La barbarie policière et étatique s’accentue, se dévoile davantage : arrestations arbitraires, matraquages aveugles, atteintes à la liberté la presse, mensonges, manipulations...
Voici plusieurs témoignages et analyses sur le terrorisme d’Etat de samedi 12 décembre, suivis de quelques analyses et perspectives pour faire face à cette situation et pouvoir « risposter ». D’autres voies de lutte que les manifestations et autres situations asymétriques qui sont en défaveur des contestataires ?
- Loi Sécurité globale : terrorisme d’Etat, le gouvernement et la police distillent la peur
- Le rapport de force en manifestation est trop assymétrique - Rechercher d’autres terrains de résistance et faire grandir les alternatives
MAINTENANT QUE LA BARBARIE EST LÀ ...
– Ce qu’il faut retenir du dernier samedi de mobilisation –
Les libertés partent fumée les unes après les autres, le gouvernement enchaîne les provocations, la police réclame les pleins pouvoirs, et pourtant c’est la sidération qui l’emporte. Le dernier samedi de mobilisation pour les Libertés à Paris a marqué un nouveau cap dans la barbarie. Que faut-il retenir de la manifestation ? Et comment réagir ?
➡️ Plusieurs milliers d’hommes en armes, 5 canons à eau, un dispositif totalitaire pour empêcher une marche contre des mesures liberticides. Qui aurait pu imaginer une telle scène il y a encore quelques années ? Et dès le départ de la manifestation des attaques innombrables, incessantes, sauvages contre toutes les parties du cortège. Banderoles arrachées, coups de matraque au hasard dans les têtes, corps piétinés, os brisés, personnes traînées au sol. La manifestation défilait entre deux rangs de policiers qui tabassaient tout le monde pour faire peur. Une ambiance fasciste.
➡️ Arrestations de masse. Tout au long de la journée, le pouvoir et les médias annonçaient avec gourmandise le nombre d’interpellations. Quasiment 150 à la fin de la journée. Journalistes, avocats, badauds, jeunes ou âgés, hommes et femmes, Gilets Jaunes ou syndicalistes. Aucun motif autre que terroriser. Une rafle. Certains sont encore enfermés. Quand cela se passe en Russie, tout le monde s’en émeut, à juste titre. Mais ici, les médias félicitaient le gouvernement.
➡️ Des blessés par dizaines. Un témoignage qui résume la situation : « en tant que street-medic, on avait jamais vu autant de crânes ouverts que cet après-midi dans Paris... Les flics ont matraqués du début à la fin de la manif tout le monde sans distinction... des images horribles en-tête ». A l’image du joueur de tambour au visage couvert de sang, frappé pour le plaisir.
➡️ Les grands médias prêts pour le fascisme. Pendant que ce qui reste de fiction démocratique s’évaporait, les médias et leurs flics de service s’enthousiasmaient pour « l’efficacité » du maintien de l’ordre, la « réussite » de la police. L’annihilation d’une mobilisation ne provoquait déjà plus grande réaction, mais à présent elle est même saluée sur tous les écrans ! BFM a même parlé de « maquillage » pour évoquer une blessure à la tête par un coup de matraque. La réécriture du réel en direct. Tout est en place pour faire accepter une répression plus terrible encore à la population.
➡️ « Nouveau maintien de l’ordre ». Un syndicaliste policier déclarait sur un plateau que le but était d’arrêter « ceux qui perturbent par geste ou par cri ». Un autre flic, Matthieu Valet, annonçait sur la même chaîne que les charges successives étaient faites pour arrêter non pas des casseurs, puisqu’il n’y avait pas de casse, mais pour : « interpeller les personnes vêtues entièrement de noir ». C’est assumé, revendiqué. « Perturber par cri », donc en chantant un slogan, ou porter du noir peut valoir d’être chargé et arrêté. C’est la continuité de la répression de ces derniers mois, mais nous avons à l’évidence changé de Régime.
➡️ Ni casse, ni « black bloc ». Pendant une semaine, une partie de la gauche et des Gilets Jaunes a réclamé que les « black blocs » soient arrêtés, et n’a parlé que de « casse » plutôt que des attaques liberticides gravissimes. Ce samedi, ces gens ont dÜ être satisfaits. Ni casse, ni « black blocs », mais une violence d’Etat nue, brutale, sans fard. Vous demandiez à l’Etat d’agir contre les « black blocs » ? C’est fait. Etes vous satisfaits ? Car vous êtes coresponsables de la situation. Sommes nous dans le même camp ? Vous aurez aussi constaté qu’il n’y a pas besoin de « casseurs » pour subir une répression atroce. Vous répétiez que la « violence » de manifestants discréditait le mouvement. Pourtant, samedi, sans casse, Darmanin se félicitait de la journée, et revendiquait une « victoire ». Même bilan côté média, un traitement à minima : la presse annonçait à peine 1000 manifestants à Paris. Le fascisme est là, mais au moins, il n’y a pas eu de barricades, alors tout va bien, soyez rassurés.
➡️ Une piste urgente pour ne pas tous finir écrasés : arrêter de reprendre les mots de l’ennemi. Arrêter de vouloir plaire à ceux qui nous répriment. Arrêter de dénoncer les différentes façons de lutter. Construire une force à même de gagner et rester solidaires. Les mobilisations en cours ne seront jamais convenables ou légitimes aux yeux du Régime et de ses médias. Il n’y a rien à attendre, rien à convaincre. Nous n’avons pas à paraître « responsables », « crédibles » ou « sages » pour l’ennemi. Nous devons lui faire peur.
(post de Nantes Révoltée)
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Blessures invisibles, les impensées de la répression
Blessures invisibles, les impensées de la répression (février 2020) - D’innombrables arrestations, des milliers de blessés, et des centaines de personnes traumatisées parmi les manifestants : la violence de la répression policière affecte les corps et les esprits. Ceux qui ne sont pas atteints dans leur chair souffrent aussi, tétanisés par la peur, et voient leur existence bouleversée par les cauchemars ou la paranoïa.
(...)
« Dès que j’entends parler de Steve, ou de violences policières, j’ai la boule au ventre et la larme à l’œil ». Jérémy n’a plus aucune confiance en la police. « Les flics, je les hais maintenant. Clairement. J’ai peur aussi. Peur quand je les croise. Même si j’ai fait le choix de ne pas cacher ce qui m’est arrivé ». Le jeune homme ne comprend pas comment on a pu en arriver là. Une famille brisée et le trauma tenace de dizaines de jeunes. Il évoque un futur tatouage en hommage à Steve. Avec la date. Pour ne pas oublier ? « On ne peut pas oublier de toute façon. C’est ancré ».
(...)
Si la question du trauma était latente chez les militants de longue date, elle a en revanche brutalement fait irruption dans la vie de Gilets Jaunes qui connaissaient peu le terrain des manifestations. Julia, 31 ans, n’avait pas manifesté avant d’enfiler le gilet fluo. La jeune femme est ressortie « choquée » de ses premiers samedis. « On était face à des gens en armure qui nous bloquaient chaque rue. Je vois une femme palpée devant tout le monde, qui pleurait. C’était humiliant. Je me suis dit : "ces gens n’ont aucune pitié" ». Elle a vécu une nasse qui l’a durablement marquée, et se souvient avoir hurlé. La nasse, technique anglo-saxonne appelée kettling (comprenez « bouilloire »), peut être particulièrement traumatisante.
(...)
« J’ai cru qu’on était en guerre. Il faisait nuit, les gaz ne s’arrêtaient pas. On sautait partout pour éviter les projectiles. Je hurlais. Les gens hurlaient. Là, je me suis dit qu’ils voulaient nous faire crever ». Réfugiée dans l’arrière-cour d’un restaurant, elle voit les gens tousser et vomir à tour de rôle. « Le chaos complet. Et le sentiment bizarre de me dire "j’ai échappé à la mort" ». Une expérience traumatisante, qui s’achève par l’arrivée de CRS, avec de nombreux coups de matraque à la clef. « Je ne comprenais pas. J’étais ahurie ».
(...)
« Dans les traumatismes, le facteur aggravant est l’intentionnalité de la violence. Or les Gilets Jaunes ont d’abord vu le policier comme quelqu’un du même corps social, qui pouvait potentiellement les rejoindre. Avant qu’il ne devienne un ennemi, un oppresseur légitimé par le discours de l’État ».
La psychologue constate des traumas liés au maintien de l’ordre. « Quelque chose va arriver qui va nous confronter à la réalité de la mort, au danger de notre intégrité physique ». Typiquement, chaque espace de la répression policière est donc un panier à traumas. Nasse, sensation d’étouffement sous les gaz, impossibilité de fuir, peuvent provoquer la peur de mourir. Lauriane Perez écoute les militants parler d’un choc psychologique dont ils ont à peine conscience avant de venir la voir.
(...)
La question de la souffrance psychique insuffisamment pensée risque donc à terme de desservir les mouvements sociaux, affaiblissant le caractère collectif de la contestation en isolant les individus.
(...)
« Ce qu’ils [les policiers] font, ça ne change rien au niveau des luttes. Les gens sont au contraire encore plus révoltés »
Un journaliste en GAV, son matériel et ses images embarrassantes saisis !
Je suis libre mais privé de mes yeux !
Ils viennent de me relâcher en pleine nuit, ils m’ont supprimé mon téléphone portable et ma caméra avec toutes les preuves et les images que j’ai filmé lors de la manifestation du 12 décembre... J’avais pourtant hâte de vous dévoiler ce qui s’est passé !
ils gardent soi-disant mes cartes SD pour « l’enquête » mais en réalité ils me privent de dévoiler ce que j’ai filmé, car il y a des images compromettantes pour eux. Je demande impérativement la remise de mon matériel pour vous prouver ce qui s’est passé !
Ce que j’ai subi est une atteinte à la liberté la presse !
Merci énormément à David Libeskind
et aux messages de soutien !
Demain je vous raconte tout lors d’une interview pour QG
J’ai vu des choses....
Soutien également à ceux encore en GAV et aux 4 personnes qui étaient pendant plus de 24H avec moi dans cette cellule de 5m²
(post de Adrien AdcaZz)
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ARRESTATION ARBITRAIRE : Dissuader ceux qui remettent en cause l’ordre social et policier
Mélanie fait partie des quelques 150 personnes qui ont été placées en garde à vue lors des violentes charges orchestrées par la préfecture de police de Paris contre les manifestant.es, lors de la manifestation « Contre les séparatismes » et « Sécurité globale » du samedi 12 décembre 2020. Au moment où nous écrivons, elle est toujours détenue au commissariat du 19e arrondissement.
Blessée le 20 avril 2019, au cours d’un des actes du mouvement des gilets jaunes, Mélanie a, comme beaucoup d’autres blessés, déposé plainte devant l’IGPN. Et comme pour tous les autres, cette plainte a été classée sans suite par le Parquet de Paris. Elle expliquait au journal de France 2 pourquoi.
Mélanie n’a pas l’intention d’en rester là et décide de porter plainte contre le commandant Dominique Caffin, le CRS réputé pour sa brutalité qui est l’auteur des coups reçus le 20 avril 2019. En Juillet, Libération faisait un papier à propos du CRS violent maintes fois épinglé. (➡ voir article)
Défendue par Arié Alimi, son procès est prévu pour le 15 avril 2021.
L’arrestation de Mélanie lors de la manifestation du 12 décembre ressemble étrangement à une sanction pour « outrecuidance ». Comme d’autres gilets jaunes, Mélanie n’est pas du genre à accepter les verdicts de la justice lorsque ceux-ci entérinent purement et simplement l’impunité des forces de l’ordre. En témoignent son engagement constant depuis 2019 dans un certain nombre de collectifs de blessés par la police (Collectif vies volées, Les mutilé.es pour l’exemple), et sa participation à de très nombreuses rencontres ou émissions de radio aux côtés de l’Assemblée des blessés des Familles et des Collectifs contre les Violences Policières ou encore du collectif Désarmons-les, dont l’un des membres, Ian B, vient d’écoper de huit mois de prison ferme (soit une peine extrêmement lourde eu égard à la fragilité des preuves apportées). Sans compter l’investissement très important de Mélanie au sein du groupe des Réfractaires du 80, qui a été un des fers de lance de la lutte des gilets jaunes dans les Hauts de France. Le 4 décembre dernier, avec trois autres membres des Réfractaires du 80, Mélanie a assisté au procès d’Aurélien et de Jérémy, deux membres du groupe qui ont eux aussi pris très cher, en termes de mépris social et de peines infligées. Mélanie est alors photographiée à de nombreuses reprises par un gendarme, en dépit des protestations de ses camarades.
Si on accepte l’hypothèse que la police est venue « faire son marché » lors de la manifestation parisienne du 12 décembre, il est à parier que cette forte tête ait été délibérément ciblée, l’objectif étant d’intimider durablement, d’humilier, et finalement de dissuader ceux et celles qui ont eu l’audace de contester l’ordre social et policier et de s’opposer de toutes leurs forces aux dérives autoritaires qui caractérise aujourd’hui l’État français. L’acharnement dont Mélanie est l’objet est inacceptable : blessée une première fois dans son corps, elle est maintenant enfermée pour un temps indéterminé, le temps sans doute d’évaluer si elle ne pourrait pas, sur la base de faux en écriture publique, être inculpée.
(post de Cerveaux non disponibles)
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« Loi Sécurité Globale : comment le Gouvernement instille la peur de manifester »
14 DÉCEMBRE 2020 | PAR LAURE.EXCOFFON
« Tu m’excuseras mais cette fois je te lâche », « Vu comme c’était la dernière fois, je préfère ne pas venir à celle-ci », « Ah non désolée, je tiens à la vie ». Ce sont les messages que j’ai reçus en demandant à mes amis s’ils m’accompagnaient à la manifestation du 12 décembre contre la loi Sécurité Globale.
« Tu m’excuseras mais cette fois je te lâche », « Vu comme c’était la dernière fois, je préfère ne pas venir à celle-ci », « Ah non désolée, je tiens à la vie ». Ce sont les messages que j’ai reçus en demandant à mes amis s’ils m’accompagnaient à la manifestation du 12 décembre contre la loi Sécurité Globale.
En arrivant sur la place Châtelet, je me suis demandée si ce n’était pas eux qui avaient raison. Le dispositif policier était impressionnant, j’ai été contrôlée trois fois simplement pour accéder à la place, contrainte à chaque fois d’exposer le contenu de mon minuscule sac à main comme si je risquais d’y cacher une batte de baseball.
J’ai toujours été assez intéressée par la politique. Née et élevée dans une famille de syndicalistes, bien à gauche, j’ai été de toutes les manifs, gamine, courant à travers les manifestants, portant les pancartes et chantant les slogans sans les comprendre. Puis je suis arrivée au lycée, j’ai marché en province contre la loi Travail, cette fois je comprenais ce contre quoi je manifestais. Cette année, c’est la Loi Sécurité Globale. Je suis adulte maintenant, et il n’y a plus d’enfants dans les manifestations. Quel fou voudrait amener son gamin dans un rassemblement pacifique ? Parce que c’est bien ce que ces manifestations sont, malgré les milliers de policiers mobilisés pour les encadrer.
Dans la manifestation, on chante, on danse, mais on s’inquiète aussi, beaucoup. On entend des détonations à l’avant, sans trop savoir ce qui se passe. On jette un regard inquiet sur la lance à eau déployée en fin de cortège. Il y a des gardiens de la paix, pardon, des forces de l’ordre de tous les côtés, qui nous encadrent consciencieusement, qui font arrêter et repartir la marche, imposant leur rythme. On se demande ce qu’on va prendre cette fois. On se demande si on va encore étouffer dans les lacrymos. Le 28 novembre, c’était la première fois que j’en inhalais. J’ai eu mal, j’ai pleuré, et j’ai appris ma leçon. Je n’aurais pas dû aller à l’avant du cortège, c’est vrai, après tout c’est là que sont les casseurs. Le 5 décembre, je me mettais au milieu. Encore plus de lacrymos, des bousculades, la sensation d’étouffer, se raccrocher à son pote pour ne pas le perdre, et aussi parce qu’on ne veut surtout pas se retrouver tout seul. Le 12, il n’est pas venu, et moi j’avais du sérum physiologique dans les poches, parce que pour la première fois de ma vie, j’avais la boule au ventre avant d’aller en manif. J’avais peur de me faire arrêter, de me faire embarquer, d’inquiéter mes parents qui sont si loin et qui, s’ils approuvent mon engagement, restent inquiet pour leur petite fille.
Cette fois je suis rentrée entière. Mais je ne devrais même pas avoir besoin de l’écrire. En France, en 2020, on est obligé d’envoyer un SMS à ses parents pour leur dire qu’on va bien après une manifestation, parce que ce n’est jamais sûr. Parce qu’ils embarquent des avocats, des journalistes, et puis moi je suis fille de prof, et est-ce que c’est pas un peu synonyme de Black Block ?
Alors non, ce n’est pas facile d’avoir 20 ans ou 21 en 2020. Parce que nous vivons une épidémie d’une ampleur catastrophique et qu’on ne peut plus ni aller en cours ni garder un travail. Mais surtout parce qu’avoir 21 ans en 2020, c’est se demander si on va en passer soixante dans un État autoritaire, et combien d’yeux on aura pour fêter le Nouvel An. C’est se demander si on peut vraiment pardonner les policiers, qui reçoivent des ordres ineptes, quand ils les mettent en œuvre avec autant de zèle et aussi peu de discernement. C’est se demander si on aurait vraiment eu un résultat différent en votant le Pen le jour de nos 18 ans. C’est surtout se demander si écrire ce billet, ce n’est pas condamner son rêve de carrière dans le service public parce qu’apparemment maintenant, on peut être fiché pour ses opinions politiques. Vous me direz, je suis enfant de syndicaliste, je suis déjà fichée. À quoi je m’attendais ? À grandir dans un État démocratique, dans lequel la liberté de la presse et de manifester sont respectées ? Quelle idée, la Patrie des Droits de l’Homme, ce n’est que sur le papier.
(source : Loi Sécurité Globale : comment le Gouvernement instille la peur de manifester »)
- Révoltes en Kanaky : la gendarmerie tire à balle réelle sur les protestataires kanaks - Quelques semaines après un référendum sur l’indépendance très serré et alors que la société Vale a annoncé la vente de son usine de Nickel de Goro à un consortium calédonien et internationale, la gendarmerie a ouvert le feu sur des protestataires kanaks aux abords de l’usine.
- CONTRE LA REPRESSION : REFLEXES INDISPENSABLES ET NOTIONS A SAVOIR - En France, la répression a atteint un stade inquiétant, qui doit tous et toutes nous alarmer. Le fichage est élargi, la surveillance est massive, la garde à vue est devenue banale et répandue contre n’importe qui. Les arrestations de militants ou de manifestants sont réalisées en masse, avec de moins en moins de motifs d’interpellation. Le pouvoir se dote d’un arsenal juridique de plus en plus important pour surveiller, traquer, enfermer et punir. La répression judiciaire est tout aussi inquiétante avec une multiplication des condamnations.
En général, la police procède à une interpellation puis cherche des éléments à charge. C’est le cas pour les manifestations, mais aussi pour les jeunes de quartiers populaires. Le déroulement des gardes à vue est très éloquent : la GAV est faite pour récolter des éléments à charge, et non pour établir la vérité. L’Etat s’attaque à des ennemis, et non à des auteurs de faits délictueux. Selon le contexte politique, ces ennemis peuvent être la jeunesse immigrée, les “blacks blocks”, les musulmans, les Rroms, les antispécistes… N’avoir rien fait ne protège pas de la répression. “Je n’ai rien à me reprocher” n’a aucun sens en face d’un tel système répressif. (...)
(complément à lire) AU DELÀ DES MANIFESTATIONS. EXTRAITS :
...Toute attaque qui ne cause pas des dommages sérieux au système au point de l’empêcher de s’adapter le rend plus fort, et donc nous éloigne collectivement des chances de réussite !
(...) Même si elles permettent de montrer la force d’un mouvement, de se réunir, se retrouver, échanger, et peuvent inciter davantage de monde à le rejoindre tout en faisant passer divers messages à la population, aux forces de l’ordre et aux dirigeants, les manifestations ne causent pas franchement de dommages sérieux au système, du moins dans sa structure. Les dirigeants connaissent et maîtrisent trop bien ce terrain.
Le seul point faible vraiment atteignable lors d’une manifestation est l’image du gouvernement et toutes les valeurs du système en portant un message qui lui nuise et soit relayé massivement ou en montrant au grand jour ses côtés les plus malveillants pour créer de l’indignation, et donc mobiliser.
Nous ne nions pas l’importance de la diffusion d’un tel message, les manifestations doivent faire partie de l’arsenal des moyens d’action des écologistes. Ce que nous remettons en question, c’est la tentation (compréhensible) de transformer la manifestation en champ de bataille. Ce sera une bataille systématiquement perdue.
Si, d’un point de vue stratégique, la manifestation a un intérêt existant, mais limité, pourquoi est elle la méthode quasi systématiquement utilisée ?
Nous pensons que cela est dû à un imaginaire erroné de la lutte sociale, où la manifestation, et les actions de masse en général, aurait un rôle absolument central.
(...)
Finalement, nous défendons l’idée qu’il faut renforcer l’archipel des résistances : une diversité des formes de résistance qui se complètent pour créer un ensemble cohérent.
Plutôt que d’appliquer une recette toute faite, se basant sur un répertoire limité d’action, la résistance doit s’adapter au contexte dans lequel elle évolue et aux objectifs qu’elle poursuit en prenant les formes les plus adéquates pour réussir. Les militants doivent être flexibles, comme l’eau qui s’adapte en fonction du récipient qui la contient, c’est un principe élémentaire présenté dans l’ouvrage « l’Art de la guerre » de Sun Tzu.
Parmi les stratégies qui composent la palette du militant, une nous semble être tombée aux oubliettes. Elle peut être résumée ainsi : éviter les points forts, attaquer les points faibles.
(...)
Dans un archipel de résistance équilibré, la confrontation efficace au système en place est fondamentale. Elle n’est pour autant pas suffisante. Les alternatives aux systèmes doivent déjà être initiées pour espérer créer un changement profond. ... "
(...)
Le développement des alternatives :
" Un effondrement sociétal est fort probable, nous sommes même de l’avis qu’il est souhaitable.
Les États, tel que nous les connaissons n’existent que par et pour la croissance et les énergies fossiles. Maintenir une organisation d’une telle taille et contrôler et synchroniser des millions d’êtres humains n’est possible que grâce (à cause ?) des énergies fossiles.
Pour éviter que le vide politique laissé par l’effondrement du pouvoir central ne mène à des structures autoritaires et archaïques, et pour s’assurer qu’il apporte des changements profonds, il est nécessaire de recréer de l’autogestion locale et décentralisée dans les territoires.
De plus, il faut s’attendre que la fin plus ou moins des ressources fossiles mène à la fin des échanges mondiaux des biens et services. D’où l’intérêt de développer l’autonomie, la résilience et l’autogestion locale et territoriale dans tous les domaines (alimentaire, habitat, économie, politique, social).
Enfin, il ya fort à parier que les chocs économiques, politiques et environnementaux à venir touchent en priorité les personnes déjà précarisées. Ces initiatives locales doivent servir de refuge pour les victimes de ces futurs chocs, en leur permettant de subvenir à leurs propres besoins.
Résistance et alternative, deux faces d’une même pièce
Le développement d’alternatives et la résistance doivent avancer ensemble, se soutenir et se nourrir l’un et l’autre, sans forcément agir sur les mêmes terrains et au même endroit.
Parce que sans résistance, le développement de la résilience sera entravé par le système qui réprimera et détruira les alternatives pour poursuivre son projet mortifère. Mais sans expérimentation et sans projet alternatif, la résistance risque de ne jamais aboutir à des améliorations et ne pourra pas tenir dans la durée.
Ce texte ne fait qu’apporter des propositions sur le plan stratégique et tactique, qui sont discutables. Ce qui est certain, c’est qu’à l’heure actuelle, les mobilisations sociales et écologistes sont face à une impasse, et que le temps est compté.
Il faudra se battre pour gagner, se régénérer, soi, les autres et la vie sur Terre. "
Texte en entier : Au delà des manifestations
- Viralité : « La question de la révolution est maintenant une question d’évolution », Sonali Gupta & June Elliott - Cet article nous vient des États-Unis et tente un exercice périlleux mais réussi : il effectue une étude poussée de la viralité au sens biologique pour en tirer des analyses politiques en lien avec le soulèvement qui a suivi l’assassinat de Georges Floyd. En prenant le virus « par delà le bien et le mal », par le biais de la biologie, il montre comment le parcours d’un virus se rapproche de celui de la contagion politique. Avec une intuition, au coeur du texte, selon laquelle « La question de la révolution est maintenant une question d’évolution ». Bonne lecture.
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