Film documentaire : « Nous sommes des champs de bataille », de Mathieu Rigouste

Les rouages du système étatico-policier à travers ses marchés d’armes au Milipol

mercredi 22 janvier 2025, par Chronique du régime policier.

Un film docu essentiel pour décortiquer les rouages du système policier, via le salon d’armement Milipol et les paroles de ses acteurs et commerciaux.
Des militantes en lutte contre les violences étatico-policières apportent leur éclairage précieux et leur expérience.
De quoi rassembler du sable pour ensemble enrayer la Machine et lacérer ses vitrines blindées.

À voir : « Nous sommes des champs de bataille », de Mathieu Rigouste

Dès les premières images projetées dans la salle obscure, nous sommes embarqués dans ce film, qui est à la fois récit d’investigation et manifeste militant.

« Nous sommes des champs de bataille » est une œuvre totalement autoproduite, financée par des dons, écrite à plusieurs mains et fruit de discussions militantes que présente Mathieu Rigouste, chercheur et auteur de nombreux ouvrages passionnants sur la répression et le colonialisme.

Les prises de vue et le montage lui ont pris 7 ans, fruit d’une longue élaboration qui a fait évoluer le projet. À l’arrivée, un beau document d’une heure et demie où l’on suit, de manière entremêlée, une immersion dans le monde des armes de répression et le parcours de deux militantes.

En effet, Mathieu Rigouste a réussi à s’infiltrer à plusieurs reprises au salon MILIPOL, cet immense salon mondial du maintien de l’ordre qui se tient sous haute protection à Paris. Sous l’égide du Ministère de l’Intérieur français, des dizaines d’entreprises du monde entier viennent y exposer leurs dernières trouvailles en matière de répression, de terreur et de torture, sous l’œil gourmand de milliers de représentants de tous les régimes, avides de nouvelles armes pour mater leurs populations.

Mathieu Rigouste se filme, enfilant un costume et réussissant avec une facilité déconcertante à entrer dans le salon, puis à interroger différents représentants de firmes d’armement dans les couloirs et devant les stands. Ces vendeurs de peur sont trop contents de promouvoir leurs produits et espèrent visiblement une attention médiatique. Ils ne se doutent pas de la personne à qui ils ont affaire.

Parmi les personnes questionnées, on croise la route d’un représentant du GICAT – le Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres – méconnu mais puissant lobby de l’armement. Avec d’autres, il se félicite d’un marché « en plein essor ». Et tous confirment avec un cynisme obscène que le fait que leurs armes aient été « testées » en conditions réelles par la police française permet qu’elles se vendent mieux à l’étranger. Elles ont pu faire leurs preuves sur le terrain. Elles ont été « valorisées » sur le corps des minorités, des colonisés et des contestataires donc.

On assiste aussi à une séance d’auto-congratulation d’une représentante de la firme Taser. Ces pistolets à impulsions électriques ont tué un homme l’an dernier à Montreuil. Il avait reçu 10 décharges. Nos corps ne sont pas que des champs de bataille, mais aussi des terrains d’expérimentation.

En parallèle, Mathieu Rigouste suit et échange avec deux camarades et amies : Fatou Dieng et Fahima Laidoudi. La première se bat depuis 2007 contre l’impunité policière. Cette année-là, son frère Lamine Dieng, 25 ans, était mort étouffé par des policiers à Paris. Le combat héroïque des sœurs Dieng a contribué à mettre en lumière les techniques d’étranglement utilisées par la police. Des méthodes qui ont causé de nombreux autres décès depuis la mort de Lamine. La deuxième, Fahima, milite au sein de cantines populaires, pour le droit au logement, et revient sur la manière dont elle a vécu le racisme et la violence d’État dans sa chair.

Les deux femmes sont invitées à réagir, souvent avec une ironie cinglante, aux images captées par l’auteur dans le salon de l’armement. Le tout est accompagné d’images captées sur le terrain et sans sensationnalisme, de petits moments de lutte, de rassemblements et de manifestations.

Car ce film ne se contente pas d’un constat déprimant, mais il apporte aussi de la joie et de l’humanité dans la lutte contre les violences d’État et les injustices en général. Une joie dont nous avons besoin par les temps qui courent.

« Nous sommes des champs de bataille » est à voir, à faire voir et à faire vivre comme support de discussions.

- Il est disponible à prix libre sur le site de Mathieu Rigouste.

- source : https://contre-attaque.net/2025/01/18/a-voir-nous-sommes-des-champs-de-bataille-de-mathieu-rigouste/

https://vimeo.com/1043633088

NOUS SOMMES DES CHAMPS DE BATAILLE, un film de Mathieu Rigouste

90 min, France, 2025

“ Depuis le début des années 2000, j’enquête sur le système sécuritaire tout en participant aux luttes sociales. Et pour cette raison, j’ai été fiché par les services de renseignements français.

Mais nous avons besoin de mieux comprendre cette machine de guerre et de contrôle qui écrase les peuples. Alors j’ai décidé d’aller enquêter au coeur de Milipol, le salon mondial de la sécurité intérieure des Etats.

Suivez-moi dans les coulisses de ce business mondial. Nous allons enquêter ensemble sur la fabrication des guerres, la globalisation de la surveillance et le commerce de la répression.

Il s’agit de mettre en lumière les rouages d’un système en laissant ses principaux acteurs le raconter eux-mêmes, face caméra. Et d’y réfléchir avec celles et ceux qui subissent l’ordre militaro-sécuritaire au quotidien et qui tentent de lui résister pour exister.

A travers les interstices, nous interrogeons notre participation à l’ordre des choses et du monde, notre capacité à nous préserver et à nous transformer.

Dans le reflet de la machine de guerre, nous sommes face à nous-mêmes et à ce que nous voulons devenir."

- Plus d’infos et film à prix libre sur https://mathieurigouste.net/-Nous-sommes-des-champs-de-bataille-


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