« La science ça sert, d’abord, à faire la guerre » - Critique de la technoscience et du scientisme

Avec les anarchistes naturiens et d’autres penseurs critiques écologistes

samedi 1er janvier 2022, par Antitech 26.

Quelques notes et leçons d’un courant anarchiste précurseur de l’écologie et de la critique de la civilisation industrielle autour de 1900, avec aussi des critiques actuelles de la techno-science et du monde qu’elle appelle ou renforce.
Pour en finir avec les mythologies funestes de la religion du Progrès, de La Science et de la Technologie.

« La science ça sert, d’abord, à faire la guerre » - Critique de la technoscience et du scientisme
Après la bombe atomique, la techno-science et ses servants scientifiques fabriqueront des robots soldats autonomes

Technotombeau 1 – Les anarchistes naturiens - Un épisode de Technotombeau étudie les anarchistes naturiens.

« Le progrès est le mythe qui nous assure que “en avant toute” n’a jamais tort. L’écologie est la discipline qui nous enseigne que c’est un désastre ». Technotombeau est une série de podcasts consacrée à la technique, la civilisation et l’énergie, écrite et réalisée par les stagiaires du blog Floraisons.

Pour cet épisode, on s’est dit qu’on allait prendre un peu de recul sur le mouvement social et écologiste et voir du côté de l’histoire et de certains précurseurs méconnus. On fait un voyage dans le temps, et on part à la rencontre des anarchistes naturiens. Pour cela on s’appuie sur un petit livre présenté par François Jarrige et publié aux Éditions du Passager clandestin : Gravelle, Zisly et les anarchistes naturiens contre la civilisation industrielle.

Avant de commencer, un petit point sur les mots. Nous parlons du mouvement des naturiens, au masculin, mais il semble important d’ajouter que des femmes ont pris part à ce mouvement. On peut donc parler de naturiens et de naturiennes, pourtant l’histoire a encore une fois oublié les femmes. Pour que ce ce soit plus simple, on alternera masculin et féminin pour désigner ce mouvement.
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Les naturiennes critiquent la civilisation industrielle et militent pour un retour à ce qu’ils appelaient « la vie naturelle ». Les naturiens sont incompris par les autres anarchistes car ils ne partagent pas le même engouement que leurs camarades pour l’industrialisation. Ils sont moqués, ignorés, avec pour résultat d’être aujourd’hui largement inconnus
(...)
Les naturiens estiment que les miracles du « Progrès » sont un piège, un miroir aux alouettes, dont le coût social et environnemental ne cesse de s’alourdir. Déforestation, pollution, urbanisation massive, inégalités sociales, alimentation chimique, épuisement des ressources, stress, maladies professionnelles, etc.

Ils et elles pensent que tout ce système mécanisé est un « monstre aux multiples formes » qui aliène, qui oppresse. Ils s’opposent au « Dieu machine » car cela ne correspond pas à leur définition de l’émancipation.
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Contre la société de masse
Ils et elles se méfient des systèmes qui veulent « organiser les choses au mieux » mais qui sont basés sur l’esclavage. Parmi ces systèmes, il y a bien sûr le capitalisme et la république parlementaire, mais aussi le salariat, le collectivisme, les usines et les mines, le développement industriel et mécanique.

Selon eux, il ne peut y avoir d’égalité véritable que grâce à une vie facile et simple que tout le monde peut réaliser. Cette condition est rendue impossible dans la vie moderne, complexe et organisée à grande échelle dans les cités industrielles. Il faut donc trouver d’autres espaces pour la réalisation de ces aspirations.
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Les naturiens ont en commun avec les autres anarchistes l’idée que le Pouvoir ne doit pas être conquis, mais qu’il doit être détruit. Sauf que les naturiens appliquent aussi ce principe aux forces productives de la civilisation. Contrairement aux grands mouvements socialistes ou communistes, ils ne veulent pas se les approprier, même collectivement, mais plutôt les détruire.

Pour eux, une révolution qui maintient en place les mines, les usines etc. n’est pas une vraie révolution. Il s’agit du même système industriel avec de nouveaux maîtres et de nouveaux propriétaires. Ils pensent qu’il n’y aura de changement véritable que si on s’attaque à l’infrastructure même de ce système d’exploitation.
(...)
Les naturiennes ne veulent pas devoir choisir entre le retour aux cavernes d’un côté ou le développement industriel de l’autre. Ils et elles cherchent une autre voie, fondée sur la promotion de l’autonomie, de l’entraide, de la simplicité.
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L’ampleur du désastre écologique au temps des naturiens est sans commune mesure avec la situation actuelle. Pourtant, nombre de leurs analyses et critiques étaient déjà justes et clairvoyantes. Cependant leurs expériences et leurs échecs nous renvoient à nos propres questionnements d’aujourd’hui. Saurons-nous être plus efficaces ?
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Les illusions renouvelables
Aujourd’hui, l’engouement de certaines militant·es et organisations pour l’industrialisation est encore franchement très problématique. On ne résoudra pas les problèmes de l’industrie avec encore plus d’industrie. C’était déjà valable au temps des naturiennes et ça l’est encore plus dans nos sociétés du 21e siècle.

Par ailleurs, les industriels ont adapté leurs stratégies depuis un siècle. Aujourd’hui ils infiltrent nos mouvements, colonisent l’imaginaire des militantes, repeignent leurs merdes en vert. Contrairement aux naturiens, nous devons maintenant résister à leurs puissantes campagnes de marketing et de greenwashing. En avons-nous la capacité ?
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Les naturiens peuvent être une source d’inspiration réelle, mais nous devons faire mieux. Nous pouvons choisir une autre voie, celle du démantèlement réaliste de la civilisation, sans idéaliser pour autant un passé imaginaire. Certes, il nous faut rompre avec l’imaginaire dominant et inverser la tendance. Mais critiquer le mythe du progrès ne nous oblige pas à adhérer à de nouveaux mythes passéistes.
(...)
Pour cela, nous devrions privilégier la culture d’opposition à la culture alternative. Par exemple en visant des changements politiques et économiques plutôt que psychologiques ou culturels. Ou encore en ciblant les institutions matérielles plutôt que « l’insurrection des consciences ».

« La science ça sert, d’abord, à faire la guerre » - Critique de la technoscience et du scientisme
Grâce à la Science, des minis tanks robotisés et armés

CRITIQUER LA SCIENCE

Parmi les choses qui possèdent une aura sacrée, aujourd’hui, aux yeux de la plupart des civilisés, la science figure en bonne place. La science, l’idée de science au singulier — qui n’est pas « la connaissance », qui n’est pas « le savoir » — naît au XIXe siècle en France. On parlait auparavant essentiellement de sciences au pluriel, ou de « philosophies naturelles » pour désigner l’étude de la nature et de l’univers physique. L’idée de science au singulier se développe en même temps que les premiers laboratoires scientifiques, que les prémisses du complexe technoscientifique contemporain. Autrement dit, depuis son avènement, l’idée de science au singulier désigne un complexe technoscientifique, industriel et scientifique, intrinsèquement lié au capital et à l’État — Galilée lui-même, souvent considéré comme un des pères fondateurs de la science moderne, fut financé par l’argent de riches et puissants, notamment le grand-duc de Toscane ; ses travaux, qui servirent en partie des fins militaires, ne purent être réalisés que grâce à certains instruments techniques complexes qu’il fallait faire fabriquer, ce qui implique encore argent et pouvoir. Aussi, dès le départ, la science est liée à la guerre (un des principaux soucis, une des plus importantes activités de l’État et du capital, des riches et des puissants). Ou, comme le note Michel Pinault, chercheur au CNRS (centre Alexandre-Koyré), « la science ça sert, d’abord, à faire la guerre ».

Guillaume Carnino, auteur d’un excellent livre sur le sujet intitulé “L’Invention de la science. La nouvelle religion de l’âge industriel” résume :

« La science au singulier, la science contemporaine, la science impérialiste, naît et prolifère grâce au capitalisme industriel et à l’État moderne. On peut gager qu’elle les servira encore longtemps. »

C’est pourquoi les anarchistes naturiens, fin XIXe et début du XXe, se disaient « anti-scientifiques » — non pas parce que la science ne fonctionne pas, non pas par incroyance en ses capacités, mais au contraire parce qu’elle fonctionne, parce que son fonctionnement implique l’État et le capitalisme, une société hiérarchiquement organisée, et parce qu’elle parvient à réaliser les désirs largement nuisibles de ceux qui la contrôlent. C’est à la science et aux scientifiques qu’on doit le développement de toutes les armes modernes, de tout l’appareil technique moderne, des technologies qui détruisent le monde et de celles qui servent à nous contrôler, nous surveiller, nous opprimer. C’est à la science et aux scientifiques qu’on doit les deux Guerres mondiales, Hiroshima, Nagasaki, le Roundup, la tronçonneuse, la voiture, l’ordinateur, le chevalet de pompage de pétrole, la télévision, le smartphone, le LBD, etc., et jusqu’au réchauffement climatique — lui-même ! — que les scientifiques déplorent amèrement aujourd’hui et souhaitent endiguer, au moyen de diverses mesures, dont le développement de nouvelles technologies, mais jamais en remettant fondamentalement en question le monde qui les financent, le complexe sociotechnique moderne, l’État et le capitalisme, bien évidemment.

Dans les laboratoires de R&D, les instruments de la domestication, de l’oppression, de la répression et de la surveillance de demain, pire encore que celles d’aujourd’hui, sont en gestation ; aux côtés de ceux qui permettront une exploitation et une dévastation toujours plus poussées du monde naturel.

(post de N Casaux)

- Article complet sur : La science, facteur majeur de la catastrophe sociale et écologique en cours (par Nicolas Casaux) (...) N’écoutez pas la Science et ses apologistes — ce qui, bien entendu, ne signifie pas : « arrêtez de prendre du doliprane ».
Écoutez ceux qui voyaient venir la catastrophe en cours, et qui, bien souvent, nous mettaient en garde face au rôle de la science dans son développement.

- et aussi :

« La science ça sert, d’abord, à faire la guerre » - Critique de la technoscience et du scientisme
La techno-science doit sans cesse inventer de nouvelles innovations pour contrecarrer les effets néfastes des précédentes inventions
« La science ça sert, d’abord, à faire la guerre » - Critique de la technoscience et du scientisme
Pas besoin de Mad Max pour que la techno-science et ses chercheurs créent des outils meurtriers

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