Marine Le Pen parait avoir tellement réussi la dédiabolisation du RN que ce dernier ne peut plus servir, comme ces 40 dernières années, pour légitimer un barrage aux forces du Mal qu’il représentait jusqu’alors.
A chaque élection, cet argument, ce prétexte du barrage au FN puis au RN était ressorti et assurait la victoire du candidat présent en face, toujours envisagé par la majorité comme le moins pire. Même si son organisation politique n’empêche pas la circulation d’idéologies nauséabondes, la France n’est pas un pays de fachos. On peut ne pas être d’accord mais les faits l’ont à chaque fois prouvé. De Mitterrand à Macron, en passant par Chirac et Sarkozy, tous l’ont su et compris, tous en ont eu conscience et tous ont remporté les suffrages grâce à une recette simple mais efficace.
Dès lors, le RN devient par sa normalisation un candidat « banal ». Comme tous les partis, qu’ils soient de droite ou de gauche, chassent désormais sur les terres de l’autre, le paysage politique français devient morne. Il faut donc redonner un peu de couleur à la campagne, il faut trouver le moyen d’agiter à nouveau le chiffon rouge, il faut trouver un autre petit diablotin pour incarner le Mal et cristalliser les peurs. C’est à ce moment qu’on sort Éric Zemmour de sa boîte. Et ce qui est fou, c’est que ce guignol grotesque monté sur ressort, prend déjà une bonne avance dans les sondages (sans pour autant crever le plafond) alors qu’il ne s’est pas officiellement déclaré candidat !
Le subterfuge qu’on monte en épingle sous nos yeux est tellement gros que cela en deviendrait risible. Mais, malheureusement, c’est sans compter sans l’expertise de nos politicards et politicardes en matière de spectacle lamentable et pathétique. Ce qui est à craindre par contre, et avant tout, pour ces élections présidentielles à venir, c’est l’explosion du nombre d’abstentions et de bulletins blancs. Il est là le danger. Et de vouloir culpabiliser les électeurs qui par dégoût n’useront pas de leur droit aux urnes ne remédiera à rien.
On continuera, comme d’habitude, à faire la sourde oreille à ce message pourtant fort qu’ils auront envoyé en refusant de participer à la mascarade. Et, comme d’habitude, politiques et commentateurs le déploreront sans qu’aucun n’ait le courage d’en reconnaitre ou d’en tirer sa part de responsabilité. Le rideau se baissera sur la scène, la lumière reviendra peu à peu dans la salle et nous nous apercevrons alors que nous n’avons plus que les yeux pour pleurer.