« La colère des quartiers populaires est légitime » : la CGT soutient (enfin) les révoltes urbaines

lundi 4 mai 2020, par janek.

La colère des quartiers populaires est légitime ! Telle est le titre d’une tribune parue vendredi sur le Bondy Blog, revenant sur « l’accident grave survenu à Villeneuve-la-Garenne [qui] a provoqué une série de tensions entre jeunes et forces de l’ordre dans plusieurs quartiers populaires ». Bien qu’il y ait eu récemment plusieurs cas de violences policières documentées ainsi que différentes morts suspectes (c’est-à-dire imputables aux forces de police), les images d’un motard blessé après avoir percuté la portière d’une voiture de police ont embrasé les cités.

Signé par un vaste panel d’associations, de collectifs de quartiers et de partis de gauche, le texte rappelle quelques vérités : « Nous refusons de renvoyer dos-à-dos les révoltes des populations dans les quartiers populaires et les violences graves et inacceptables exercées par la police. Nous n’inversons pas les responsabilités et nous le disons tout aussi clairement : ces révoltes sont l’expression d’une colère légitime car les violences policières ne cessent pas. »

Chose remarquable, le texte est également signé par la CGT. La centrale de Montreuil n’est pourtant pas vraiment coutumière du fait. En 2005, lors de grand soulèvement des banlieues, le syndicat avait certes évoqué une crise sociale, mais tout en condamnant les violences urbaines. Lors du mouvement social contre la loi travail, en 2016, son service d’ordre, en liaison avec les forces de l’ordre, s’est parfois confronté à des manifestants considérées « casseurs », et des représentants syndicaux, quand ils ne relaient pas la thèse douteuse des « policiers infiltrés » n’ont pas hésité à réclamer davantage de répression contre les « casseurs », malgré les innombrables mutilations. La condamnation des violences policières n’est donc pas un réflexe à la CGT.

Mais ne crachons pas dans la soupe. La signature de cette tribune est un excellent signe de rapprochement entre le syndicat et divers luttes considérées jusque-là avec mépris, ou du moins comme extérieure à son champ d’action. Cette tribune fait suite à divers initiatives courageuses de la base de la CGT durant les derniers mouvements sociaux, notamment la CGT Info-Com, et rendues visibles ces derniers-jours par des positions publiques, comme une interview de deux syndicalistes de la CGT RATP le 23 avril sur le site Révolution permanente, intitulée « Ne pas dénoncer les violences policières dans les banlieues, c’est en être complice », et qui pose de bonnes questions : « Les syndicats doivent se positionner [sur les violences policières], ce n’est pas normal qu’ils ne disent rien ! On ne devrait même pas se poser la question, le syndicat défend le salarié donc il défend tout ce qui va avec, il faut être en phase avec la réalité du quotidien. Avec le petit peuple de banlieue, on fait partie de la même classe, la classe des travailleurs. Mais les confédérations syndicales sont dans les hauts niveaux, dans la négociation… pourtant plein de travailleurs sont issues de la banlieue. Comment peuvent-ils s’intéresser au syndicalisme et à la lutte des classes si les syndicats ne s’intéressent pas à cette violence d’État qu’ils vivent dans leurs quartiers ? »

Cette évolution remarquable et positive ne manquera pas de déclencher l’hystérie habituelle des médias mainstream, qui relaient avec complaisance la version des syndicalistes policiers d’Alliance (ce weekend, dans un article hallucinant, France 3 Occitanie justifiait le tabassage sanglant d’un homme au sol à Toulouse au prétexte qu’il s’était échappé d’un hôpital psychiatrique…)

Cette évolution semble cependant épargner d’autres syndicats : si Solidaires, qui syndique pourtant les agents du ministère de l’Intérieur, appuie comme à son habitude les révoltes populaires, le syndicat Force Ouvrière – très présent chez les policiers et les matons – reste plus discret, hormis l’un de ses affiliés du 93, qui a signé la tribune. Preuve s’il en est que les grandes organisations syndicales ne sont pas les blocs homogènes souvent fantasmés par leurs défenseurs comme par leurs opposants. Elles sont au contraire à l’image d’une réalité sociale changeante, évoluant constamment, marquée par d’importantes contradictions… Et porteuse d’un potentiel contestataire bien réel.

Tribune complète :

« Ces derniers jours, l’accident grave survenu à Villeneuve-la-Garenne a provoqué une série de tensions entre jeunes et forces de l’ordre dans plusieurs quartiers populaires. Une trentaine d’organisations politiques, syndicales et militantes, parmi lesquelles la CGT, le Comité Adama, le NPA et Solidaires, appellent à considérer cette colère pour ce qu’elle est.

Dans la nuit du 19 au 20 avril, plusieurs quartiers populaires ont connu des nuits de révolte.

La veille au soir, un homme a failli perdre sa jambe à Villeneuve-la-Garenne après une violente tentative d’interpellation policière et c’est bien cela qui a mis le feu aux poudres.

Les populations qui vivent dans les quartiers populaires sont en première ligne face à la crise sanitaire : elles sont parmi celles qui travaillent dans les « secteurs essentiels », celles qui permettent à notre société de ne pas s’effondrer aujourd’hui.

Pourtant, les inégalités sociales, déjà criantes, sont renforcées par la gestion du coronavirus et vont exploser avec la crise économique et sociale à venir. Ce dont témoigne déjà, entre autres, la surmortalité particulièrement élevée en Seine-Saint-Denis depuis le début de l’épidémie.

Les discriminations racistes, déjà insupportables, sont renforcées par l’impunité policière et les violences et humiliations se multiplient dans les quartiers populaires. On peut y ajouter le couvre-feu discriminatoire imposé aux habitant·es de ces quartiers par la ville de Nice. Ces injustices flagrantes sont documentées, nul ne peut les ignorer.

Alors nous le disons très clairement : nous refusons de renvoyer dos-à-dos les révoltes des populations dans les quartiers populaires et les violences graves et inacceptables exercées par la police.

Nous n’inversons pas les responsabilités et nous le disons tout aussi clairement : ces révoltes sont l’expression d’une colère légitime car les violences policières ne cessent pas.

Les inégalités et les discriminations doivent être combattues avec vigueur et abolies : avec les populations des quartiers populaires, nous prendrons part à ce juste combat pour l’égalité, la justice et la dignité. »

Voir en ligne : https://lepoing.net/la-colere-des-q...

P.-S.

Cette évolution semble cependant épargner d’autres syndicats : si Solidaires, qui syndique pourtant les agents du ministère de l’Intérieur, appuie comme à son habitude les révoltes populaires, le syndicat Force Ouvrière – très présent chez les policiers et les matons – reste plus discret, hormis l’un de ses affiliés du 93, qui a signé la tribune. Preuve s’il en est que les grandes organisations syndicales ne sont pas les blocs homogènes souvent fantasmés par leurs défenseurs comme par leurs opposants. Elles sont au contraire à l’image d’une réalité sociale changeante, évoluant constamment, marquée par d’importantes contradictions… Et porteuse d’un potentiel contestataire bien réel.

Tribune complète :

« Ces derniers jours, l’accident grave survenu à Villeneuve-la-Garenne a provoqué une série de tensions entre jeunes et forces de l’ordre dans plusieurs quartiers populaires. Une trentaine d’organisations politiques, syndicales et militantes, parmi lesquelles la CGT, le Comité Adama, le NPA et Solidaires, appellent à considérer cette colère pour ce qu’elle est.

Dans la nuit du 19 au 20 avril, plusieurs quartiers populaires ont connu des nuits de révolte.

La veille au soir, un homme a failli perdre sa jambe à Villeneuve-la-Garenne après une violente tentative d’interpellation policière et c’est bien cela qui a mis le feu aux poudres.

Les populations qui vivent dans les quartiers populaires sont en première ligne face à la crise sanitaire : elles sont parmi celles qui travaillent dans les « secteurs essentiels », celles qui permettent à notre société de ne pas s’effondrer aujourd’hui.

Pourtant, les inégalités sociales, déjà criantes, sont renforcées par la gestion du coronavirus et vont exploser avec la crise économique et sociale à venir. Ce dont témoigne déjà, entre autres, la surmortalité particulièrement élevée en Seine-Saint-Denis depuis le début de l’épidémie.

Les discriminations racistes, déjà insupportables, sont renforcées par l’impunité policière et les violences et humiliations se multiplient dans les quartiers populaires. On peut y ajouter le couvre-feu discriminatoire imposé aux habitant·es de ces quartiers par la ville de Nice. Ces injustices flagrantes sont documentées, nul ne peut les ignorer.

Alors nous le disons très clairement : nous refusons de renvoyer dos-à-dos les révoltes des populations dans les quartiers populaires et les violences graves et inacceptables exercées par la police.

Nous n’inversons pas les responsabilités et nous le disons tout aussi clairement : ces révoltes sont l’expression d’une colère légitime car les violences policières ne cessent pas.

Les inégalités et les discriminations doivent être combattues avec vigueur et abolies : avec les populations des quartiers populaires, nous prendrons part à ce juste combat pour l’égalité, la justice et la dignité. »


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