Le contrôle machinique des humains et/ou leur transformation en cyborgs va bon train.
Après les téléphones mobiles et leurs collectes de données, les réseaux « sociaux » aspirateurs de vies, les pass sésames à base de QR codes, les preuves de recherches d’emploi via numérique pour Pôle Emploi, la surveillance algorithmique, voici bientôt le portefeuille d’identité numérique.
Des machines scannent et surveillent d’autres machines, et les reliquats d’humains qui y sont attachés (comme une pièce jointe d’un message électronique) doivent suivre, ou disparaître.
La société industrielle, la société de masse, poursuit son indispensable gestion des flux humanoïdes.
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Tant pis pour les bugs, tant pis pour la recherche de la liberté, tant pis pour la vie. Des machines sous perfusion numérique conviennent mieux au techno-monde productiviste et à ses marchandises mortes, alors ce sera le règne des machines, qui simuleront la vie par des mouvements robotiques parfaitement fluides.
Les humains doivent de plus en plus prouver leur existence aux machines, bientôt seules juges de qui pourra vivre ou mourir, du niveau d’accès à tel équipement, denrée, énergie, aide.
biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip
...à moins que des grains de sable se multiplient et viennent se mettre aux bons endroits ?
- L’humain machine encastré dans le monde Machine - De la pandémie au monde cybernétique
- Multiplier les grains de sable avant d’être complètement broyé/absorbé par la méga-machine ?
Putsch technologique sur la smart-planet
Extrait de cet article à propos du dernier livre de PMO (Pièces & Main-d’œuvre) 𝗟𝗘 𝗥𝗘̀𝗚𝗡𝗘 𝗠𝗔𝗖𝗛𝗜𝗡𝗔𝗟, La crise sanitaire et au-delà : http://acontretemps.org/spip.php?article875 (𝑃𝑢𝑡𝑠𝑐ℎ 𝑡𝑒𝑐ℎ𝑛𝑜𝑙𝑜𝑔𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑠𝑢𝑟 𝑙𝑎 𝑠𝑚𝑎𝑟𝑡-𝑝𝑙𝑎𝑛𝑒𝑡)
👉 Le Règne machinal dresse un constat : celui de l’incarcération de l’homme-machine dans le monde-machine. Soit l’accélération, à la faveur de la crise sanitaire, d’un phénomène vieux de plus de deux siècles : l’arrachement de l’humain à son biotope naturel pour l’enraciner, par la contrainte ou la séduction, dans un « technotope » ̶ comprendre : un environnement artificialisé où, par la grâce de la cybernétique, le troupeau humain se gère à la manière de flux. À la source d’une telle eschatologie de malheur : l’homme et sa nature faillible. Paquet de sang, viscères et passions tristes, l’homme est cette créature imprévisible qu’il convient de calibrer et de coder en une succession de 1 et de 0, soit la loi pauvrement binaire d’une numérisation urbi et orbi.
Maniant ironie et distance critique, PMO reprend les travaux du naturaliste suédois Carl von Linné et son classement de la nature sous l’empire de trois règnes : minéral, végétal et animal, auquel s’ajouterait désormais le règne machinal , soit « l’interconnexion volontariste et transcendante de tous les composants artificiels et fonctionnels en un système total, ne laissant rien subsister en dehors de lui et résorbant toutes les consciences individuelles en une seule conscience machinale et impersonnelle ». Pour couper court aux interprétations fantaisistes, une précision : les composants artificiels et fonctionnels, c’est nous.
Nous les télétravailleurs ou patients-contacts tracés jusque dans leurs dernières intimités, nous les amateurs de troquet ou voyageurs en train obligés de se QRcodiser, nous les bibliothécaires et agents d’accueil des piscines municipales sommés de contrôler le statut vaccinal des usagers. Insaisissable et parfois asymptomatique, le virus est ce bug permanent qui entrave nos sociabilités les plus évidentes, nous réunit en tant qu’êtres définitivement séparés, réifiés en simples machins de la Machine. La société face au spectacle de ses dernières dévitalisations. Debord avait pourtant prévenu : « Ici, pour rester dans l’humain, les hommes doivent rester les mêmes ».
Le bain numérique est ce « filet de contention cybernétique » sans cesse remaillé et ajusté par les gants chirurgicaux d’une technocrature aussi à l’aise en costard-cravate qu’en blouse blanche. Nous y sommes tous plongés. Pas plus l’auteur de ces lignes que PMO n’avons la prétention de nous en extraire. « On peut vivre contre son temps, mais non en dehors », rappellent utilement les Grenoblois. L’argument vaut pour ces courtes-vues qui reprochent aux tenants de la ligne anti-industrielle de critiquer les nouvelles technologies tout en utilisant certains de ses outils. Autant reprocher au militant antinucléaire de trahir sa cause chaque fois qu’il actionne un interrupteur de sa casbah.
En 2008, l’essayiste québécoise Naomi Klein publiait La Stratégie du choc. On sait le succès de la thèse du livre liant la progression des prédations ultralibérales à la faveur de crises majeures et autres catastrophes naturelles. Sans reprendre la formule de Klein, PMO laisse entendre que le même genre de mécanisme aurait été à l’œuvre durant la crise sanitaire : « La technocratie a saisi l’occasion du choc, de la rupture, brutale et inédite, pour accélérer la mutation du système techno-économique ». Que le Covid ait été une opportunité pour le déchaînement numérique avec pour corollaire une atrophie toujours plus aiguë de nos derniers espaces d’autonomie collective ne laisse aucun doute. Il n’y a qu’à voir, comme le listent les auteurs, le boom sans précédent du commerce électronique, la galopante généralisation du télétravail (va-t’en appeler à la grève quand l’idée même de collectif physique de travail a perdu toute substance), le câblage des minots aux écrans via l’enseignement en distanciel, etc. Si dans ce registre la pandémie a bien joué le rôle d’aubaine, reste à savoir si elle n’a été que ça. Si le péril sanitaire a été à ce point surjoué et dramatisé par nos élites « afin de forcer le passage [de l’économie] au numérique et aux technologies convergentes (Nano-Bio-Info-Neuro, IA, etc.), cependant que nul ne peut s’y opposer ».
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Une autre hypothèse consisterait à penser que ce qui s’est mis en place, à partir du printemps 2020, dans notre pays ressemble bien à une politique de santé publique. Certes autoritaire, erratique, infantilisante et entrelardée de mensonges d’État mais belle et bien effective. L’attention mise sur les services de réanimation en est un exemple évident. Mais on pourrait en citer un autre, comme ces services de la Sécurité sociale dont l’ordinaire consiste à fliquer les salariés en arrêt maladie et à les remettre au boulot et qui, soudainement, ont vu leur mission faire un véritable tête-à-queue puisqu’il s’agissait désormais de payer les gens pour… qu’ils restent chez eux.
C’est-à-dire qu’à un moment donné, et notamment dans les premiers mois de la pandémie, le Pouvoir a pu considérer l’affaire comme suffisamment grave et imprévisible pour réactiver, momentanément, la vieille geste providentielle (le fameux « quoi qu’il en coûte ») et congeler toute vie sociale pour freiner la circulation virale. Disant cela, il ne s’agit pas de courber l’échine devant l’e-schlague (ou la schlague tout court) macronienne, encore moins d’applaudir la toute-puissance d’un exécutif allant jusqu’à suspendre la fiction parlementaire via un état d’urgence devenu routinier, mais de comprendre que ceux-là mêmes qui nous laissent nous empoisonner au quotidien par tout un ensemble de pollutions environnementales peuvent décider, si les circonstances l’obligent, de protéger le cheptel humain d’une menace insidieuse et infernale à circonscrire. Y compris en jouant sur nos vieilles peurs des épidémies infectieuses – mettant sous le boisseau que la véritable catastrophe sanitaire, quotidienne, concerne les maladies chroniques.
Cette appréciation des faits n’amoindrit en rien le solide corpus développé par PMO. C’est-à-dire qu’il est tout à fait possible de penser simultanément la pandémie virale et la déferlante numérique sans que la première ne soit réduite à l’état de prétexte pour le déploiement de la seconde. En outre, une telle approche « duale » pourrait servir de base de discussion pour couper court à quelques embardées intellectuelles ayant farci la tête de certains manifestants de l’été. Expliquer qu’on peut s’opposer au monde tel qu’il se reconfigure brutalement tout en cultivant un minimum de responsabilité face au risque sanitaire. Et pourquoi pas essayer d’imaginer comment des humains enfin démachinés, soit désencastrés de la Machine, seraient à même de gérer collectivement la récurrence de tels fléaux. Prospective vis-à-vis de laquelle PMO fournit des jalons essentiels sur lesquels ancrer toute pensée critique digne de ce nom.