L’engagement, le militantisme.. c’est difficile, et parfois ça dérape

Se changer soi-même plutôt que la société : une cruelle impasse

mardi 1er octobre 2024, par Camille Pierrette.

Voici plusieurs textes sur le sujet des difficultés internes aux activités engagées/militantes (dans des collectifs, partis, syndicats, associations...). Des problèmes qui sont souvent amplifiés par le contexte d’une société hostile, d’autant plus que le modèle dominant nous a forcément plus ou moins déformé, atrophié, marqué.

Si s’engager et lutter est vital, attention aux comportements et méthodes toxiques.

- 3 livres et 3 approches : Pour en finir avec les “prophètes rouges” et la violence militante
Dans le contexte du coup d’Etat d’Emmanuel Macron, de nombreux appels à s’engager en politique et à se syndiquer circulent sur les réseaux sociaux. Or depuis plusieurs décennies, le nombre de personnes engagées dans des partis et des syndicats s’est effondré. Politiciens de gauche et activistes s’interrogent et tentent d’apporter des explications à ce phénomène, mais oublient souvent ce qui repousse et dégoûte de l’engagement : le niveau de violence et de hiérarchie auxquels on est confronté quand on s’implique dans un collectif de quelque nature que ce soit, que cela soit à l’échelle locale ou nationale. Cela provoque énormément de départs, parfois sans retour vers l’action collective militante. Trois très bons livres sont venus éclairer et dénoncer ce phénomène. Ils analysent le poids des chefs en politique, l’emprise qu’ils peuvent exercer sur les militants et la façon dont ce milieu alimente, au nom d’une cause mal digérée, de la culpabilisation, de la calomnie et de l’exclusion.

- Convertir un mal-être privatisé et individualisé en une colère politisée - Comment lutter dans un contexte difficile ? - Dépression, éco-anxiété, infériorisation... - Se révolter collectivement au lieu de subir individuellement - Voici quelques textes sur l’idée de transformer les mal-être individualisés en colères collectives politisées. Pour ne pas subir seul.e dans son coin une psychologisation des problèmes sociaux et écologiques qui affectent fortement nos vies.
Et aussi des réflexions sur l’importance de la solidarité et du soutien mutuel, en évitant les excès de « pureté militante ».
La situation est bien suffisamment difficile : au lieu de s’accabler ou d’en rajouter, trouvons des voies d’émancipations et de transformations structurelles.

- Plusieurs articles : Quand le militantisme déconne : injonctions, pureté militante, attaques… - Le feuilleton en 8 épisodes dont nous entamons aujourd’hui la publication n’est pas un simple mouvement d’humeur contre certaines dérives du militantisme mais une réflexion de fond sous l’angle de la psychologie sociale, nourrie et illustrée d’exemples analysés.
Comme la question compliquée et parfois houleuse du militantisme nous intéresse depuis longtemps à Framasoft, nous avons demandé à l’autrice, Viciss de Hacking Social, de s’atteler à la tâche.
Voici une première partie introductive de son intéressante contribution, dans laquelle elle explique son cheminement, entre éloge du militantisme et constat lucide de ses dérives toxiques, qui l’ont amenée à adopter un regard analytique qu’elle partage avec vous.

- Au sujet de la « pureté » - Écrit en 1993, ce texte aborde la question de la pureté militante, ici sous l’angle de l’antispécisme, pureté qui est trop souvent vécue comme gage de "radicalité"...
« Un des éléments essentiels du mouvement de libération animale est qu’il ne s’agit pas d’une simple question de "morale personnelle", privée, mais d’une exigence politique, ne se rapportant pas seulement à soi-même, semblable à l’exigence qui anime les autres mouvements libérateurs du passé et du présent. »

L’ennemi est ailleurs et il avance

De manière régulière on voit apparaître des déceptions dans toutes les luttes. Déceptions par rapport à des connaissances, des camarades ou même des amis que l’on croyait sur la même longueur d’onde et qui, soudainement, usent de leur influence, de leur prestige, de leur audience, de leur position dominante pour s’ériger en juge et opérer des purges inquisitoriales, ou même se permettent de petites incartades (qu’elles soient misogynes, paternalistes ou ultra autoritaires) qui nous laissent à chaque fois sans voix.

Que ce soit lié à ce fléau qu’est le purisme idéologique, les enquêtes inquisitrices qui fouillent votre vie pour dénicher un lien ridicule à treize degrés de séparation avec la fachosphère (à ce jeu là on en a tous !), la cancel culture et ses dérives, ou comme on a pu le voir dernièrement le simple laisser-aller qui pousse à épouser, même temporairement croit-on, les directives absurdes données depuis l’urgence sanitaire, c’est immanquable : le cortège des déceptions ressurgit régulièrement dans toutes les luttes, dans tous les milieux radicaux, sans exception.

Regarder ailleurs pour ne pas rester statique
Au sein des luttes autochtones ils mettent en avant un concept très intéressant qui pourrait nous aider à ce sujet : la violence latérale. Je me souviens il y a deux ans avoir été profondément marqué par les paroles prononcées par Michelle Cook, une avocate Diné des droits humains autochtones :

"Arrêtez la violence latérale. Soutenez-vous les uns les autres. Vous ne connaissez pas entièrement le passé des gens ou ce qu’ils traversent actuellement. Ne faites pas le travail des colons à leur place. Essayez plutôt de trouver une mort digne d’un guerrier. Nous mourons tous, alors affrontons cette mort dans la dignité, le courage, la grâce. Ne laissons pas les traumatismes gagner. Je vous aime et je crois en vous mes sœurs. Nous pouvons le faire. Nous pouvons vivre et survivre à cela. Rassemblez-vous, nous pouvons nous guérir et nous protéger les uns les autres. "

De la consanguinité dans le milieu militant
Mais au-delà de ne pas se diviser inutilement, en ce qui nous concerne il me semble nécessaire de réaffirmer ici la nécessité cruciale de ne pas s’encroûter non plus dans nos milieux respectifs, même si cela est très confortable. Ne nous contentons pas de baigner dans nos microcosmes rassurants car obtenir l’approbation des nôtres est trop facile et les réseaux sociaux servent, accentuent et sont taillés pour ça : renforcer nos convictions jusqu’à l’absurde en agrégeant les similitudes jusqu’à l’absurde.

Cela nous enferme et nous étouffe à force de ne pas s’ouvrir, et l’appauvrissement de l’esprit est sans aucun doute le prix à payer pour tout manque de curiosité intellectuelle. Ne pas rester statique, même politiquement car radoter nos certitudes pour obtenir quelques adhésions déjà acquises ne fait rien avancer. Et à force de rester entre nous on finit inévitablement par opérer des chasses aux sorcières aussi destructrices pour nos combats qu’entropiques, stupides et épuisantes pour nos troupes. Et cela n’a qu’un effet : disséquer et atomiser nos luttes en petites particules inefficaces.

Post de Siu Kia


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