Histoire du sabotage : face aux systèmes industriels aliénants, détruire c’est se défendre

Résister à l’oppression politique et technologique - Livre Histoire du sabotage, tome 2

vendredi 30 mai 2025, par Lili souris de bibliothèque.

Le sabotage a été utilisé depuis longtemps de différentes manières par diverses personnes.
Le système en place nous mène une guerre totale assymétrique et veut nous cantonner à l’impuissance, à la sidération et à l’obéissance à coup de lois scélérates et de répression brutale. Le système est complètement verrouillé et il n’y a pas de démocratie, alors de nos jours, le sabotage semble encore plus indispensable à la plupart des luttes, surtout quand il s’agit d’attaquer la mégamachine ou un de ses coeurs.

Cent ans de sabotage : résister à l’oppression politique et technologique

Dans "Neutraliser le système techno-industriel", second tome de son "Histoire du sabotage", Victor Cachard part de la première guerre mondiale pour identifier les différents courants de cette stratégie politique aux mille nuances de résistance. Au-delà des époques et des tendances, colonisé·es, autonomes, intellos ou écolos s’accordent sur ce principe essentiel : face aux systèmes industriels aliénants, détruire c’est se défendre.

- Cent ans de sabotage : résister à l’oppression politique et technologique
À propos d’Histoire du sabotage, tome 2 : Neutraliser le système techno-industriel, de Victor Cachard, paru en 2025 aux Éditions Libre.

Extraits :

(...)
Encore faut-il voir comment, dans l’histoire concrète des sociétés, l’évolution s’opère, alors que l’idéal des uns n’est pas l’idéal des autres. Elle s’opère forcément par des luttes à propos desquelles il faut se demander ce qui a pu les rendre efficaces. La société, en effet, est un champ de force dans lequel le nombre n’a jamais en soi assuré aucune victoire. L’histoire politique des sociétés montre, tout au contraire, que le petit nombre prend constamment le pouvoir sur le grand nombre. S’il en était besoin, l’imposition récente d’une réforme des retraites à une grande majorité qui n’en voulait pas vient rappeler aux générations montantes toujours aussi oublieuses cette vérité fondamentale de toute science politique. Et l’on voit clairement aujourd’hui comment les droits sociaux régressent lorsque les populations perdent le courage et le goût de la lutte pour se défendre. La simple parole, telle que la relaient bien mal les enquêtes d’opinion, n’est pas en soi une lutte. Les revendications ne sont que des paroles impuissantes, voire des exutoires, si elles ne se prolongent pas en combats politiques.
(...)
Le sabotage est le refus de s’en prendre physiquement aux personnes, un refus non seulement du meurtre mais aussi de tout ce qui peut blesser. Bien qu’il soit généralement considéré comme une infraction à la loi, il repose sur le respect des droits de l’homme, de l’intégrité des personnes et il est fondé à se réclamer de l’humanisme tant par les causes qu’il défend que par les moyens qu’il emploie, du moins en règle générale. Mais le sabotage ne tombe pas dans les illusions du dialogue social et des paroles inutiles : il est un réalisme politique et prend acte que toute négociation repose sur un rapport de force. Il ne s’inscrit pas dans le dilemme, d’ailleurs obsolète, entre le réformisme et la révolution. Il sait que les réformes ne peuvent s’obtenir qu’à partir d’une pression sociale sur les élites gouvernementales et il pose que détruire ou abîmer des biens matériels ou nuire aux processus productifs est un moyen moralement acceptable et politiquement efficace pour pousser aux réformes.
(...)
Mais les guerres du vingtième siècle échappent à l’art militaire et à ses règles : elles deviennent des guerres totales où les populations civiles sont impliquées. Deux situations ont été particulièrement favorables à l’émergence d’une guerre civile permanente : les situations coloniales et les luttes internes aux populations d’un même pays entre les factions fascistes et les militants antifascistes. Dans ces deux contextes, un sabotage de guérilla se développe. Du côté fasciste, il prend la forme de ce qu’ont été les ligues anti-ouvrières en Italie ou les milices paramilitaires nazies. Du côté des partisans et des résistants, il prend la forme, par exemple, d’attaques contre des infrastructures de communication. On le trouve déjà dans les bandes de résistants espagnols contre l’invasion napoléonienne, et on l’observe même jusque dans les camps de concentration où circulent entre prisonniers des consignes clandestines pour travailler plus lentement ou mal faire le travail. Il est également le recours du colonisé contre le colonisateur.
(...)
Le sabotage n’est plus seulement celui des ouvriers contre leur outil de travail à l’intérieur de l’usine mais il peut devenir la pratique citoyenne de militants contre les bases matérielles de la production industrielle et de l’organisation militaire, notamment lorsque celle-ci projette des essais nucléaires.
(...)
Arthur (Henri Montant) écrit, au nom de l’efficacité nécessaire des luttes : « les ‘doux’ écologistes devraient étudier sérieusement la question du sabotage. Ils découvriront peut-être que la marchandise n’est pas sacrée, et que la détruire n’est pas un acte de violence mais un geste de légitime défense ».
(...)
Pour rendre compte de la rencontre entre l’écologie radicale et la voie du sabotage, Cachard propose une troisième chronologie : celle de l’écosabotage. Celui-ci est déjà à l’œuvre dans la guérilla contre les infrastructures et dans la sensibilité libertaire de La Gueule ouverte.
(...)
La multitude des exemples concrets que ce livre nous donne invite le lecteur à se demander si l’on peut ranger sous le même concept, celui de sabotage, tous les actes et comportements ici évoqués. La différence est grande entre des actions spectaculaires et d’autres qui peuvent passer inaperçues. Certaines sont résolument illégales et d’autres sont si discrètes qu’elles peuvent ne pas même être repérées comme par exemple lorsqu’un ouvrier travaille lentement ou fait exprès de rater une pièce. Certaines sont revendiquées et d’autres restent cachées. Il existe un fossé entre la tricherie à l’égard d’un employeur et la détérioration d’une voie ferrée. Un fossé selon la valeur marchande de ce qui est détruit, mais aussi selon le sens qu’on lui donne. Un acte isolé comme ceux de Fox n’a sans doute pas la même portée qu’un fauchage d’OGM revendiqué par un groupe organisé à visage découvert. Et puis il y a aussi des enjeux très différents selon les contextes : agir en pleine guérilla au risque de sa vie n’est pas la même chose que la destruction d’un engin de chantier.

Ce qui est sûr, c’est qu’il existe, entre la passivité servile et la violence politique, une infinité de nuances dans les comportements de résistance. La parole, qu’elle soit directe sur le mode de la plainte ou de la récrimination, ou qu’elle soit déléguée à des organisations représentatives supposées la faire entendre dans des instances instituées, reste en-deçà de la véritable lutte sociale. Orale ou formulée dans des écrits, la parole ne peut recevoir de réponse que sous la forme d’une autre parole, celle des promesses fallacieuses des gouvernements. En répertoriant par une démarche historique la variété des modes d’action ou d’abstention, Victor Cachard a-t-il eu aussi le projet de donner certaines idées à des militants qui parfois pourraient en manquer ?
(...)


Répondre à cet article

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
[Se connecter]
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Retrouvez Ricochets sur :
- MASTODON (en .onion)
- SEENTHIS

Partagez la page

- L'article en PDF : Enregistrer au format PDF
Site réalisé avec SPIP | | Plan du site | Drôme infos locales | Articles | Thèmes | Présentation | Contact | Rechercher | Mentions légales | Suivre la vie du site RSS 2.0
Médial local d'information et d'expression libre pour la Drôme et ses vallées, journal local de contre-pouvoir à but non-lucratif, média participatif indépendant :
Valence, Romans-sur-Isère, Montélimar, Crest, Saillans, Die, Dieulefit, Vercheny, Grane, Eurre, Loriol, Livron, Aouste sur Sye, Mirabel et Blacons, Piegros la Clastre, Beaufort sur Gervanne, Allex, Divajeu, Saou, Suze, Upie, Pontaix, Barsac, St Benois en Diois, Aurel...
Vous avez le droit de reproduire les contenus de ce site à condition de citer la source et qu'il s'agisse d'utilisations non-commerciales
Copyleft