Ce jeudi 9 juillet deux hommes seront jugés par le tribunal correctionnel de Lons-le-Saunier, accusés d’avoir incendié le 15 avril dernier un relais téléphonique à Foncine-le-Haut dans le Jura.
Ces derniers mois des antennes-relais ont brûlé dans le monde entier. Tandis que les médias s’engouffrent dans la piste du complotisme pour dépolitiser les raisons de s’attaquer aux antennes-relais et à la 5G, la police fait son sale boulot, et a déjà arrêté quelques personnes. Le procès des deux Jurassiens est l’un des premiers médiatisés en France. Les inculpés auront à passer un examen psychiatrique avant l’audience. Il semble pourtant que cette folie soit largement partagée.
Le 16 juin, deux autres personnes ont été interpellées par des gendarmes en planque, alors qu’elles pénétraient sur le site de l’antenne-relais 5G de Contes (Alpes-Maritimes) en pleine construction. Le dispositif de 21 mètres avait déjà été plusieurs fois la cible d’attaques. La contestation menée depuis près d’un an par les habitants de la commune, le maire et le collectif Narf (Non à l’antenne-relais Free) contre son installation s’exprimait par ailleurs lors de nombreuses discussions publiques et de recours en justice.
Le 30 juin dernier, ce sont six personnes qui ont été interpellées dans le Nord pour l’incendie d’une antenne-relais 5G à Douai le 3 mai. Cinq d’entre elles passeront en procès le 30 juillet.
Depuis des années, et probablement dès leur apparition, la contestation s’est manifestée contre les infrastructures des flux de communication. Autant de refus de vivre dans un monde hyper-connecté.
L’étau du tout-numérique se resserre. Les cotations en bourse des entreprises high-tech, elles, explosent
Si la vague d’incendie qui a soufflé un grand nombre d’antennes-relais ces derniers mois s’est intensifiée avec la crise sanitaire, ce serait moins à cause du virus que contre les politiques de gestion gouvernementale qui lui ont répondu. Au nom de l’état d’urgence sanitaire, un contrôle sans précédent s’est appliqué sur près de la moitié de la population mondiale, avec une attaque historique aux libertés individuelles dans une quasi-absence de réaction effarante.
Alors que le régime de surveillance prend des galons, à base de collecte des données qui ont explosé grâce au téléachat et aux temps de connexion majorés pendant le confinement, de déploiement de drones ou de dispositifs de contrôle comme la reconnaissance faciale, l’étau du tout-numérique se resserre et des millions de travailleurs se retrouvent au chômage. Les cotations en bourse des entreprises high-tech, elles, explosent. La fortune de Jeff Bezos, le pédégé d’Amazon, aura augmenté de plus de 30 % entre mars et mai, et celle de Mark Zuckerberg de plus de 46 % (soit un pactole de trente milliards de dollars supplémentaires pour le patron de Facebook).
Des scientifiques de tous les pays alertent sur les dangers de l’exposition aux ondes et appellent à un moratoire sur la 5G.
Pendant ce temps, l’extraction minière des métaux et terres rares nécessaires à l’industrie numérique continue de dévaster les territoires chinois, africains, américains, écrêtant les montagnes, éventrant les plaines, intoxicant les cours d’eau, à coups de travail sous-payé, de guerres civiles pour la ressource et de cancers distribués aux populations environnantes.
Contrôle citoyen, oui, mais sur la couleur des câbles...
À ce constat écologique et social s’ajoutent les travaux depuis 2017 des scientifiques de tous les pays qui alertent sur les dangers de l’exposition aux ondes et appellent à un moratoire sur la 5G. Des associations pour la protection de l’environnement — Agir pour l’environnement et Priartem — ont déposé des recours devant le Conseil d’État sur les risques sanitaires liés aux ondes. Le 25 janvier 2020, a eu lieu la première manifestation internationale contre la 5G, suivie par d’autres, le 28 avril et le 4 mai à La Haye. La Suisse et la Belgique, entre autres pays, ont dû mettre en place des moratoires ralentissant l’avancée des travaux. L’appel d’offres pour constituer le nouveau réseau 5G est annoncé pour l’automne, pas étonnant donc de voir la course judiciaire essayer de calmer un refus qui s’exprime un peu partout, de manières diverses et sans relâche.
Lisons-donc ce que nous dit Sébastien Soriano, président de l’Autorité de régulation des communications et des postes (Arcep) en évoquant le besoin d’une régulation des implantations : « Nous le savons, les réseaux peuvent connaître des débouchés néfastes : usages énergivores, société de surveillance, gabegie consumériste, mainmise des grandes firmes, instrumentalisation géopolitique », et le voila qui place finalement le cadre : « Au risque de déplaire, la France ouvrira pourtant la voie à la 5G. Non pas seulement par un impératif économique ou européen. Mais parce que c’est notre devoir de développer les possibilités d’échange et de partage du pays par l’évolution constante de ses infrastructures de communication. » Tout est dit. Contrôle citoyen, oui, mais sur la couleur des câbles — de la même manière que les autorités n’étaient pas prêtes à renoncer au nucléaire, quelques années après la perte des sols miniers des colonies et le choc pétrolier de 1973. Dans la course géopolitique des États à dominer les nouveaux marchés et s’assurer une place au sommet des négociations mondiales, la 5G est l’enjeu du jour.
Ne laissons pas se dérouler ces procès dans l’indifférence. Si nous voulons lutter ensemble, avoir la moindre chance de faire entendre nos voix et d’emporter cette victoire, il nous faut soutenir toutes les initiatives venant s’opposer à ce quadrillage nocif de nos lieux et de nos vies.
Ce n’est pas uniquement à la 5G que nous nous opposons, mais à tout un projet de société qui ne cesse de provoquer la dévastation du vivant. À nous de défendre nos conceptions d’un monde désirable, et de refuser en bloc chaque pas supplémentaire pour affermir la technocratie capitaliste.
Solidarité avec les inculpés de la 5G !