L’Etat et le capitalisme face à la crise sanitaire

Comprendre pour agir

mercredi 18 novembre 2020, par Heska.

Je fais le choix ici de ne pas écrire un long texte mais de simplement poser quelques bases. Je ne ferai donc pas de grands développements historiques car je souhaite que les idées apparaissent clairement et puissent être discutées ensemble. Ce texte est donc aussi un appel à lire vos avis et réflexions. Il est difficile de se voir dans la rue pour échanger puisque la rue ne nous appartient plus, donc, tant que nous le pouvons, échangeons ici même. A vos claviers !

L’Etat et le capital

Ce sont les deux faces d’une même réalité, les deux têtes d’un même monstre, nourries ensemble depuis la constitution des premières cités-états il y a près de 5.000 ans. Elles entretiennent une relation d’hostilité complémentaire toujours irrésolue.

Il est inutile et vain de se focaliser sur la destruction de l’une ou de l’autre.
Les libertariens qui veulent se débarrasser de l’Etat pour donner libre cours au commerce se fourrent le doigt dans l’oeil. Seule une organisation bâtie de haut en bas permet l’émergence et le maintien du processus d’accumulation.

Les gauches anti-capitalistes qui souhaitent conserver un appareil d’Etat pour atteindre leur but se fourrent le doigt dans le Q. L’Etat est naturellement producteur d’inégalités économiques. Investir l’Etat est une illusion sur le plan de la justice ou de l’égalité. Le Parti Majoritaire (majoritaire se dit bolchevik en russe) y est très bien arrivé. On voit ce que cela a donné

Briser l’étau
L’Etat et le capitalisme face à la crise sanitaire

Myopie historique

La référence étatique permanente des gauches réformatrices et anti-capitalistes, et celle qui nous habite toustes, qui fait partie de notre imaginaire, ce sont les 30 glorieuses de l’après-guerre aux années 70 où les services publics deviennent riches de savoir et de pratiques.

Cette minuscule période, unique dans l’histoire, ne se reproduira pas. C’est une certitude. Elle n’a fondamentalement été possible que par l’injection massive de pétrole dans une société rustique de plein emploi où les besoins de reconstruction étaient énormes. Ce sont les incroyables gains énergétiques qui l’ont portée. Les communistes et la CGT, en créant par exemple la Sécurité Sociale, n’ont fait que donner une forme à ce qui était matériellement réalisable dans le cadre de l’Etat.

Il n’y aura pas de retour en arrière, nous ne retrouverons pas cet âge d’or des travailleurs toutes autres choses restant égales.

Au fond, il n’y a que deux crises

La crise environnementale : changement climatiques, disparition d’espèces, réduction des espaces naturels. Cette crise est en voie de ne plus répondre qu’à sa dynamique propre et d’échapper à toute tentative de contrôle. Je ne m’étendrai pas plus tant le sujet est documenté. C’est la borne externe de nos civilisations.

La crise de la valeur : le machinisme et l’automatisation des processus de production ont tué la valeur contenue dans chaque bien transformé en marchandise. Il n’y a que le travail humain qui produit de la valeur, une machine ne produit pas de valeur ou si peu. C’est pour cela que l’argent s’échappe de la sphère réelle pour gagner la sphère financière : dans ce monde, il faut être fou pour espérer gagner de l’argent en produisant.C’est la borne interne du capitalisme. Pour tout ce qui concerne la valeur lire Kurtz ou Jappe.

Communauté et immunité

Ces deux mots ont la même racine. Un mot latin difficilement traduisible, munus, qui signifie le don en tant que pratique sociale voire rituelle ou même sacrée. Une organisation communautaire pratique le munus, une organisation immunitaire ne le pratique pas. Toute organisation construite de haut en bas est plus ou moins immunitaire. Elle désigne des éléments qui ne lui appartiennent pas ou plus et les élimine ou les maintient en-dehors. Dans le même temps, elle empêche l’émergence de toute forme d’organisation communautaire menaçant ses prérogatives et agit comme une force centripète sur les populations qu’elle contrôle.

Il n’est pas étonnant qu’une crise sanitaire soit un temps d’expression parfait pour accroître le caractère immunitaire des organisations étatiques qui évoluent alors vers le totalitarisme.

Cependant cette cristallisation de l’Etat est fondamentalement une réponse à la crise de la valeur. La crise environnementale n’est qu’un discours, un alibi, et malgré les gesticulations et les grandes promesses, rien n’est fait pour la juguler.

Une civilisation qui s’effondre se cristallise, bétonne ses pratiques, se rigidifie, accroît le contrôle et la répression. Tout ces éléments se retrouvent par exemple dans la politique de l’empereur Constantin au IIIe siècle tandis que Rome s’effondrait.


Forum de l’article

  • L’Etat et le capitalisme face à la crise sanitaire Le 20 novembre 2020 à 10:28, par Céline

    « munus, qui signifie le don en tant que pratique sociale voire rituelle ou même sacrée ». De munus dérive munéraire, celui qui finançait les jeux du cirque à Rome, souvent un riche patricien qui voyait dans ses jeux le moyen d’une candidature fructueuse. Il grimaçait souvent quand la foule baissait le pouce à l’issue d’un combat car alors il devait payer au laniste (propriétaire-entraîneur du haras de gladiateurs) le prix du combattant. Die comptait une telle école de gladiateurs.

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  • L’Etat et le capitalisme face à la crise sanitaire Le 18 novembre 2020 à 20:10, par Camille Pierrette

    L’ennui, c’est que la civilisation industrielle semble ne pas s’effondrer assez vite...
    Suis ok à 100% avec cet article, en voici un autre en complément : Les Coups d’Etau permanents - Avec un cap encore incertain, nous voilà en route vers le large. Un vent mauvais souffle et les jours heureux ne reviennent pas. A l’horizon, les promesses d’auto-gouvernement, d’un quotidien qui s’améliore, de l’émancipation des dominations, de la jouissance du présent s’estompent dans le brouillard. Après le temps de l’indignation, de la colère, voici celui de la peur. Mais inévitablement reviendra le temps de la colère politique.

    L’auteur Quentin Hardy ajoute une 3e force de domination à l’Etat et au Capital : le pouvoir technologico-numérique.

    Bien que lié aux deux autres, ce pouvoir semble s’en détacher et construire sa propre voie. Peut-être même a t-il la prétention de les absorber et de les dépasser ?
    Un pouvoir régit par des lois technocratiques d’inspiration Intelligence Artificielle à la place des institutions politiques ? Des robots et des flics privés à la place des flics étatiques ? Une redistribution des richesses restantes entre membres agréés des « smart cities » à la place de la guerre et de l’accumulation du Capital ?
    Ca parait difficilement imaginable, plausible.
    Mais peut-être que les effondrements à venir favoriseront ce genre de voie, à moins qu’ils ne la rende morte-née.

    Sinon, concernant la possible rébellion, je me demande bien comment on pourrait faire pour faire grandir et s’affermir des communautés de vie et de lutte conséquentes ?
    Des communautés de vie/lutte me semblent indispensables si on veut sortir de l’isolement individualiste et du saupoudrage.
    Les gilets jaunes ont eu un impact positif en ce sens via les échanges sur les ronds points, cabanes, blocages, manifs et repas en commun, mais c’est encore insuffisant, et ça a été de toute façon méthodiquement détruit par la force étatique.

    Si on attend juste les effondrements, et donc notamment un nivellement par le bas des revenu, suscitant possiblement une renaissance de communautés de vie/lutte pour survivre, ça risque d’être un peu tard par rapport aux catastrophes climato/écologiques...

    Pour ça, doit-on se mettre en situation d’avoir besoin matériellement des autres ?
    Doit-on un maximum s’arrêter de travailler ? Distribuer une bonne part de nos revenus aux luttes et aux plus pauvres ?
    Doit-on se mettre volontairement dans la précarité pour s’aider à aller vers la solidarité, la complémentarité, l’entraide, la fin de l’isolement, la possibilité de constituer une communauté de résistance réelle, permanente, et forte ?
    Des caisses de mutualisation de revenus ? des partages de véhicules ? Multiplier les coopératives à but non lucratif ?

    La grave crise économique post-covid (chômage, faillites, précarités accrus...) pourrait susciter peut-être un renouvellement de l’interdépendance locale, de la coopération, et donc de communautés de vie/lutte ?

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