İrfan Aktan • Ceci n’est pas une guerre

mardi 22 octobre 2019, par janek.

Ne pas parler de la guerre, ne pas écrire sur la guerre. Telle est la censure établie en Turquie. Cette censure s’accompagne pourtant d’une publication ininterrompue dans les médias de propagande du régime, allant jusqu’à applaudir aux crimes de guerre en parlant de “l’opération sources de paix” au Nord syrien. Un article de İrfan Aktan.

Ceci n’est pas une guerre

Ceci n’est pas une guerre.

Il est interdit de nommer “guerre”, ce qui se passe. Une décision pertinente.

Ce qui est mené n’est pas une guerre. Tout le monde le sait.

Mais il est interdit de dire ce qu’est, cette chose qui n’est pas une guerre.

Il est interdit d’écrire, d’en parler.

Si tu écris à propos de la guerre, il est interdit d’écrire “guerre”, mais “paix”.

Les avions que nous voyons, ne sont pas des avions de guerre. La bombe sur laquelle on inscrit les noms de “journalistes” ne sont pas des bombes.1

Ceux qui se nomment “correspondants de guerre”, ne sont pas des correspondantEs de guerre, mais “correspondantEs d’opération”.

Pendant longtemps nous avons dit “le journalisme n’est pas un crime”. Non, le journalisme est un crime.

Sur le visage de celles et ceux qui disent faire du journalisme dans une époque où le journalisme est interdit, le fard est de couleur kaki.

Mais le temps est leur temps.

Le temps est celui de ceux qui signent les bombes, de ceux qui appellent “faussaires”, les personnes qui refusent la guerre, qui demandent la paix, le temps de ceux qui s’adossent à leur Etat, leurs chars, leurs armes et brandissent l’index, lançant autour d’eux des menaces, et qui font des ruines un fond pour leurs maquillages.

En deux jours, nous avons pu à nouveau voir, au milieu de qui nous vivons. Le journaliste qui s’adosse au plus fort, est soldat, le juriste, le politique, l’écologiste, le footballeur, le comédien, le musicien, le chanteur, même le pseudo opposant est soldat.

Maintenant, c’est ça la loi : soit tu es soldat, soit tu attires l’ire. Ceux qui n’ont pas peur de l’ire sont dans état pitoyable, ceux qui en ont peur, c’est encore pire.

Mais il existe tout de même un chemin, pour tout le monde : Parler est peut être interdit, mais se taire ne l’est toujours pas.

C’est pour ça que la honte ressurgit, dans cette époque où ne pouvant pas parler, les visages se tournent de l’autre côté, pour parler d’autres choses dans “le courant de la vie ordinaire”.

S’il est interdit de parler de la grande vérité, chaque parole sur un autre sujet, devient une prise d’otage opérée par ceux qui cachent la vérité.

Que cela soit inscrit dans l’Histoire : C’est un crime que le prisonnier exprime qu’il est prisonnier, et même qu’il ne dise pas à voix haute, en hurlant “je suis libre et j’en suis reconnaissant”.

Une citation de Nietzche, que j’ai lue dans mes années d’université est gravée dans ma mémoire : “Toutes les vérités non dites empoisonnent”.

Nous sommes empoisonnéEs.

Nous sommes empoisonnéEs par le fait de ne pas pouvoir dire ce que nous voyons.

Cette année, le Prix Nobel de littérature à été donné à Peter Handke, soutien du criminel de guerre Miloševic. Lui-même serait surpris. Passons.

Quant à l’année 2016, le prix avait été décerné à Bob Dylan, poète du monde. Et comme Dylan disait sans sa chanson “It’s Alright, Ma, I’m Only Bleeding”, (Je n’ai rien maman, je saigne juste un peu) ; “Et si mes pensées – rêves pouvaient être vus / Ils m’auraient probablement mis la tête sous la guillotine.” 2

Et, que cela soit inscrit dans l’Histoire : Dire que nous sommes sous la guillotine, est aussi un crime.

Eh, cela peut nous servir de leçon.

Par ailleurs, les éditions Kara Plak ont publié la semaine dernière, toutes les paroles de chanson de Bob Dylan en turc.

Laissons donc la parole au maître, avec ces quelques vers dans la “Ballade de Donald White”

Et il y a du danger dans l’océan
Où les vagues d’eau salée sont immenses
Et il y a du danger sur les champs de bataille
Où les douilles volent
Et il y a du danger dans ce monde ouvert
Où les hommes s’efforcent d’être libres
Et pour moi le plus grand des dangers
Se trouvait dans la société

Alors je leur ai demandé de me reprendre
Et de me remettre dans ma prison d’origine
Mais ils ont répondu qu’ils étaient débordés
Et qu’il n’y avait pas de place pour moi

Je me suis agenouillé et j’ai supplié
“Oh je vous en prie, éloignez-moi [du monde]”
Mais ils ne voulaient pas écouter mes prières
Ni rien de ce que j’aurais pu dire

Voir en ligne : http://www.kedistan.net/2019/10/18/...


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