Hypothèse (r)évolutionnaire VIII lignes de désir

L’autonomie se présente comme un antidote à la mégamachine, comme une force antagoniste capable à la fois de nous sortir de son emprise et de limiter ses désastres. Là où la mégamachine croît, l’autonomie décline. Là où l’autonomie s’épanouit, c’est tout un ensemble d’axes et de rouages qui se désagrègent. Plutôt que de décrire en détails une société capable de faire face à ses propres problèmes, nous tenterons dans la suite de cette série de caractériser l’autonomie en tant que processus.

Hypothèse (r)évolutionnaire VIII lignes de désir

Parler de processus, c’est exclure la mythologie du « Grand soir », mais aussi le potentiel révolutionnaire des élections, et ce quelque soit le ou la candidat.e élu.e. Ce type de basculements peuvent permettre une meilleure répartition des richesses, la mise en œuvre de politiques écologiques, mais en aucun cas favoriser l’émergence d’une société fondée sur l’autonomie. En toute logique, cette dernière ne peut que se développer dans le creuset des expériences directes qu’en font les personnes. Sans espaces où vivre l’autonomie – ZADs, communautés autonomes, mouvements sociaux d’ampleur, coopératives, réseaux de solidarités, etc. -, sans lieu où la vivre, comment imaginer la faire advenir à plus grande échelle ?

Mais il est tout aussi fantaisiste de penser que de réels changements structurels peuvent advenir par la simple multiplication d’espaces autonomes. Tôt ou tard, le Capitalisme et/ou l’État répriment violemment ces initiatives. L’expulsion de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes devrait suffire à nous en convaincre : 1 800 membres des forces de l’ordre, des dizaines de fourgons et quatre véhicules blindés ont été rassemblés pour cette opération, autant dire que le pouvoir n’a aucun scrupule à combattre la moindre initiative qui prendrait de l’ampleur. Ainsi faire « tâche d’huile » n’est pas suffisant, il faut également opérer des basculements structurels capables d’enrayer la mégamachine dans ses fondements. Le chemin de l’autonomie intègre donc autant des expérimentations, des désertions, du sabotage que des insurrections populaires de grande échelle.

En urbanisme, une ligne de désir est un chemin tracé par les pas de celles et ceux qui l’empruntent. C’est un axe sans pavé qui déjoue les plans officiels, une voie de traverse qui se fait en se faisant. Les lignes de désirs s’observent dans les parcs et les terrains vagues, souvent comme des raccourcis entre deux points. Là où la pensée surplombante définit la meilleure manière d’aller d’un point à un autre, elles ouvrent la possibilité d’un autre rapport aux chemins où la réflexion se déduit de la pratique.

Adopter le prisme de la ligne de désirs, c’est poser la question stratégique au sein d’un horizon qui serait autant un lointain en mouvement, qu’une étendue où se tracent les chemins qui y mènent, un désir qui empreinte les voies de sa propre désirabilité, une concordance entre fins et moyens. Plutôt que de partir de l’abstrait, nous nous plongerons dans le concret de ce qui a été – ou est - expérimenté et réfléchi, dans ce qui est commun à différentes traditions révolutionnaires. Ainsi, dans les prochains articles, nous aborderons la propriété d’usage, la démocratie par le bas, la subsistance et la sociale comme autant de lignes de désirs.

Nous, femmes et hommes zapatistes,
disons qu’il ne faut pas avoir peur que que le peuple commande.
C’est le plus sain et le plus sensé.
Parce que le peuple fera lui-même les changements dont il a vraiment besoin.
Et c’est seulement comme ça qu’un nouveau système de gouvernance existera.

Comission Sexta de l’EZLN, Pistes zapatistes, La pensée critique face à l’hydre capitaliste