L’Etat tue et mutile : la honte est du côté des oppresseurs et de leurs alliés

Manifestants nantais, n’ayez pas honte ! - par Cerveaux Non Disponibles

dimanche 4 août 2019, par Camille Z.

Ci-dessous un article de Cerveaux non disponibles suite à la manifestation à Nantes du samedi 3 août contre l’Etat et son système policier violent par nature.
Malheureusement, les sociopathes extrémistes qui gouvernent par la force et le mensonge, et qui commettent ou ordonnent le terrorisme d’Etat au quotidien ne seront pas sensibles à la honte, à la compassion. Il est vain de tenter de les convaincre ou de leur adresser des arguments moraux. On doit juste arriver à les faire dégager tous, pour qu’il n’en reste aucun.

Manifestation à Nantes samedi 3 août
Photo Nantes Révoltée

Manifestants nantais, n’ayez pas honte !

Comme on pouvait s’y attendre, la journée de samedi à Nantes a été le théâtre de nombreuses violences. Des manifestants hospitalisés, des journalistes touchés par des LBD, des centaines de lacrymo balancées dans la ville. Et aussi : des barricades, du mobilier urbain brulé et quelques vitrines cassées.

Comme on pouvait s’y attendre, le pouvoir et tous les puissants de ce pays se sont rués sur ces quelques objets cassés/brulés pour insulter et mépriser les milliers de manifestants présents. Même schéma qu’en décembre ou lors du 16 mars (feu Fouquet’s). Mais avec cette petite nuance abjecte : tous les manifestants présents auraient souillé la mémoire de Steve. Manifester autrement que dans un calme absolu serait un manque de respect pour Steve et pour sa famille.

Ce discours facile mais très efficace auprès d’un public assez large a été celui utilisé lors des débordements ayant suivi la mort de Rémi Fraisse. A l’époque la mère de Rémi avait lancé plusieurs appels au calme et condamné toute violence. Si l’on comprend tout à fait sa réaction, comme celle de la maman de Steve, il n’est pas inutile de remettre ici la lettre envoyée à la maman de Rémi par Farid El Yamni, frère de Wissam (assassiné par la police le 1er janvier 2012). Ces quelques lignes d’une personne touchée, elle aussi, par les violences policières, expliquent que la voie de la non-violence absolue n’est pas toujours, malheureusement, celle qui peut faire changer les choses.

Manifestation à Nantes samedi 3 août
Photo Nantes Révoltée

Si la parole de Farid ne vous semble pas assez emprunte de sagesse, voici quelques mots d’un prix Nobel de la paix, un certain Nelson Mandela : « La résistance passive non-violente est efficace tant que notre adversaire adhère aux mêmes règles que nous. Mais si la manifestation pacifique ne rencontre que la violence, son efficacité prend fin. Pour moi, la non-violence n’était pas un principe moral mais une stratégie. Il n’y a aucune bonté morale à utiliser une arme inefficace ». Quelques années plus tard, Madiba récidive : “C’est toujours l’oppresseur, non l’opprimé qui détermine la forme de lutte. Si l’oppresseur utilise la violence, l’opprimé n’aura pas d’autre choix que de répondre par la violence.”

Or qui peut croire aujourd’hui que le pouvoir va s’inquiéter et se soucier d’une manifestation de 3000, 5000 ou même 10 000 personnes qui se passerait de façon totalement “pacifique” ? Macron, Castaner et tous ceux qui détiennent les moyens de faire changer les choses ont prouvé depuis des mois qu’ils n’avaient strictement rien à faire de la colère de milliers de citoyens. De centaines de milliers même. Pire : les seules fois où le gouvernement a semblé infléchir ses positions, ce sont les lendemains des manifestations les plus violentes de Gilets Jaunes. C’est donc lui, par son mutisme face à la mobilisation pacifique, qui oblige les manifestants à user de méthodes plus offensives.

Enfin, rappelons que de moins en moins de personnes restent sensibles à la sacralisation du mobiliser urbain, voitures et autres magasins. Alors oui, il y a des injustices et des personnes qui vont subir les conséquences financières de certains débordements. Mais sérieusement, qui peut encore s’indigner pour ça et laisser des personnes mourir dans l’indifférence totale. Urgence sociale, urgence climatique, urgence humanitaire. Jour après jour, cette société tue et blesse des milliers de personnes, pendant que les plus riches deviennent encore plus riches. Cela peut paraitre très simpliste comme discours. Mais c’est une réalité que même les plus riches ne peuvent contester.

Face à cela, le pouvoir n’a désormais plus qu’une seule arme : la répression. Celle-ci se doit d’être aveugle, violente et sauvage. Elle doit faire peur. Elle doit obliger les plus modérés à quitter les rangs des manifestants, pour ne laisser que les plus radicaux, et pouvoir les écraser encore plus facilement. Sauf que la mécanique fonctionne de moins en moins.

Samedi à Nantes, les milliers de manifestants sont restés solidaires les uns avec les autres, chacun avec ses pratiques et ses limites. Tous ceux présents dans la rue, malgré les menaces à peine voilées de la préfecture et du pouvoir, malgré les interdictions de manifester, tous, avaient une tristesse et une colère face à la mort de Steve. Qu’une barricade soit brulée, qu’une vitrine vole en éclat, ne change strictement rien à ce constat. Ces milliers de personnes pleuraient Steve. Sûrement bien plus que ne le fait la préfecture, Castaner ou Macron.

Alors à tous les Nantais présents samedi : n’ayez pas honte d’être descendus dans la rue. N’ayez pas honte si certains ont exprimé leur colère de façon violente. Ceux qui doivent avoir honte, ce sont ceux qui ont du sang sur les mains, et ceux qui les couvrent. Ou ceux qui laissent faire et ne s’indignent pas. Vous, vous êtes descendus dans la rue pour honorer la mémoire de Steve, pour demander justice. Jamais vous n’aurez à avoir honte de cela !

Enfin, à ceux qui crient à la récupération de ce drame par l’extrême gauche et/ou les Gilets Jaunes : si les GJ se sont les premiers indignés de la disparition de Steve, c’est parce qu’ils vivent depuis 38 semaines la violence aveugle de l’état. Une violence qu’ils savent totalement calculée, qui n’a rien de dérapages individuels mais qui fait désormais partie de la stratégie de la terreur du pouvoir. C’est parce qu’ils savent que la justice est de plus en plus muselée et de moins en moins indépendante. Ils l’ont vu et vécu dans leur propre chair, dans leurs propres familles, auprès de leurs amis. Des milliers de blessés, de mutilés, et toujours aucune condamnation. Tout ce qui peut être couvert par l’IGPN ou d’autres instances le sera.

Alors oui, quand Steve a disparu, ils ont été parmi les premiers à se révolter. Et c’est en grande partie grâce à eux si l’élan de colère et le mouvement #oueststeve ont pu être aussi forts. Que la famille de Steve ne souhaite pas s’associer à cet élan de solidarité est tout à fait légitime. Mais cela n’enlève en rien la légitimité de ces milliers de personnes à demander justice et à faire pression pour que ces drames ne se reproduisent plus. Car si rien ne change, la liste va continuer à s’allonger après Steve, Zineb, Rémi ou Adama. C’est donc un combat pour la mémoire autant que pour un avenir meilleur où on ne meurt pas “pour rien”, juste parce que la police est passée par là. Ce combat, au vu du mutisme du pouvoir, et au vu de sa stratégie de la terreur, devra peut-être prendre des formes radicales et offensives. Il ne faut pas en avoir honte. La honte, c’est pour ceux qui tuent, qui blessent et qui s’enrichissent sur ce système.

Manifestation à Nantes samedi 3 août
Photo Nantes Révoltée

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