Voici un bon article qui critique la forte tendance à s’égarer dans le thème de la consommation (responsable, équitable, éthique, consomm’action...), alors que l’écologie appelle plutôt à contrôler et refondre complètement la production.
Gouvernements et capitalistes préfèrent nous voir faire des « concours » individuels de ceux qui consomment « le mieux », de celles qui consomment « le moins », plutôt que nous voir collectivement arrêter le capitalisme et décider ensemble de ce qui doit être produit, comment, avec quoi, où et par qui.
Après l’urgence d’augmenter le pouvoir d’achat (par augmentation des revenus et/ou diminution des coûts des biens et services) pour que chacun.e puisse vivre dignement, il faut s’interroger sur l’économie elle-même. Au lieu d’une économie capitaliste dirigée et possédée autoritairement par les riches et puissants à leur profit, créons plutôt des systèmes de production et de distribution solidaires et justes dirigés démocratiquement par les peuples pour leur intérêt et qui respectent la nature et le climat.
L’écologie est d’abord une question sociale, économique et politique.
L’écologie de la carte bleue
Quand la jeunesse s’engage en écologie, quelques singes savants croient bon de faire remarquer que les jeunes feraient bien de commencer par « moins consommer », « s’acheter moins de vêtements » ou « jeter leur smartphone » avant de prétendre donner des leçons aux gouvernants.
Cette même sagesse demi-habile s’oppose à toute élucubration anti-capitaliste en écologie en rétorquant systématiquement : « c’est bien beau de critiquer le capitalisme, jeune fille, mais nous sommes tous responsables dans cette société consumériste ! si on n’avait pas trois télés et quatre ordinateurs par foyer, on pourrait critiquer le système ! »
On retrouve jusqu’au cœur des mouvements écologistes cette auto-flagellation militante sur le thème de la « consommation », de la « surconsommation », voire de « l’hyperconsommation ». Agir sur la consommation apparaît à nombre d’individus et d’organisations comme une solution simple et à portée de main, et donc comme un objectif politique intéressant : on fait donc des die-in dans les centres commerciaux, on bloque les McDo, on appelle au boycott ou à une consommation « bio et équitable ».
Tentons une idée provocante : et si le consommateur, en réalité, n’y était pour rien, ou pour pas grand chose dans la terrible situation que nous vivons ? Et si le consommateur n’était pas lui-même « produit », ou inventé ? Et s’il fallait parler de « surproduction » plutôt que de « surconsommation », et rayer pour toujours ce mot de notre vocabulaire politique ? Et s’il fallait cesser d’agir en consommateur pour agir vraiment ?
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- L’écologie de la carte bleue
Extraits :
Le consommateur n’est pas coupable, certes, mais il faut tout de même le condamner à mort.
D’une part, le consommateur est produit de l’extérieur. Rien de plus efficace que de massacrer les consommateurs à la source, là où ils sont produits. On pourrait donc croire qu’il faut s’attaquer à la publicité, et à vrai dire les actions anti-pub sont toujours très réjouissantes, mais le cœur du problème n’est pas là. Dans une économie capitaliste, nous sommes des consommateurs avant tout parce que nous ne possédons pas et ne maîtrisons pas les moyens de production. Nous ne savons plus produire nos propres vêtements, notre propre nourriture, notre propre maison, comme tout le monde savait le faire il y a quelques siècles. On cessera donc d’autant plus d’être des consommateurs qu’on aura exproprié ceux qui s’accaparent les moyens de production, et qu’on se sera réapproprié collectivement les savoir-faire et les techniques nécessaires à une vie commune libre (jardiner, cultiver, coudre, construire, réparer, etc.).
D’autre part, le consommateur nous tient de l’intérieur, quand nous sommes incapables de concevoir l’action écologique autrement que comme un acte de consommation (consommer moins, consommer mieux, et cela inclut le vote dans une démocratie libérale, qui n’est qu’un acte de consommation politique). Le consommateur est une figure inoffensive, il ne peut agir qu’en négatif en arrêtant de consommer tel produit. Il ne peut que s’indigner d’avoir été dupé quand on lui a fait manger du steak de cheval. Tuer le consommateur qui sommeille en nous ne signifie pas « arrêter de consommer » mais arrêter d’agir en consommateur, donc reconsidérer l’éventail des possibles dans les modes d’action. On ne fait jamais mieux pour son empreinte carbone ou pour l’écologie en général que lorsqu’on bloque des grands projets inutiles, et il y en a des tonnes sur le territoire français.
Voir aussi :
- L’écologie médiatique des médias de masse et des ONG poursuit les illusions et le désastre - Décarboner l’économie ne réglera pas grand chose - S’allier aux structures destructrices aide à les faire durer
- Grâce à mes choix de consommation et au boycott, je participe à la lutte contre le système et à la création d’un monde plus juste ?
- Ecologie médiatique extrémiste ou écologie radicale ? - Mais que proposez-vous donc au lieu de critiquer « tout le monde » ??!
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