La contestation sociale, non essentielle peut-être ??

N’imaginons pas que la dystopie c’est ailleurs, en Belgique ou à l’autre bout du monde

vendredi 12 mars 2021, par Joco la frite.

OUFTI, LA CONTESTATION SOCIALE, NON ESSENTIELLE PEUTTRE ?

Imaginons un pays où un nouveau virus circule. Imaginons que le nombre de lits en soins intensifs, les personnels soignants et le matériel médical y fassent les frais de coupes budgétaires depuis longtemps, que les autorités soient très mal préparées et, par dessus le marché, qu’elles soient peu soucieuses de l’intérêt général [1].

Imaginons maintenant que, pour compenser leur inaction, elles imposent à la population des règles qui interdisent de se réunir dans l’espace public ou privé, qui affectent négativement les corps, les liens sociaux et les santés mentales, particulièrement les femmes, les personnes âgées, isolées, en situation de handicap, sans papiers ou qui vivent de la rue.

La contestation sociale, non essentielle peut-être ??
La dystopie s’étend, et pas seulement en Belgique

Imaginons que le pouvoir exécutif prenne des décisions lourdes de conséquences sur les existences mais qu’il le fasse à coup d’arrêtés ministériels, sans vraiment se soucier du parlement.

Imaginons qu’il ne soit plus permis de critiquer ce pouvoir dans la rue ; que les rassemblements extérieurs soient limités à 100 personnes maximum, qu’ils ne puissent être que statiques et qu’ils doivent être préalablement autorisés ; que les manifestations mouvantes soient interdites, exposant les contrevenant.es à une amende de 250€. Imaginons que le refus ou l’impossibilité de la payer entraîne des poursuites pénales.

Imaginons qu’un couvre-feu soit mis en place.

Imaginons que pour faire respecter ces contraintes, les autorités comptent sur la police et son peloton anti-banditisme ; qu’environ 200 000 procès-verbaux soient dressés en moins d’un an.

Imaginons qu’en allant chercher à manger auprès d’une initiative solidaire on puisse se faire frapper et arrêter.

Imaginons que la police judiciaire débarque chez des gens pour les interroger en les accusant, pour seul délit, d’avoir participé à une manifestation.
Imaginons que les plus jeunes ne puissent plus jouer au foot dans un parc ou se réunir pour partager un moment à l’air libre, que ces « attroupements » soient considérés eux aussi comme des délits.

Imaginons que le règne de l’arbitraire soit approfondi et que lors d’une « fête de la musique » ou d’un « 15 août » improvisé, ce soient des personnes racisées qui soient verbalisées en marge du rassemblement.

Imaginons que certains rassemblements soient interdits et d’autres autorisés, sans que ces décisions ne soient la conséquence de préoccupations sanitaires ; que cet arbitraire semble être lié au message porté par ces événements et à une volonté de la ville de soigner son image. Imaginons que certains rassemblements « non autorisés » soient poursuivis sur base d’images de caméras de la ville et d’autres non.

Imaginons que des manifestant.es se fassent coincer par centaines sur un pont au-dessus d’un fleuve et menacer par des autopompes ; que la police prenne des empreintes, fouille à nu, mente sur les procédures légales ou refuse l’accès aux toilettes, photographie et s’amuse de celles qui s’urinent dessus. Imaginons que la justice participe à cette surenchère répressive en envoyant des convocations menaçant de peine d’enfermement pour simple présence à cette manifestation.

Imaginons que des personnes soient interpellées pour « suspicion de participation à une manifestation » avant même de s’y rendre.

Imaginons qu’on ne puisse afficher à sa fenêtre un hommage à des personnes tuées par la police sous peine de voir des agents débarquer et exiger son retrait.

Imaginons que le droit à la contestation sociale soit de plus en plus limité.

Bienvenue en dystopie ? Non ! À Liège en 2021. Toutes ces situations ont malheureusement eu lieu dans la Cité Ardente. L’augmentation de la répression – particulièrement sur les mouvements sociaux et les personnes les plus marginalisées – n’est pas un phénomène nouveau, ni limité à Liège ou à la Belgique [2], mais il prend aujourd’hui une nouvelle ampleur. Les luttes pour une société égalitaire et solidaire sont durement impactées par les mesures sécuritaires. Le risque est de s’y habituer.

L’hypothèse des autorités est que nous serions trop inconscient.es pour comprendre et combattre ce virus. Elles nous infantilisent, nous culpabilisent et nous répriment depuis un an. Or, ce sont avant tout les associations de terrain, le travail social, les personnels de santé, les salarié.es sur leurs lieux de travail et le secteur socioculturel qui ont pris les décisions de bons sens
, avec leurs moyens limités, et permis de trouver des solutions pour appliquer des mesures sanitaires cohérentes avec des réalités multiples.

On n’affronte pas un virus en affrontant les gens. Se réunir, délibérer, manifester, créer des espaces de rencontres et d’échanges, célébrer, briser l’isolement, encourager l’expression sont des besoins vitaux. Au lieu d’envisager les pratiques démocratiques les plus élémentaires comme une source de danger, il est temps de les comprendre pour ce qu’elles sont : une source de force et d’intelligence collectives nécessaires pour faire face au virus.

- Nous appelons à :

  • Désobéir pour faire vivre le droit fondamental à se rassembler et à manifester ses opinions.
  • Signer et diffuser cette pétition ardente.
  • Refuser ensemble de payer les amendes pour « rassemblements non autorisés ».
  • Participer à mettre en lumière les situations invivables et soutenir les associations de terrain qui y répondent.
  • Créer et partager des caisses solidaires qui soutiennent les personnes précarisées par la situation ou la répression.

Notes
[1] Abandon des maisons de repos ; capacité de tests des laboratoires sous-utilisée ; pas de plan de gestion de crise ; déni et sous-estimation du problème les premiers mois ; pas de mesures prises concernant les retours des pays foyers en général ni des voyages d’affaires en particulier ; pas d’identification des clusters ; pas de fermeture des entreprises non essentielles pendant le confinement ; très peu de sanctions pour celles qui ne mettent pas en place des mesures sanitaires voire forcent leurs salarié.es à travailler dans de mauvaises conditions ; pas d’adaptation suffisante et concertée des transports, classes, centres commerciaux, lieux de travail ; pas d’anticipation concernant les vacances d’été ; pas de mise sous contrôle public de la recherche, production et distribution de vaccins ; pas de lutte contre les causes des (prochaines) épidémies ; etc.

[2] Le fait que toutes ces mesures émanent de l’autorité fédérale ne peut pas être utilisé comme excuse par les autres niveaux de pouvoir. Les services de police collaborent à chaque opération, un pouvoir local doit être capable de désobéir à des règles illégitimes voire illégales, et surtout une partie des exemples cités plus haut est de l’initiative des autorités et polices locales. Enfin, rappelons que la province de Liège voulait initialement limiter la possibilité de se rassembler à 4 plutôt qu’à 100

Plusieurs organisations et personnalités soutiennent cet appel :
Acteurs de l’Ombre ; Actions Cycloyennes ; Arsenic – Centre de création itinérant ; Barricade ; Brigades de Solidarité Populaire Liège ; CADTM Belgique (Comité pour l’abolition des dettes illégitimes) ; Centre culturel Kali ; Centre culturel Kurde ; Centre liégeois du Beau-Mur ; Le Cercle du Laveu ; CEPAG Verviers (Centre d’Éducation Populaire André Genot) ; La Cible ; Collectif solidarité liège-rojava ; CRACPE (Collectif de Résistance Aux Centres Pour Étrangers) ; CVFE (Collectif contre les Violences Familiales et l’Exclusion) ; D’une Certaine Gaieté ; Écologie Sociale Liège ; Extinction Rebellion Liège ; Front Antifasciste de Liège 2.0 ; Glue Gang – Collectif de collage intersectionnel ; Le Lab’Oratoire ; Liège pour le Climat ; METAL (Mouvement des Étudiant.e.s Travailleur.euse.s des Arts en Lutte) ; Migrations Libres ; mpOC-Liège (Mouvement Politique des Objecteurs de Croissance) ; Peuple et Culture Wallonie-Bruxelles ; PhiloCité ; Point d’Ancrage ; Sauvage Sauvage – Collectif artistique ; Still Standing for Culture ; Sortir du Bois ; Street-Medics Autonomes de Belgique ; Students for Climate Liège ; La Tête Haute – Collectif féministe libertaire ; Travail social en lutte ; VaVeA Semeurs de Possibles ; Voix de Femmes.

(un post relayé par CND)

REMARQUE :

et n’imaginons pas que ça se passe loin de chez nous uniquement chez les spécialistes de la frite, n’imaginons pas que c’est tellement différent en France, la soi-disante démocratie pays des droits de l’homme !

P.-S.

ceci explique en partie celà :

UN POLICIER ARRÊTE UN JOURNALISTE EN LUI DEBOITANT L’EPAULE, IL NE « COMPREND PAS DE DEVOIR SE JUSTIFIER »

Les faits remontent au 11 juin 2019. Le journaliste Taha Bouhafs qui couvre un mouvement de grève dans l’entreprise Chronopost est pris pour cible par des policiers en civil. Les agents le poussent, le provoquent, puis l’arrêtent violemment. Il est écrasé au sol, son épaule est déboitée, puis il est jeté en garde à vue pour « outrage et rébellion ». Mais toute la scène a été filmée.

Il aura fallu finalement patienter quasiment deux ans, un rapport de l’inspection générale de la police nationale, le dépôt d’une question prioritaire de constitutionnalité, deux renvois de la part du tribunal pour que le procès du journaliste ait lieu hier mercredi. Oui, car c’est bien la victime, qui, comme souvent, comparait en justice après avoir été violentée par la police. Le fonctionnaire, qui ne portait ni brassard ni signe distinctif, prétend avoir été traité de « racaille de flic ».

Lors de l’audience, les images sont projetées, et font voler en éclat la version policière. Jusqu’ici rien d’exceptionnel. Mais le policier Maxime Demaire aura, devant les magistrats, une remarque intéressante : « je comprends même pas qu’on doive se justifier et s’expliquer autant sur le fond, la forme. Cela me dépasse un peu. Je dois dire que dans ma carrière, j’ai déjà fait des choses bien plus grave. Et je n’ai pas dû me justifier autant... ». Il a tout résumé. L’impunité systématique des forces de l’ordre. Le fait même d’être questionné pour avoir déboîté l’épaule d’un journaliste les choque, tant leur sentiment de toute puissance est omniprésent et tant ils font pire régulièrement.

Son avocat, le militant d’extrême droite Laurent-Franck Liénard ajoute : « Quand on aura besoin des policiers, on les appellera. Mais ils le viendront plus. Ils en auront assez... » avant d’ajouter que les policiers se sentent « jetés en pâture aux loups », puis réclame 2 500 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi par l’agent ! Encore une illustration que la police est devenue un corps autonome qui a fait sécession, et détient le pouvoir réel. La procureure réclame finalement 700 euros d’amende à verser au policier par Taha Bouhafs.

Le journaliste va se défendre en dénonçant les violences d’Etat : « C’est l’État qui est responsable de tout ce qui se passe aujourd’hui. C’est l’État qui forme la police de M. Demaire. C’est l’État qui a créé une brigade anti-arabe et qui a perpétué cette problématique jusqu’à aujourd’hui. » La décision est mise en délibéré au 11 mai.

Au delà de cette affaire parmi des centaines d’autres, retenez la parole de cet agent violent devant la justice. « J’ai déjà fait des choses bien plus grave. Et je n’ai pas dû me justifier autant... »

(post de nantes révoltée)


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