus tôt ?
    Après quelques instants qui m’ont paru interminables, les street medics sont arrivés et ont pris les choses en main.
    Jamais je n’avais fait face à un tel sentiment d’impuissance. J’étais venu manifester, exprimer mon mécontentement contre les réformes de ce gouvernement qui refuse de baisser les yeux sur ses sujets qui souffrent, sur sa jeunesse qui se noie et sur toute cette frange de la population qui suffoque dans la précarité.
    Je sais pertinemment que mes protestations n’y changeront rien, mais manifester le samedi me permet de garder à l’esprit que je ne suis pas seul, que le mal-être qui m’habite est général. Pourtant, ce samedi plutôt que de rentrer chez moi heureux d’avoir revu des amis et d’avoir rencontré des gens qui gardent espoir, je suis rentré chez moi dépité, impuissant et révolté.
    Dites-moi Monsieur, comment un étudiant de 21 ans qui vient simplement exprimer sa colère la plus légitime peut-il se retrouver à tenter d’installer un garrot sur le bras d’un inconnu qui vient littéralement de se faire arracher la main sous ses propres yeux, à seulement deux ou trois mètres de lui.
    Comment en suis-je arrivé là ? Comment en sommes-nous arrivés là ?
    Je n’ai plus peur de le dire. Aujourd’hui j’ai un dégoût profond pour cette République moribonde.
    Les individus au pouvoir ont perverti ses valeurs et l’ont transformée en appareil répressif à la solde du libéralisme.
    J’ai développé malgré moi une haine profonde pour son bras armé qui défend pour envers et contre tous ces hommes et ces femmes politiques qui n’ont que faire de ce qu’il se passe en bas de leurs châteaux.
    J’ai toujours défendu des valeurs humanistes et pacifistes, qui m’ont été inculquées par mes parents et desquelles j’ai jusqu’ici toujours été très fier.
    C’est donc les larmes aux yeux que j’écris ceci mais dites-moi Monsieur, comment aujourd’hui après ce que j’ai vu pourrais-je rester pacifique ?
    Comment ces individus masqués, sans matricules pourtant obligatoires peuvent-ils nous mutiler en toute impunité et rentrer chez eux auprès de leur famille comme si tout était normal ?
    Dans quel monde vivons-nous ?
    Dans un monde où une association de policiers peut ouvertement appeler au meurtre des manifestants sur les réseaux sociaux, dans un monde où les parlementaires et le gouvernement souhaitent renforcer les pouvoirs de cette police administrative qui frappe mutile et tue.
    Croyez-moi Monsieur, lorsque je vous dis qu’il est bien difficile de rester pacifique dans un tel monde…
    Aujourd’hui être français est devenu un fardeau, je suis l’un de ces individus que l’Etat qualifie de « séparatiste », pourtant je ne suis pas musulman, ni même chrétien d’ailleurs.
    Je suis blanc, issu de la classe moyenne, un privilégié en somme…
    Mais quelle est donc alors cette religion qui a fait naître en moi une telle défiance vis-à-vis de l’Etat et de la République ?
    Que ces gens là-haut se posent les bonnes questions, ma haine pour eux n’est pas due à un quelconque endoctrinement, je n’appartiens à l’heure actuelle à aucune organisation, à aucun culte « sécessioniste ».
    Pourtant je suis las d’être français, las de me battre pour un pays qui ne veut pas changer.
    Le gouvernement et les individus au pouvoir sont ceux qui me poussent vers le séparatisme.
    Plutôt que de mettre sur pied des lois visant à réprimer le séparatisme chez les enfants et les étudiants qu’ils s’interrogent sur les raisons qui se cachent derrière cette défiance.
    La France n’est plus ce qu’elle était, et je refuse d’être associé à ce qu’elle représente aujourd’hui.
    Aujourd’hui et malgré moi je suis breton avant d’être français. Je ne demanderais à personne de comprendre mon raisonnement, seulement aujourd’hui j’ai besoin de me raccrocher à quelque chose, une lueur, qui aussi infime soit-elle me permette de croire que tout n’est pas perdu.
    Ainsi c’est à regret que je dis cela mais cette lueur je ne la retrouve plus en France, nous allons au-devant de troubles encore plus grands, le pays est divisé et l’antagonisme grandit de jour en jour.
    Si rien n’est fait les jeunes qui comme moi chercheront une sortie, un espoir alternatif en lequel croire, quand bien même celui-ci serait utopique, seront bien plus nombreux que ne l’imaginent nos dirigeants.
    Et ce ne sont pas leurs lois contre le séparatisme qui pourront y changer quelque chose.
    Pour certains cela sera la religion, pour d’autre comme moi, le régionalisme.
    Comment pourrait-il en être autrement quand 90% des médias ne s’intéressent qu’aux policiers armés jusqu’aux dents qui ont été malmenés par les manifestants ?
    Nous sommes plus de 40 heures après les événements de samedi soir et pourtant je n’ai vu nulle part mentionné le fait qu’un manifestant avait perdu sa main, qu’un journaliste avait été blessé à la jambe par des éclats de grenades supposées sans-danger.
    Seul ce qui reste de la presse indépendante tente encore aujourd’hui de faire la lumière sur les événements terribles qui continuent de se produire chaque semaine.
    Soyons reconnaissants qu’ils continuent de le faire malgré les tentatives d’intimidation qu’ils subissent en marge de chaque manifestation.
    Je tenais à vous le dire Monsieur, la jeunesse perd pied.
    Dans mon entourage sur Paris, les seuls de mes amis qui ne partagent pas mon mal-être sont ceux qui ont décidé de fermer les yeux et de demeurer apolitiques.
    Comment les blâmer ? Tout semble plus simple de leur point de vue. Nous sommes cloîtrés chez nous pendant que la planète se meurt dans l’indifférence généralisée, nous sommes rendus responsables de la propagation du virus alors même que nous sacrifions nos jeunes années pour le bien de ceux qui ont conduit la France dans cette impasse.
    Les jeunes n’ont plus l’envie d’apprendre et les enseignants plus l’envie d’enseigner à des écrans noirs.
    Nous sacrifions nos samedis pour aller protester contre ce que nous considérons comme étant une profonde injustice, ce à quoi l’on nous répond par des tirs de grenades, de gaz lacrymogènes ou de LBD suivant les humeurs des forces de l’ordre.
    Nous sommes l’avenir de ce pays pourtant l’on refuse de nous écouter, pire, nous sommes muselés. Beaucoup de choses ont été promises, nous ne sommes pas dupes.
    Ne gaspillez pas votre temps à me répondre. Il s’agissait surtout pour moi d’écrire mes peines. Je ne vous en fait part que parce que je sais que cette lettre ne constituera pas une surprise pour vous. Vous êtes au premier rang, vous savez à quel point l’abîme dans laquelle sombre la jeunesse est profond.
    Je vous demanderai également de ne pas vous inquiéter. Aussi sombre cette lettre soit-elle j’ai toujours la tête bien fixée sur les épaules et j’attache trop d’importance à l’éducation que m’ont offert mes parents pour aller faire quelque chose de regrettable, cette lettre n’est donc en aucun cas un appel au secours.
    J’éprouvais seulement le besoin d’être entendu par quelqu’un qui je le sais, me comprendra.
    Matéo »

    (sur Coopération des luttes)

    Répondre à ce message

  • Le rapport de force en manifestation est trop assymétrique - Rechercher d’autres terrains de résistance et faire grandir les alternatives ? Le 15 décembre 2020 à 22:24, par Auteurs divers

    NANTES : NASSE, GAZ ET CANON À EAU EMPÊCHENT LA MARCHE DES LIBERTÉS

    Des violences policières atroces se suivent dans l’impunité. Les manifestations sont écrasées. Des lois et décrets dignes de dictatures sont imposés. La police manifeste tous les jours pour réclamer le droit de tirer. Dans cette ambiance pré-fasciste, la priorité de certaines organisations n’est pas de résister, mais de maintenir l’ordre. Ce qui s’est passé ce mardi soir à Nantes est un cas d’école.

    Depuis trois semaines, la mobilisation est massive pour les libertés à Nantes avec jusqu’à 10 000 personnes dans les rues. Pourtant, le collectif "contre la sécurité globale" local rechigne depuis le début à appeler à la mobilisation. Absence de défilés les samedis, parcours trop courts et verrouillés. Fin de manif sur l’île de Nantes pour permettre à la police de bloquer les ponts sur demande du préfet ... La semaine dernière, ce collectif a même diffusé un communiqué dont le seul message était de « dénoncer fermement les violences ». Pas celles de la police, mais celles des manifestants. En conséquence : pas d’appel à manifester samedi dernier, alors que toute les villes de France étaient mobilisées. Pour faire bonne figure, un rendez-vous était fixé ce mardi à 17H30.

    Un rendez-vous en forme de traquenard. Devant la Préfecture, le camion syndical appelle à « se disperser » dès 18H, et annonce que, finalement, la manifestation contre la sécurité globale n’aura pas lieu. Au même moment, un cortège « pour la culture » rejoint le point de rendez-vous. Musique, flambeaux, et bonne ambiance. L’occasion de partir en défilé ? Absolument pas. Le slogan entonné : « Oui oui oui à la culture, non non non à la violence ». La violence supposée des manifestants, évidemment.

    Un véhicule crachant de la musique se met alors en travers de la rue, empêchant un éventuel départ en manif. Et hausse le son lorsqu’une grappe de manifestants tente malgré tout d’initier un départ. Après de longues minutes de sidération, quelques centaines de jeunes tentent d’avancer. Et sont immédiatement visés par de grandes quantités de grenades lacrymogènes sans sommation. Le message est clair : rien d’autre qu’un "rassemblement statique" ne sera toléré. A peine le temps de reculer, les camions syndicaux ont disparu. Et une énorme nasse s’est refermée. De tous les côtés : lignes de forces de l’ordre, matraques, boucliers, et même un canon à eau. Les policiers bien plus nombreux que les manifestants ! Et au dessus des têtes, le bourdonnement d’un hélicoptère. Délirant.
    Le rendez-vous se révèle être un piège, une souricière. Au moindre déplacement, des grenades sur les groupes restants. Qui se retrouvent à errer sur quelques dizaines de mètres, entre les gaz et le jet d’eau. Les organisations officielles sont déjà loin. Mais selon nos sources, elles ont été reçues en préfecture quelques heures plus tôt...

    Des arrestations préventives, une répression démesurée et gratuite, une manifestation anéantie avant même d’avoir pu commencer. Tout le monde contrôlé et fouillé pour pouvoir sortir de la nasse. Et surtout, un fort sentiment d’humiliation. Mais les organisations sont sans doute satisfaites : il n’y a pas eu de « violences ». Tout s’est « bien passé ». Pour les autorités en tout cas.
    C’est une nette évolution dans l’histoire des mobilisations locales : les organisations de gauche ont objectivement co-construit une nasse avec la Préfecture, alors même que la surenchère autoritaire est sans précédent.

    Pendant que l’extrême droite se radicalise et la police fait corps, avec des protestations sauvages et des revendications toujours plus dures, ce qui reste de la gauche est tétanisé. Et pire : tente de saboter ce qui reste de vitalité sociale. C’est aussi ce qui s’est passé samedi à Paris, avec le refus d’appeler à une manifestation de la part des organisations "contre la sécurité globale". Construire de larges fronts pour résister efficacement avant qu’il ne soit trop tard semble vital.

    (post de Nantes Révoltée)

    Répondre à ce message

  • Le rapport de force en manifestation est trop assymétrique - Rechercher d’autres terrains de résistance et faire grandir les alternatives ? Le 15 décembre 2020 à 21:57, par Auteurs divers

    Un manifestant doit verser plus de 82 000 € pour un pétard putatif !

    - Une bombe judiciaire à retardement Infortunes d’un manifestant face à une répression qui prend son temps
    En 2016, Max a participé à un blocage contre la loi Travail. Ce jour-là, il est interpellé pour un pétard qu’il n’a pas lancé. La presse s’en mêle, la machine répressive s’emballe et dix policiers se plaignent opportunément d’acouphènes. S’en suivent procès au pénal et procès au civil. Le 8 décembre 2020, un tribunal vient de condamner Max à verser 82 000 euros de dommages et intérêts à ces policiers.

    Cet article est issu du septième numéro de la revue papier Jef Klak, « Terre de feu », qui traitera des feux qui couvent et sera disponible en librairie à partir du 15 janvier 2021.

    Répondre à ce message

|

Répondre à cet article

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
[Se connecter]
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Partagez la page

Site réalisé avec SPIP | | Plan du site | Drôme infos locales | Articles | Thèmes | Présentation | Contact | Rechercher | Mentions légales | Suivre la vie du site RSS 2.0
Médial local d'information et d'expression libre pour la Drôme et ses vallées, journal local de contre-pouvoir à but non-lucratif, média participatif indépendant :
Valence, Romans-sur-Isère, Montélimar, Crest, Saillans, Die, Dieulefit, Vercheny, Grane, Eurre, Loriol, Livron, Aouste sur Sye, Mirabel et Blacons, Piegros la Clastre, Beaufort sur Gervanne, Allex, Divajeu, Saou, Suze, Upie, Pontaix, Barsac, St Benois en Diois, Aurel...
Vous avez le droit de reproduire les contenus de ce site à condition de citer la source et qu'il s'agisse d'utilisations non-commerciales
Copyleft