Technique : 1. Ensemble de procédés et de moyens pratiques
propres à une activité.
Exemple : La technique de l’aquarelle.
Dictionnaire Larousse
Par définition, la technique est partout. Lorsqu’on cuisine, parle, enseigne, construit ou participe à un rituel, nous faisons toujours œuvre de technique, de multiples manières. Ainsi parler de « la technique » au sens large, sans catégorie de nature ou de fonctions, est un exercice aussi ardu qu’infructueux. C’est pourtant ce que fait le sens commun, lorsqu’il considère notre société comme étant d’un haut niveau de technicité, lorsqu’il évoque les incroyables prouesses techniques de notre époque. Disons-le sans détours : notre société ne sont pas plus évoluée que d’autres, il n’y a pas d’un côté les sociétés « primitives » et de l’autre les évoluées, il n’y a que des choix et des contraintes, qui orientent nos capacités d’agir sur le monde dans une direction, ou dans une autre.
Il est, en ce sens, assez éloquent de comparer nos compétences avec celles de la majorité de la population d’avant la seconde guerre mondiale. Avaient-ils/elles moins de capacité d’agir sur le monde ? Sûrement pas, puisque nombre de personnes cultivaient leurs lopins de terre, savaient reconnaître les plantes, avaient quelques animaux domestiques, bricolaient par-ci par-là objets et habitats. Aujourd’hui, nos compétences – communiquer à distance, se déplacer, acheter se dont on a besoin – se font majoritairement par la médiation d’une machine globale. Et au quotidien, il est presque devenu indispensable de savoir remplir des dossiers administratifs, de demander des aides et des subventions, et d’être des consommat.eur.rice.s éclairé.e.s, Cette mutation, opérée au court du XX ème siècle, nous a fait passer d’un rapport direct aux écosystèmes à un système technicien – selon l’expression de Jacques Ellul – où les normes et réglementations deviennent aussi quotidiennes qu’omniprésentes. Dans ce labyrinthe absurde, certain.e.s expert.e.s, juristes et associations citoyennes font office de gardien.ne.s du temple.
Le système technicien n’est pas une conséquence logique du « progrès », mais d’une dynamique du pouvoir qui a trouvée en chaque invention une nouvelle opportunité d’accroître son emprise : la carte d’identité est le prolongement des premiers recensement des États, le smartphone une nouvelle manière – quasi religieuse - de conditionner les esprits, la carte bancaire un formidable outils de rationalisation des échanges monétaires, les nouvelles technologies de nouvelles raisons d’acheter etc. Tout comme le capitalisme est intimement lié, dès sa genèse, à l’État, le système technicien est sous-tendu par ces deux derniers. Ainsi les analyses critiques des nouvelles technologies - et des désastres que celles-ci causes sur les peuples du monde - ont tout intérêt à ne pas perdre de vue les bénéficiaires d’un tel système : une minorité de personnes accrochées à leur capacité de contraindre. Dire cela revient à prendre ses distances vis-à-vis d’une approche de la technique qui se focaliserait sur les usages individuels qui en sont fait. Le seul moyen d’éviter un avenir dystopique, digne des plus pessimistes récits de science fiction, reste encore de renverser les systèmes de domination en place, autrement dit : faire la révolution. Ce n’est qu’à ce prix-là que nous pourrons redéployer notre génie technique dans des directions propices à la vie.