Mais le fait est que les choses ne vont pas de mieux en mieux, que la civilisation industrielle ne rend pas l’humain plus libre, ni plus heureux. Sauf à recourir à une définition absurde de la liberté et à confondre le bonheur avec cet indicateur de l’aliénation et de l’industrialisation de la vie qu’est l’IDH. Le fait est qu’il a existé des sociétés humaines heureuses et véritablement soutenables, et qu’il n’en reste presque plus. Le fait est que la dépression, et l’éventail toujours plus vaste de troubles psychologiques dont elle fait partie, et toutes les maladies dites « de civilisation », désormais épidémiques, et toutes sortes de violences et d’injustices à l’égard des femmes, des non-Blancs, de nombreuses minorités, et des humains et des non-humains en général, et l’aliénation qui découle d’une absence de démocratie, d’une organisation sociale autoritaire, sont autant de caractéristiques de la civilisation industrielle.
Le progrès est un mensonge qui devient plus grotesque et plus abject chaque seconde, à mesure que les problèmes sociaux et écologiques empirent et que cette monoculture, qui n’a jamais eu d’avenir, s’en rapproche inexorablement.
« Mais dans les forêts du centre de l’Inde et dans de nombreux endroits ruraux, une immense bataille prend place. Des millions de personnes sont expulsées de leurs terres par des entreprises minières, par des barrages, par des compagnies de construction d’infrastructures. Il s’agit d’êtres humains qui n’ont pas été cooptés par la culture de la consommation, par les notions occidentales de civilisation et de progrès. Et qui se battent pour leurs terres et leurs existences, qui refusent d’être spoliés pour que quelqu’un, quelque part, loin, puisse “progresser” à leurs dépens. […] Leur lutte est une lutte pour l’imagination, pour la redéfinition du sens de la civilisation, du bonheur, de l’épanouissement. […] Voilà pourquoi nous devons nous intéresser de près à ceux dont l’imaginaire est différent, à ceux dont l’imaginaire se situe en dehors du capitalisme, et même du communisme. Très bientôt, nous devrons admettre que ceux-là […], qui connaissent encore les secrets d’une existence soutenable, ne sont pas des reliques de notre passé, mais les guides vers notre futur. »
— Arundhati Roy
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Le mensonge du progrès (par Nicolas Casaux)
Voici les vidéos de l’article
Vidéo La religion du progrès (ils sont cinglés) - petit pot pourri du délire partagé par les partis de droite et de gauche
« Sans cesse le progrès, roue au double engrenage, fait marcher quelque chose en écrasant quelqu’un »
(V. Hugo)
« L’on parle de progrès technique, il s agit d’ethnocide.
[...] C’est le progrès, qui n’est jusqu’ici que décomposition : chaos de pavillons, d’immeubles, de ferrailles et de détritus. Et à travers l’informe et l’innommable, la banlieue parfois la Zone, s’écoule la diarrhée d’asphalte que répand la bagnole avant d’aller crever contre un poteau ou dans un pré. Les fermes abandonnées s’écaillent ou s’écroulent, quand elles ne se fardent pas pour plaire à un bourgeois. La lèpre ronge touyas et forêts. Peines et maladies reculent, la production augmente, et le bonheur aussi, paraît-il. Mais à perte de vue, il ne voit que des ruines ou des ébauches, c’est-à-dire des chantiers. Ce qui importe n’est pas ce que l’on vit, mais ce que l’on fabrique, et c’est toujours la même chose. À quoi bon regarder ? Bientôt ce ne sera pas plus la peine que dans les tunnels du métro. Ici comme n’importe où, ce monde perpétuellement à venir ne parle plus aux sens, et donc n’a pas de sens. Les fruits de cette mue sont purement sociaux, ni l’ouïe, ni la vue ne les enregistrent, mais la statistique. Où sommes-nous ? Quelque part entre deux murs, du côté de Bochum ou de Brisbane. Il n’y a plus de pays, de paysans, mais seulement le folklore : la petite momie attifée en Ossaloise qu’on fait danser au pied des HLM. »
(B. Charbonneau)
Les mantras du « progrès » (LREM parle de « progressisme »), du « changement », des « réformes », de l’« innovation », de la « modernisation » masquent en fait l’idéologie de la destruction, de l’asservissement et du pillage organisé, du conservatisme moral et politique, de toujours plus d’ultra-libéralisme mondialisé, de la répétition des recettes mortifères au profit des riches et des puissants, et au détriment des humains et des autres animaux.
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