Hypothèse (r)évolutionnaire IV le capitalisme

mercredi 29 juin 2022, par Hypothèse (r)évolutionnaire.

Le processus de l’accumulation de la richesse, […] n’est possible que si l’homme sacrifie son monde et son appartenance – au – monde.

Hannah Arendt, La Condition de l’homme moderne


Il apparaît aujourd’hui évident que le capitalisme est l’une des principales causes des dérèglements environnementaux, de l’accroissement des inégalités, de l’exploitation et de l’exclusion.. Mais si cette constatation est de plus en plus partagée, une grande confusion semble perdurer autour de cette notion. Il n’y a rien d’étonnant à cela, tant le capitalisme affecte de nombreux aspects de nos vies : l’économique, la politique, la sphère médiatique, les mondes culturels mais aussi nos manières de nous percevoir nous-même. Il importe donc de clarifier le contenu fondamental de ce modèle économique, à l’aune d’une analyse marxiste qui n’a en rien perdu de sa vigueur. Nous disons bien l’analyse, et non la vision historique et les perspectives révolutionnaires que la tradition marxiste a développées, ce qui est une autre question.

Selon Marx le capitalisme est avant toute chose un mode de production, dont découle de nombreuses conséquences sociétales, mais qui ne peut perdurer sans ses fondements économiques. L’analyse marxiste est aussi complète que complexe, ainsi notre bref panorama a pour unique fonction de donner envie d’approfondir certaines notions, mais aussi de rappeler les structures à remettre en cause pour sortir de ce modèle économique. On peut schématiquement identifier trois piliers au capitalisme : la propriété privée des moyens de production, la division entre production et reproduction et une manière de déterminer les prix.

La propriété privée des moyens de production est le fait de défendre par le droit la possession, par un individu ou une entreprise, des terres, des usines, des machines, des logements loués, des systèmes informatiques, tout ce qui enrichit les personnes qui les possèdent de manière disproportionné par rapport au travail qu’ils accomplissent. La personne qui possède ces moyens de production et donc le stock de biens ou de richesses nécessaires à une production est appelée capitaliste. Elle est maîtresse en sa propriété, elle peut en user et en abuser selon son bon vouloir, au sein du cadre donné par la loi, sans avoir à rechercher le consentement des personnes qui sont directement affectées par ses choix. Ainsi le capitaliste capitalise sur son moyen de production, fait des investissements, mais ne crée pas pour autant de richesse.

La richesse est crée par le travail des personnes qui produisent au sein de cette propriété privée, et qui reçoivent un salaire pour cela. Est donc considéré comme étant du travail toutes les activités qui participent à la valorisation du Capital, et/ou qui peuvent faire l’objet d’un échange monétaire. De la sorte toutes les activités non-rémunérées sont considérées comme non-productive, comme n’étant pas du travail. Ainsi les activités traditionnellement assimilées aux femmes - s’occuper des enfants, faire le ménage, prendre soin des aïeux/aïeules, cultiver un petit coin de potager – sont exclues du système de valorisation monétaire. Les féministes marxistes opposent le travail de production de valeur économique et les activités de reproduction qui sont indispensables à la vie humaine. Ainsi la production de richesse repose sur l’exploitation systémique des personnes qui exercent les activités de reproduction, rendues financièrement dépendantes des autres. C’est une forme d’esclavage aussi invisible que structurante, mais aussi l’expression du lien étroit qui existe entre capitalisme et patriarcat.

La théorie de la valeur a une place centrale dans le marxisme, nous n’aborderons pas cela ici, bien que sa compréhension tienne une place centrale pour toute analyse critique. Nous dirons seulement, de manière très basique, que le capitalisme fait une différence entre la valeur et le prix. La valeur d’un bien ou d’un service peut être résumée par une simple addition comptable : valeur = frais fixes + matières premières + investissements + salaires. Ainsi la valeur, dans son sens le plus étroit, peut être considérée comme étant la somme d’argent nécessaire pour couvrir les frais de production. Mais la valeur n’est pas le prix. Puisque le capitaliste cherchera toujours à maximiser l’écart entre la valeur et le prix de vente, afin de maximiser ses marges. Cet écart sera légitimé par la construction d’une valeur symbolique et sociale de ce qui est vendu, par l’entremise de la publicité ou par des logiques de rareté. Ce que l’on achète est donc toujours plus cher que sa véritable valeur, et cette plus-value constitue les revenus du Capital et l’origine des fortes inégalités économiques.

Penser dépasser le capitalisme sans s’attaquer à la propriété privée des moyens de production, à la définition du travail et à la plus-value capitaliste est une erreur. Cela revient à vouloir changer la forme sans toucher au fond du problème. Tout anti-capitalisme conséquent devrait avoir dans un coin de la tête cette analyse structurelle, bien peu présente dans les discours contemporains, mais indispensable à la lutte contre la destruction des mondes qui s’opère.


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