« Ceci n’est pas une crise sanitaire, c’est une crise de civilisation »
- Grippe aviaire : démanteler le modèle d’élevage industriel au lieu de subventionner son agonie
- Police partout, écologie nulle part
Contre la grippe aviaire, stoppons l’élevage intensif - Dix-neuf millions de volailles ont été abattues à cause de la grippe aviaire. Le modèle industriel, perfusé aux milliards de l’État, est à l’agonie, résume l’auteur de cette tribune.
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Au moins 19 millions de canards, oies, poules, dindes, pintades… ont été abattus entre août 2021 et mai 2022 pour mettre fin au pire épisode de grippe aviaire que la France ait connu. Les crises dans l’élevage se succèdent d’année en année. C’est désormais au tour de la faune sauvage d’être massivement touchée, à une échelle telle qu’on peut craindre pour l’avenir de certaines espèces, comme le Fou de Bassan.
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Découper le sujet en « sous-crises », celle de l’élevage, celle de l’accouvage, celle des oiseaux sauvages, celle du printemps dernier ou celle de cet automne, c’est la certitude de n’y rien comprendre. C’est l’assurance de n’y apporter que des solutions techniques, occasionnant des effets dévastateurs. La faune sauvage ramène le virus ? Isolons donc les élevages de l’extérieur, enfermons les volailles et laissons des dizaines de milliers de poulets ou de canards être contaminés par les flux
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Le virus n’est traité comme un problème technique que pour en évacuer la portée politique. Ceci n’est pas une crise sanitaire, c’est une crise de civilisation. Celle de la société thermo-industrielle.
Les symptômes de l’agonie d’une société qui a perdu tout sens de la mesure, dont les émissions de gaz à effet de serre ont réchauffé le climat au point de perturber les migrations d’oiseaux.
Une société vouée à la recherche de l’efficacité maximale qui, sous des critères exclusivement économiques et quantitatifs, a engendré un monstre : un modèle agro-industriel où le travail d’éleveur est divisé et spécialisé à outrance. C’est le modèle de la « filière longue », où sélection, accouvage, élevage, gavage et abattage sont séparés. Des camions sillonnent le territoire, transportant ici des œufs, là-bas des canetons, des poulettes ou des canards « prêts à gaver ». D’autres camions apportent l’aliment et des voitures emmènent d’élevage en élevage des équipes de « ramasseurs », chargés de capturer les volailles et de les mettre en caisses. Les « fermes » ne sont plus que des unités de production intégrées à un processus industriel, aux mains de groupes qui assument tout, sauf l’investissement
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l’agonie de ce modèle d’élevage pourrait durer longtemps. Perfusée aux milliards de l’État, la fuite en avant sera mortifère, elle fera d’innombrables autres victimes, volaille, oiseaux sauvages ou éleveurs. Dix-neuf millions de volailles abattues n’auront pas suffi à y changer quoi que ce soit, il y a donc fort à parier que même l’extinction du Fou de Bassan ne le pourrait pas non plus.
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Voir aussi : Grippe aviaire : l’Europe confrontée à « la plus importante épidémie observée à ce jour » - Le bilan estival de l’Autorité européenne de sécurité des aliments fait état d’une « persistance inhabituelle du virus chez les oiseaux sauvages ». Face à une dégradation de la situation sanitaire, la France a relevé son niveau de risque.
- Avec les pénuries, des poules nourries aux OGM - En raison des tensions sur les cours mondiaux, les œufs ou la volaille sans aliments transgéniques se raréfient. Les exigences de certains Labels rouges sont dégradées.
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Toujours pas de luttes consistantes contre l’agro-industrie et l’élevage intensif
Face à ces constats clairs et accablants, l’Etat, les lobbies et le gouvernement s’enfoncent dans les désastres, les technocrates veulent accentuer le contrôle et la sécurité, tandis que l’agro-industrie développe les drones, le tout numérique, les IA et le traitement de données.
Les impératifs incontournables de la civilisation industrielle, les besoins de puissance et de croissance de l’Etat et du techno-capitalisme obligent à persévérer dans l’erreur et les carnages.
Comme pour l’industrie des voitures, l’industrie de l’élevage découpe spatialement les différentes phases de la fabrication, importe et fait circuler les différents éléments utiles à l’assemblage du produit final via camions et chaînes logistiques mondialisées, produit (poulet, foie gras, pieds de porc...) qui est ensuite exporté au 4 coins du monde.
Ce ne sont pas les petites niches de consommation/production bio, de permaculture et les petits paysans rescapés qui résistent encore et toujours vaillamment au rouleau compresseur qui pourront enrayer ce processus mortifère.
Il faudrait plutôt des luttes radicales ET des alternatives, partout, tout le temps, qui stoppent le système agro-industriel (et tout ce qui va avec) à la base.
L’agro-industrie et son monde c’est une « vraie » mauvaise herbe, il ne suffit pas de la piétiner et de la couper, il faut extirper toutes ces racines et remplacer le terreau pétrochimique pourri qui la nourrit par des terres riches et fertiles.
En Chine, l’élevage industriel a (selon les dernières études) très vraissemblablement été à l’origine de la syndémie mondiale de Covid-19.
Evidemment, Etats et agro-industriels, tous pris dans la logique folle du capitalisme, de l’argent, de la croissance et de la concurrence veulent continuer ce modèle de société dévastateur, à coup de biotechnologies, de vaccins, de capteurs numériques, de suivi des cultures et des engais par satellites, de dispositifs sophistiqués de « biosécurité ».
Et les peuples européens laissent faire, on ne voit pas de vraies rebellions contre les élevages industriels et l’agro-industrie qui va avec.
De plus, en France le régime macroniste vient d’adopter un nouvel amendement répressif visant à museler un peu plus les contestations écologiques, notamment dans le domaine agro-industriel.
Ainsi, à moins de révoltes franches et radicales tout azimut qui ralentiraient voir stopperaient la civilisation techno-industrielle, d’autres pandémies, pénuries et désastres sont inévitables.