Le lien entre déforestation, agriculture et les incendies

jeudi 21 novembre 2019, par Céline Basset.

Comprendre, assimiler les facteurs responsables des incendies multiples qui se déroulent sur le globe. Répondre par le boycott et le choix de nos achats. Notre porte-monnaie est notre premier pouvoir.

Depuis 1989 Raoni Metuktire, Chef du groupe des peuples premiers Kayako au Brésil, avertit l’Occident sur les dangers de la déforestation en Amazonie. Parcourant le monde avec plusieurs célébrités afin d’attirer notre attention sur un évènement qui nous concerne tous, et non pas seulement son peuple, les études scientifiques des années 80 et 90 nous avertissaient elles aussi déjà des conséquences irréversibles sur la biodiversité planétaire. L’année 2019 a recensé plus de 20 000 zones de feu selon la NASA ; au 1er Octobre 2019, 262 537 676 millions ont brûlés, soit 11 millions d’hectares par seconde selon la FAO.
https://www.planetoscope.com/forets/903-hectares-de-terres-detruits-dans-le-monde-par-des-incendies.html
Ces chiffes se répartissent de la manière suivante, 9 060 100 hectares brûlés en Amazonie, 950 000 hectares en Bolivie, 13,1 millions hectares en Sibérie, 135 000 hectares en Indonésie et des milliers d’hectares en Afrique.
https://www.francetvinfo.fr/monde/ameriques/amazonie/carte-amazonie-afrique-siberie-ou-sont-les-incendies-qui-ravagent-la-planete-et-faut-il-s-en-inquieter_3591459.html
https://reporterre.net/Feux-geants-en-Siberie-un-ete-devastateur-pour-l-environnement

https://www.lemonde.fr/planete/video/2019/08/30/les-incendies-en-afrique-et-en-amazonie-sont-ils-comparables_5504666_3244.html
Après ce constat, il convient d’exposer les raisons de ces multiples incendies et ses processus.

Déforester pour mieux consommer

Le changement climatique n’est pas le seul responsable des incendies de cet été et des précédentes années. Les principaux facteurs destructeurs de notre planète sont nos modes de consommation et de production. Soit une civilisation. L’industries de l’agro-business depuis 1962 développe les cultures intensives qui se caractérisent par la culture ou l’élevage d’une seule espèce sur une zone. Le concept de « mono » remplace alors la polyculture naturelle, arrache des forêts entières remplies d’espèces en lien qui maintiennent notre équilibre sur terre. Hors force est de constater, que la biodiversité s’exprime à la fois chez l’humain mais aussi dans la Nature. L’ADN est fait pour être brassé aléatoirement parmi les milliards de gènes existants afin de maintenir les écosystèmes en harmonie dans lequel nous vivons et faisons partis. Il semble donc aberrant de réduire la Nature à une mono-culture contrôlée et sélectionnée par la main de l’Homme. En nous faisant les architectes de celle-ci, en nous octroyant le rôle de technicien au-dessus des lois biologiques et universelles, nous avons réussi à nous déconnecter du vivant, passons à côté de son fonctionnement global et risquons l’extinction de notre espèce.

Globalisation, Consommation et Cultures Intensives

L’usage de la déforestation consiste dans ce cadre à détruire la biodiversité primaire d’une terre afin de la domestiquer par le brûlis, puis la contrôler pour y faire pousser un seul type de plante ou d’élever un seul type d’animal. En quelques sortes nous remplaçons singes, oiseaux, reptiles, insectes, papillon, plantes médicinales par des vaches ou du blé. Le but étant de remplir les rayons de nos supermarchés en pots de Nutella, Soja et viande plastifiées, (dont les code barre commencent par 7.89 et 7.90) et générer des bénéfices qui ne seront pas réinjecté dans le système sociétal grâce à l’évasion fiscale.
https://reporterre.net/Pour-un-boycott-des-produits-bresiliens-qui-detruisent-l-Amazonie
Pour Paulo Moutinho, chercheur à l’Institut de recherche environnementale sur l’Amazonie (IPAM), qui a affirmé dans cette dépêche de l’AFP que « la hausse dramatique du nombre d’incendies en Amazonie brésilienne était avant tout causé par la progression de la déforestation ».
https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/amazonie-la-deforestation-est-la-cause-principale-des-incendies-selon-un-chercheur_136503
Par ailleurs, si la déforestation prépare les futurs dispositifs des systèmes agricoles intensifs, l’Afrique est le témoin de longue date de ces systèmes d’exploitation intensifs dévastateurs pour la biodiversité. En quelques sortes, les incendies de l’Afrique sont avants-gardistes de ce qui se passera pour la forêt amazonienne avec la politique de Jair Bolsonaro. En effet, « Les incendies en Afrique centrale sont "très peu comparables à l’Amazonie, car ils ne frappent pas les mêmes écosystèmes. Les incendies en Amazonie ont lieu dans les zones déforestées ou "des forêts humides", alors que ceux en Afrique centrale touchent essentiellement des écosystèmes agricoles » explique le chercheur Guillaume Lescuyer, spécialiste de l’Afrique centrale au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), et contacté le 26 août 2019 par l’AFP .
"En Afrique centrale, c’est essentiellement dû aux techniques agricoles”, assure de son côté Tosi Mpanu Mpanu. Enfin, selon les études de D.C. Morton & co. (2008), l’intensification des cultures était déjà connue pour contribuer à l’augmentation significative des feux en Amazonie. « Fire usage for expansion of mechanized crop production in Mato Grosso is more intense and more evenly distributed throughout the dry season than forest clearing for cattle ranching (4.6 vs. 1.7 fire days per deforested area, respectively) “.
https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1365-2486.2008.01652.x
Les incendies d’Amazonie et d’Afrique corrèlent fortement avec les techniques de l’agriculture intensive quelques soit le point d’avancement du dispositif mis en place.

Corrélation entre l’agriculture et l’élevage intensif avec le nombre croissant d’incendies dans le monde

Selon Richard Pasquis du CIRAD-Tera (1999), « 86% des pertes de forêt tropicales sont dues à l’agriculture ». Les abattages sélectifs, l’agriculture intensive, le ranching, l’exploitation de bois, charbon, mines, l’orpaillage, l’agriculture périurbaine et l’expansion des activités économiques non agricoles de types industriel et touristique sont les grands destructeurs des forêts dans le monde.
Pourtant la forêt est une source de vie et exerce des fonctions déterminantes dans l’équilibre des sols et des climats. Tout d’abord elle est un bouclier contre l’érosion des sols et le tarissement des eaux. La disparation des couverts végétal sont responsables de l’assèchement des cours d’eau. Puis les sols subissent une érosion éolienne conjugué aux dégâts des eaux pour emporter les particules sédimentaires. Lorsque le relief se dégrade on n’a atteint un point de non-retour qui compromet ainsi un possible retour aux conditions initiales.
http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/20888/RFF_1974_S_T1_215.pdf?sequence=1
Par ailleurs, la déforestation mécanisée, l’élevage intensif d’une seule espèce, et l’agriculture intensive mécanisée sont les responsables de la paupérisation microbiologique des sols. Ce tassement des sols se caractérise par la disparition de plus de 80% du spectre poral – c’est-à-dire les pores d’origine biologique, agrégats, galeries, chambres, chenaux créés par la faune du sol. L’ensemble de ces facteurs réussis à transformer une forêt luxuriante, riche en microbiologie et biodiversité en véritable désert infertile au relief effacé, nécessitant l’achat d’intrants chimique, et d’engrais synthétiques nitratés, phosphoré à des fins de production. Le manteau forestier primitif est le gardien des cours d’eau et d’un sol fertile. La désertification engendrée par l’activité humaine est nécessairement un facteur accélérant l’évolution naturelle des climats.
https://www.lemonde.fr/planete/video/2019/08/30/les-incendies-en-afrique-et-en-amazonie-sont-ils-comparables_5504666_3244.html

La technique du brûlis

La déforestation est donc l’étape préliminaire à l’agriculture intensive industrielle. L’une des méthodes utilisées pour enrichir les sols agricoles en phosphore est le brûlis. A l’origine c’est une technique d’origine ancestrale, qui était pratiqué sur des micro-surfaces forestières qui appartenaient aux peuples premiers et dont le rituel du brûlis prenait une dimension chamanique dans certaines tribus amérindienne et indonésienne. Par la suite, cette méthode est devenue une généralité pour la gestion des grandes surfaces agricoles destinées à la mono-culture. Le défrichage par le brûlis permet la modification de grandes surfaces forestières par jour. Cependant la technique du brûlis étant plutôt préconisée sur le cours terme, les études montrent que sur le moyen et long terme, elle contribue à l’appauvrissement et l’érosion des sols qui ne bénéficient plus du couvert végétale ni même d’un cycle d’eau naturel.
http://www.fao.org/3/u4390f/U4390F03.htm

Changer maintenant

Les forêts ne peuvent plus absorber le CO2 comme elles le faisaient il y a 30 ans. Produisant une partie de notre oxygène, elles sont dites poumons de notre planète. Cependant, elles sont en lien avec les océans qui eux pour le coup, produisent plus de 50% de notre oxygène grâce au phytoplancton, matière première de toutes vie océanique et plus grand producteur d’oxygène sur terre. Océans plastiques, forêts déforestées et terres déserts infertiles, l’équation est simple, nourrir 7.6 milliards d’habitants avec des ressources finies et un délabrement de l’écosystème planétaire est impossible à résoudre. L’inconnu manquante permettant de résoudre notre équation tient en notre volonté de comment consommer et comment faire avec la Nature. Le présent article ne présente uniquement qu’une partie de l’iceberg de la chaîne de consommation mondiale. La paupérisation de notre biosphère n’a plus le temps d’attendre nos décisionnaires politiques pour agir. Nous sommes le changement dès à présent.

Céline Basset
Fondatrice Blue Soil


Forum de l’article

  • Le lien entre déforestation, agriculture et les incendies Le 21 novembre 2019 à 20:25, par Etienne Maillet

    Une traduction pour les lecteurs ne parlant pas la langue de Trump, celle de la deforestation, ou qui considèreraient que la biodiversité est aussi culturelle

    « Fire usage for expansion of mechanized crop production in Mato Grosso is more intense and more evenly distributed throughout the dry season than forest clearing for cattle ranching (4.6 vs. 1.7 fire days per deforested area, respectively) “

    “Dans le Mato Grosso, l’usage du feu pour l’expansion de l’agriculture mécanisée est plus intense et plus également répartie au long de la saison sèche que les incendies destiné à l’élevage : respectivement 4.6 jours contre 1.7 jours par zone déforestée) »

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