La contre-insurrection permanente de l’Etat, du Capital ...et de la gauche

Technologies et armes modernes fournissent de meilleurs outils aux néo-fascismes - Les constitutions sont le paravent du Pouvoir

mardi 28 janvier 2025

Quelques rappels toujours utiles sur la contre-insurrection permanente ancrée dans la pseudo-démocratie étatisée, et sa déclinaison à gauche dans le réformisme et le mouvement social.
Et les constitutions ne nous sauveront pas de la tyrannie et du Pouvoir....

La contre-insurrection, la gauche et nous

- La contre-insurrection, la gauche et nous

Pas de paix sociale sans contre-insurrection. Quelques réflexions à chaud.

Ce texte a été rédigé après une projection de la vidéo « Gaza Ghetto Uprising » réalisée par Adi Callai. D’autres se proposent de retracer la généalogie coloniale du maintien de l’ordre ou de dénoncer l’actualité des rapports de domination impérialiste. En-deçà des préoccupations anti-impérialistes du moment, ce texte cherche simplement à pointer le caractère éminemment contre-insurrectionnel de la paix sociale dans les sociétés libérales et démocratiques. Rien de nouveau sous le soleil, mais sans doute un rappel utile après le grand ralliement électoraliste des législatives.
(...)

La contre-insurrection repose sur un principe stratégique fondamental : la séparation entre peuple et révolutionnaires, l’isolement des insurgés vis-à-vis de la population. Les moyens déployés à cette fin n’empêchent ni ne remplacent le déploiement d’une violence aveugle et extrême par le pouvoir, tant sur le plan social que policier. Tous les régimes démocratiques sont des régimes répressifs, et aucun ordre constitutionnel n’a jamais condamné l’émergence de forces paramilitaires en temps de crise extrême.
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La différence fondamentale entre le « fascisme qui vient » et celui du siècle dernier réside dans l’incroyable effort de modernisation étatique réalisé par les sociétés démocratiques depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, aussi bien du point de vue des méthodes de contre-insurrection élaborées dans les guerres coloniales, que des moyens de contrôle technologiques largement normalisés grâce aux « services » quotidiens qu’ils rendent aux consommateurs et aux usagers qui collaborent désormais systématiquement, bon gré mal gré, à leurs algorithmes. La voie du développement démocratique et libéral qui a semblé préserver certains États du fascisme dans l’entre-deux-guerres a, en définitive, aiguisé les armes que le fascisme allait déployer contre leurs populations une fois leur conquête achevée. L’ensemble des innovations technologiques modernes, dont la possibilité même repose déjà sur la surexploitation sordide de franges du prolétariat industriel et agricole mondial et le saccage des conditions de la vie sur Terre, dévoilent quotidiennement leur potentiel dystopique.
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Le réformisme, c’est-à-dire la gestion et le gouvernement des contradictions et antagonismes qui traversent la société, se présente comme une forme de contre-révolution préventive. Un exercice progressiste du pouvoir repose sur des principes et des pratiques de contre-insurrection, dont l’application modérée et édulcorée permet de faire avaler la pilule de la paix sociale. Car en définitive, il s’agit toujours d’encadrer les concessions, de procéder à des ajustements ordonnés, de s’assurer qu’on ne prenne pas plus que ce qu’on nous donne. Sous leurs airs justes et altruistes, les petits pères des peuples cachent des dents d’acier. N’en déplaise aux mous de l’urne, tous plus pressés les uns que les autres d’élire leur nouveau paternel de substitution.
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Confondre le suffrage universel et la volonté populaire, donner la primauté à l’élection sur l’action directe, c’est réduire le caractère démocratique d’une société à sa capacité à organiser des scrutins et réduire les sujets politiques à leur rôle d’électeurs. C’est un choix politique, qui repose sur une conception du monde et un projet de société absolument compatibles avec l’ordre existant, sa recherche de croissance, ses injonctions à la performance, sa naturalisation de l’État et de la valeur-travail, sa tendance à quantifier le vivant et à mettre un prix sur les interactions humaines. Au centre tranquille du malheur comme à ses marges, la gauche est toujours une valeur sûre, bien que généralement le derniers recours, de la remise au travail et du retour à la raison des peuples au croisement de leur émancipation sociale.
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La fonction pacificatrice de la gauche, au sens large du terme, rappelle celle des organisations humanitaires et des ONG. À ceci près que la gauche fait toujours courir le risque, pour l’ordre social existant, de voir se constituer un peuple de gauche susceptible de transformer sa conscience tronquée en force matérielle. C’est d’ailleurs tout le principe du dialogue social, qui réunit les intermédiaires et les négociants au-delà de leurs différends dans leur volonté de circoncire les conflits à des mouvements sociaux dont la fonction revient grosso modo à raisonner la colère, à formuler des doléances compatibles avec le langage de la domination étatique et économique, là où l’impératif révolutionnaire ordonne au contraire d’agir ici et maintenant sur nos conditions de vie et de provoquer une transformation de la société à sa base.
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L’idéologie du développement et la tendance pathologique à la panique morale sont les deux pièces d’une même médaille, qui conduiront toutes deux à accompagner le désastre en lui donnant des traits suffisamment optimistes ou humanistes pour le rendre acceptable aux yeux de l’opinion public, que ce soit en désignant l’Autre comme bouc-émissaire ou en taxant les ultra-riches.
(...)

- voir aussi :

  • La constitution : histoire d’un fétiche social - Au sein de la gauche, parlementaire comme extra-parlementaire, nous voyons régulièrement réapparaître des revendications constitutionnelles ; la promesse d’une 6e République, l’organisation d’une assemblée constituante, des petits ateliers pour rédiger notre constitution idéale, etc. Il s’agit à chaque fois de perpétuer cette drôle d’idée : la constitution ce serait un peu de nous, nous serions même un peu constitués et si elle était mieux rédigée nous ne manquerions pas d’être plus libres, plus égaux, plus heureux. C’est cette croyance que Lauréline Fontaine, professeur de droit public et constitutionnel vient dynamiter dans son excellent La constitution au XXIe siècle, histoire d’un fétiche social (éditions Amsterdam). Car lorsque l’on étudie l’histoire des constitutions, en France comme ailleurs, ce sont toutes nos illusions qui s’évaporent. Cette pratique bien particulière qui consiste à « écrire le pouvoir » s’avère systématiquement être un leurre qui vise à nous faire adhérer au pouvoir tout en nous dépossédant de toute prise sur lui. C’est en tous cas l’implacable démonstration faite par Lauréline Fontaine dans cet entretien. Ces illusions perdues, s’ouvrent alors l’une des questions les plus importantes de notre époque : comment sortir du cercle constituant/constitué, soit comment penser une puissance destituante ?
Constitution, histoire d’un fétiche social - Lauréline Fontaine
par [lundimatin->https://www.youtube.com/@lundimatin3299]
https://youtu.be/hfRKTBth4JQ

00:00 introduction
00:11 La constitution, un objet mystérieux mais omniprésent qui nous protègerait du despotisme (présentation du livre)
2:23 Quel rapport la constitution entretient-elle avec la société ? Qu’est-ce que le constitutionnalisme ?
05:16 Qu’y a-t-il dans une constitution ?
06:46 Créer l’illusion du peuple constituant qui adhère au pacte social
08:59 Est-ce que ce n’est pas grâce à la constitution que nous gagnions des droits ou abolissons certaines oppressions, par exemple l’esclavage ? (spoiler, non)
16:07 Quel rapport entretiennent les constitutions avec l’ordre économique et libéral ? Ou comment se reconduit la séparation entre politique (organisation formelle du pouvoir) et économie (mise au pas effective des sujets économiques)
23:40 Le constitutionnalisme se diffuse par le biais des grandes puissances économiques
24:50 La propriété privée comme pierre angulaire de toutes les constitutions
30:07 « On finit par donner le nom de démocratie à un régime qui était au départ conçu comme l’opposé de la démocrate »
34:18 Pourquoi la meilleure des démocraties représentatives ne sera jamais démocratique
37:05 Le Droit n’existe que comme outil de domination (même si ponctuellement, on peut bien connaître d’heureuses victoires)
38:00 Les exemples de constitutions vertueuses, leurs réussites et leurs échecs
40:15 Pourquoi le pouvoir a-t-il toujours besoin d’oripeaux, de déguisements, de maquillage ? Et à quoi ça lui sert ?
45:12 Ne plus s’étonner que la constitution soit systématiquement trahie par les pouvoirs institués
47:31 Le droit ne fait-il pas quand même office de contre-pouvoir ?
55:25 #LibérerGino (intermède publicitaire pour un camarade antifasciste incarcéré)
58:32 « Les libertés qui nous sont accordées qu’à la condition qu’elles ne nuisent pas au bon déploiement des rapports économiques à l’origine de toutes les formes de misères sociales »
59:59 Le constitutionnalisme par rapport au droit international. Comment le consitutionnalisme déborde l’État-nation
1:02:52 La néféodalisation des institutions et de l’économie.
1:04:27 La Science Fiction est-elle la trame des constitutions techno-fascistes et algorithmiques à venir ?
1:09:22 Comment le néo-libéralisme mène à la technocratie, soit la délégation du pouvoir à la science et à la technique
1:14:12 Le cauchemar d’une justice algorithmique
1:17:06 Et donc la seule solution, c’est la destitution !

  • Une attaque contre-insurrectionnelle en règle - À propos de la récente tribune des généraux - Jérémy Rubenstein
    Ici, je vais analyser trois documents récents, deux textes publiés sur des sites liées à des militaires, l’un signé par des généraux –“lettre des généraux” désormais- et republié par l’hebdomadaire Valeurs Actuelles le 21 avril, l’autre par des colonels –“réponse des colonels”- et signalé par la revue Regards, et une intervention télévisée de Mme Maréchal Le Pen le 29 avril. Les contenus de ces trois documents dialoguent entre eux et se comprennent sous le prisme d’une idéologie particulière, celle de la contre-insurrection (que nous évoquerons à travers certains de ses auteurs de référence, les colonels Charles Lacheroy et David Galula).

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