La société du travail est le tombeau du socialisme et de l’écologie

Soustraire les communs et les moyens de subsistance de l’emprise du capitalisme

lundi 21 novembre 2022, par Camille Pierrette.

Le capitalisme et son monde ne se contente pas de détruire et exploiter la terre et le travailleur, il se sacralise et se naturalise via « la société du travail », il absorde et s’approprie toutes les différences et contestations « réformistes ».
Ainsi le capitalisme se prétend social, écologique et durable, il parle d’écologie industrielle, de transition écologique et de résilience pour mieux masquer et faire oublier son caractère fondamentalement meurtrier, froid, destructeur et irréformable.

L’anticapitalisme tronqué de la quasi totalité de la gauche complice et des travailleurs abusés qui défendent malgré tout le travail (tel qu’il est imposé par le système social capitaliste) contre la finance et le patronat renforce alors (malgré eux ?) la société du travail et donc l’emprise du capitalisme sur la totalité de nos vies.

La société du travail est le tombeau du socialisme et de l’écologie

🔥 L’HONNEUR PERDU DU TRAVAIL

[A paraître le 13 janvier 2023]

Le socialisme des producteurs comme impossibilité logique
un livre de Robert Kurz
Préface de Bruno Lamas
Traduit de l’allemand par Matthieu Galtier et Kazem Huber
https://www.editions-crise-et-critique.fr/

« Qui ne travaille pas ne mange pas ‒ voilà le commandement pratique du socialisme », écrivait Lénine. « La civilisation n’a pas de place pour les oisifs », a surenchéri Henry Ford. Il n’est pas difficile de voir que ces déclarations sont, en réalité, de véritables menaces de mort. On pourrait y ajouter d’innombrables autres déclarations tout aussi sinistres, qui montrent sans ambiguïté que l’ancien bloc socialiste de l’Est et les sociétés capitalistes de l’Ouest, malgré toutes leurs différences plus ou moins grandes, n’étaient en réalité que deux variantes d’une seule et même forme sociale fondamentale qui, bien qu’en décomposition, est toujours la nôtre : la « société de travail ».

Dans ce texte pionnier écrit à l’automne 1989 alors que des milliers d’Allemands fuyaient le socialisme réel, Robert Kurz a souligné l’urgence d’une reprise des catégories fondamentales de la critique de l’économie politique de Karl Marx (marchandise, valeur, travail abstrait, fétichisme, etc.) et de les approfondir radicalement à la lumière de la nouvelle situation historique : le capitalisme ne doit plus être critiqué du point de vue du travail, le travail doit devenir l’objet de la critique elle-même. Cet essai est, en quelque sorte, la première systématisation de cette perspective qui commençait alors à se dessiner. La « critique catégorielle » du travail est non seulement une des exigences fondamentales de la critique du capitalisme, mais aussi une condition de l’émancipation humaine des rapports fétichistes, sous peine de plonger dans la barbarie mondiale.

À cette fin, l’auteur analyse en détail les catégories « travail » et « échange », tout en esquissant certaines des idées qu’il explorera au cours des décennies suivantes : la question du « double Marx » ; la critique du sujet, c’est-à-dire la compréhension de la subjectivité ici comme une forme sociale historiquement spécifique de la société marchande ; la critique des Lumières, comprises comme l’expression idéologique légitimant l’ordre social du capitalisme ; la critique de l’argent en s’opposant frontalement aux critiques idéologiques petites-bourgeoises ; la question de la crise écologique, déjà pensée en lien avec l’indifférence destructrice du fétichisme du travail abstrait.

La société du travail est le tombeau du socialisme et de l’écologie

Rupture qualitative - De l’actualité de la critique radicale du travail

par Norbert Trenkle

L’obligation de travailler est la contrainte fondamentale de la société capitaliste. Celui qui veut y survivre doit soit travailler pour produire des marchandises de son propre chef, comme par exemple les artisans ou les petits indépendants, soit justement vendre sa propre force de travail, c’est-à-dire se transformer lui-même en marchandise. Le travail n’est donc pas simplement une activité productive visant à produire des choses (utiles ou nuisibles), comme on l’entend généralement. Il s’agit d’une forme historique et spécifique de médiation sociale. C’est par le travail que les hommes du capitalisme établissent leur lien social, qui leur apparaît alors comme une violence objectivée.

C’est donc aussi dans le travail que la domination capitaliste objectivée devient directement perceptible. Ici, les individus isolés doivent se soumettre directement aux contraintes de la concurrence, de la « rationalité » et de la « performance ». Et ici, ils doivent faire abstraction de ce qu’ils produisent et des dommages qu’ils peuvent éventuellement causer. Car il s’agit en fin de compte de vendre le produit de sa propre force de travail ou sa propre force de travail à nu et simplement avec succès, car nous ne pouvons pas exister sans argent dans la société marchande. Dans le travail, nous faisons tous directement partie de la machine sociale qui obéit à la fin en soi de l’accumulation de capital, et nous devons obéir à ses lois.

Il n’est donc pas étonnant que les conflits les plus violents aient éclaté sur le terrain du travail dès les premiers temps du capitalisme. Au début, il s’agissait encore de la contrainte au travail en général. Les hommes, arrachés de force à leurs conditions de production et de vie traditionnelles, refusaient en masse cette contrainte, parce qu’ils ne supportaient tout simplement pas de se voir imposer des règles et de travailler toute la journée sous la direction d’autrui. Ce n’est qu’après des siècles de discipline brutale par la faim, le fouet et le dressage idéologique que le travail est devenu l’évidence qu’il apparaît encore aujourd’hui. Et pourtant, le besoin de s’y soustraire d’une manière ou d’une autre n’a jamais pu être totalement effacé.

En effet, la pression du travail et la souffrance qu’elle engendre n’ont en aucun cas disparu, même avec l’augmentation fulgurante de la productivité. Certes, au cours des 40 dernières années, le capital s’est de plus en plus détaché du travail directement dépensé, parce que le savoir est devenu la force productive déterminante et que l’accumulation se fait principalement sur les marchés financiers. Loin de s’affaiblir, la domination du travail sur la société s’en est paradoxalement trouvée renforcée. Comme les bases des modes de production et de vie non-capitalistes ont été presque entièrement détruites, pratiquement tous les habitants de la planète sont contraints de vendre leur force de travail ou d’autres marchandises pour survivre. Mais comme, dans le même temps, le capital dépend de moins en moins du travail, les conditions de cette vente se sont globalement dégradées.

La contradiction centrale n’est donc plus aujourd’hui celle entre le capital et le travail, mais celle entre l’envie du capital d’engloutir le monde entier et le nombre sans cesse croissant de personnes qui ne sont en fait plus nécessaires à cet objectif destructeur. Dans de grandes parties du Sud mondial, la majorité a depuis longtemps été déclarée « superflue » dans ce sens. Elle ne peut plus survivre que grâce à un mélange de travail très précaire dans le secteur informel et de subsistance non moins précaire, principalement assurée par les femmes.

Dans les centres capitalistes, ce sont tout d’abord les couches ouvrières héritées de l’ancien fordisme et le nouveau prolétariat des services qui ont été les plus touchés par la dévalorisation économique et morale de leur force de travail. Mais même les gagnants relatifs dans le monde du travail postfordiste, les soi-disant « nouvelles classes moyennes », ont dû se débattre de plus en plus âprement pour maintenir leur position sociale et ne pas être éjectés de la machinerie du travail en constante accélération. Ces dernières années, les entreprises ont certes dû faire quelques concessions en matière de rémunération et d’horaires de travail, en raison d’un manque de main-d’œuvre dû principalement à des raisons démographiques. Mais il s’agit là d’un phénomène temporaire qui devrait prendre fin au plus tard avec l’effondrement de l’économie mondiale qui se dessine déjà.

En outre, ce ne sont pas seulement les personnes socialement défavorisées qui sont sous pression, mais aussi une grande partie de la classe moyenne, car le logement devient inabordable et le coût de la vie s’envole. La raison en est une fois de plus que le capital occupe toute la surface de la Terre à ses fins et que la destruction des bases de vie qui en résulte se répercute directement sur les processus économiques.

Ceux qui, face à cela, chantent encore les louanges du travail et font comme si la crise pouvait être résolue en se serrant la ceinture, en baissant le chauffage et en retroussant une nouvelle fois leurs manches, souffrent d’une perte de contact avec la réalité tout à fait grotesque. Il ne demande rien d’autre que de continuer à faire tourner la machine capitaliste, alors qu’elle n’a rien d’autre à nous offrir que davantage de destruction et des conditions de travail et de vie toujours plus mauvaises. C’est exactement le contraire qui est demandé. Il s’agit de contester au capital le temps de vie et les ressources qu’il nous soustrait en permanence et qu’il transforme en moyens de destruction du monde. Ce n’est qu’ainsi que l’on pourra ouvrir les espaces pour un mode de vie et de production basé sur l’activité libre et autodéterminée, la coopération et la solidarité.

Les revendications en faveur d’une infrastructure sociale gratuite et d’une socialisation des secteurs de l’énergie et du logement vont dans ce sens. Elles visent en effet à soustraire au marché des domaines centraux de la garantie de l’existence et à les organiser en tant que commons, c’est-à-dire, au sens large, en tant que biens communs. En même temps, des mesures allant dans cette direction élargissent la marge de manœuvre pour repousser la contrainte du travail, surtout par une réduction du temps de travail à grande échelle, et pour réduire les secteurs les plus destructeurs de la production capitaliste, comme l’industrie automobile.

Cela n’aurait rien à voir avec un « renoncement » tel qu’on le prêche actuellement partout. Au contraire : ce serait un gain en qualité de vie et en temps disponible, qui pourrait notamment être utilisé pour une nouvelle répartition équitable des activités de reproduction, qui fonctionnent jusqu’à présent comme une sorte de base cachée du travail et sont considérées comme inférieures. La suppression du travail est donc bien plus qu’une simple réduction quantitative du travail salarié, telle qu’elle est négociée par exemple dans les utopies technicistes courantes ; elle est une rupture qualitative avec la forme d’activité et de rapport social réifié qui est à la base de la domination capitaliste, et une condition nécessaire à l’émancipation sociale.

Paru pour la première fois dans Jungle World 2022/41 du 13.10.2022

La société du travail est le tombeau du socialisme et de l’écologie
Abolissons le travail !

La durabilité pour tous, par Robert Kurz

- La durabilité pour tous, par Robert Kurz
(...)
Il semble que le terme plastique de « durabilité » (sustainability) ait été inventé sur mesure pour ce « discours » de restauration rapide. Ce nouveau mot convient parfaitement à l’amalgame entre les intérêts du marché et le bastringue de la responsabilité écologique, afin d’introduire un produit comestible pour tous dans le fonctionnement sans fin du journalisme d’amuse-gueules.
(...)
Plus les forêts tropicales disparaissent rapidement, plus l’eau potable est polluée, plus le chômage et la pauvreté de masse augmentent de manière dramatique, et plus l’engagement en faveur de la « durabilité » est général. C’est pourquoi même un franc-tireur radical du marché comme le président de la Fédération des Industries Allemandes, Olaf Henkel, peut être à l’origine du débat sur la durabilité. Tous les boucs deviennent des jardiniers, et la microéconomie triomphante détruit le monde de manière durable.
(...)

La société du travail est le tombeau du socialisme et de l’écologie
Manifeste contre le travail

L’enchaînement au travail

C’est bien l’emprise et la nature même du travail qui freine fortement l’émergence de grèves générales fortes voire insurrectionnelles, qui empêche de stopper les secteurs d’activités les plus écocidaires et antisociaux au nom toujours de la « défense de l’emploi ».
Enchaînés de plus en plus à l’argent fournit par le travail, effrayés par le chômage, les travailleurs osent de moins en moins mordre la main d’acier qui les nourrit pourtant de plus en plus mal, d’autant que la concurrence s’étend partout et que la répression des milices du capital est toujours prête à s’abattre. Alors les grèves et luttes se contentent d’essayer de freiner l’extension inéluctable du technocapitalisme,de négocier un peu plus d’argent et des conditions de travail un peu moins mauvaise, mais il ne s’agit pas d’abattre le capitalisme, et encore moins le monde qui va avec.

C’est ce qu’on a pu observer depuis déjà pas mal d’années.
Pour sortir de ce carcan, il faudrait quoi ?
Y être poussé par des catastrophes (sociales, écologiques) encore plus fortes qui atteignent franchement nos possibilités même de survie ?
Arriver à retrouver des solidarités et luttes à même de satisfaire nos besoins de base même en cas de grèves, blocages, émeutes et manifestations de longue durée ?

La société du travail est le tombeau du socialisme et de l’écologie
Ne travaillez jamais

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