On le savait, le libre marché capitaliste et le commerce se foutent des conséquences, ils sont pris dans la logique de l’argent abstrait à produire quoi qu’il en coûte.
La croissance et le marché conduisent à des situations folles, c’est le chaos et les petites entreprises locales et responsables en font les frais.
Cet exemple type d’une scierie démontre qu’un basculement général positif ne peut pas s’obtenir par le seul empilement d’initiatives éthiques mises en réseau qui submergeraient un jour l’ordre marchand et capitaliste ainsi que le moloch étatique.
Si ces désertions plus ou moins poussées, individuelles et de groupes, sont indispensables, elles ne sont pas suffisantes.
Les rouages impitoyables du fonctionnement automatique de la société industrielle et du libre marché ne le permettent pas, et par ailleurs les organes de répression peuvent se charger de mater volontairement les déviances de manière plus directe si besoin (voir ZAD de NDDL).
Revenir à un marché dé-mondialisé est impossible vu le degré actuel d’interdépendance et de connexion, de plus un capitalisme en partie recentré sur le national resterait du capitalisme..., porteur des mêmes mécanismes néfastes, sans parler du nationalisme sous-jacent au maintien de l’Etat et des frontières.
Alors qu’on est souvent exhorté par les pouvoir et nombre de courants alternatifs à se contenter de lancer des activités en rupture avec l’ordre marchand, capitaliste et étatique, vers davantage d’autonomie, on est forcé de constater que dans la pratique c’est très insuffisant, voir impossible.
D’autant qu’il est très difficile de ne pas se faire bouffer par les pressions de la concurrence et du rythme de travail qu’elle impose, et que la simple acquisition de moyens de production ou de terres est déjà un immense challenge, souvent réservé aux plus fortunés ou aux plus habiles récolteurs de fonds.
Ainsi, même si c’est dur et « déplaisant » pour beaucoup, les formes d’attaques, de conflits, d’insurrections, qu’elles soient de masse ou de type guérilla, restent incontournables. C’est pourquoi les pouvoirs et leurs merdias les décrient, les dépolitisent et les conspuent sans cesse en les présentant comme « violentes », « dictatoriales », « émeutes de délinquants », « factieuses », « irresponsables »...
Mais place à l’exemple édifiant qui a motivé ces réflexions :
On explique tout !
Cela fait pile un mois que la fin d’activité a été annoncée. Nous avons reçu des centaines de messages de votre part et nous vous en remercions sincèrement 🥰
Quasi systématiquement, il nous a été demandé les raisons de cet arrêt. On en parle plus en dessous, ce sera l’occasion de faire un (triste) bilan du secteur bois en France 🧐
- Comment le marché mondial détruit les scieries locales responsables et accroit les pollutions et le CO2 émis, exemple avec la filière bois
- L’économie de marché détruit les entreprises plus éthiques et augmente destructions et CO2 émis
Tout d’abord, comme indiqué en Novembre, tout va bien pour nous 🙂 Il ne s’agit pas d’une faillite, personne n’est malade. Tout va bien de ce coté. Au contraire, c’est durant ces 5 dernières années que la scierie a investi le plus, que ce soit en matériel, ou en termes de stock (et oui, quand on fait rentrer des gros volumes de zebrano, il ne faut pas trembler quand on signe le bon de commande 😃)
Les raisons sont plutôt à chercher ailleurs. Si nous étions amenés à continuer en 2022, nous n’aurions déjà pas grand chose à vendre et de deux, les risques d’attraper une « mauvaise surprise » auraient été élevés.
Pour rappel, nous avons la double casquette de producteur et de négociant, c’est à dire que nous scions nous-mêmes nos arbres, mais nous achetons aussi du bois « semi travaillé », généralement dans des essences bien spécifiques que l’on ne trouve pas localement 🌳🌲
Et l’on attaque à la raison principale du problème : on ne trouve plus de matières premières ! Nous ne sommes certes pas dans une région énormément boisée, mais il y’a largement de quoi faire fonctionner des dizaines de scierie comme la notre, tout en gardant
une gestion durable des ressources. Le hic, c’est que l’immense majorité des bois français s’en vont à l’étranger. USA ou Chine, au choix. Dans les Hauts de France, c’est plutôt nos amis Chinois qui raflent la mise.
Vous voulez rigoler ? La Chine a justement décrété un moratoire sur l’abattage des arbres pendant 99 ans. Pendant quasiment un siècle,
les Chinois n’exploiteront pas leurs forêts. Inutile de préciser que cela ne s’applique aux forêts des autres pays.... 😏 On ne vise personne en particulier, les USA ne sont guère mieux, avec des méthodes d’achat pour le moins, agressives 👊D’autant plus ironique quand on sait que notre scierie, comme la plupart des acteurs de la filière, ont financé pendant des décennies le Fond Forestier National, une contribution financière destinée au … reboisement et à l’entretien des forêts nationales. En résumé, on nous a taxé pour avoir de belles forêts, qui sont maintenant
revendues à l’étranger. Le rôle de l’Etat est clairement pointé, puisque les scieries de taille « intermédiaire » sont ignorées. Les
seuls lots proposés sont généralement des frênes malades ou des épicéas scolytés. Inutilisable en scierie, destinés au bois de chauffage. C’est sympa d’avoir pensé à nous 🤬
Les critères d’attribution des lots sont le pour moins opaques. On en arrive à un point où il est plus facile pour nous de trouver de l’iroko du Cameroun, que du douglas des Hauts de France...
C’est une situation que nous dénonçons depuis près de 20 ans, mais qui s’est furieusement accentué après le déconfinement. C’est surement cela le « monde d’après » 🤥
La partie Négoce n’est pas mieux lotie. Nous travaillions essentiellement avec la Scandinavie pour le Sapin Rouge du Nord, pour ses qualités naturelles et de longévité sans équivalent. Sur cette essence, et comme sur d’autres (coucou le Mélèze 🙂 ), les prix ont explosé depuis un an. On ne parle pas de petite augmentation, mais bien d’explosion. Sur certains sections, le coût a quasiment triplé. Le tout avec des délais en forte hausse, et surtout une qualité qui n’a jamais été aussi mauvaise.
La demande étant tellement forte que le processus de séchage des bois est bâclé ! Les planches restent moins longtemps, et dans des séchoirs à trop haute température. Il en résulte des bois cassants, tordus, nerveux. Du jamais vu ! On en arrive à un point où acheter du Sapin Rouge revient à jouer au trader : il faut acheter en aveugle, sans avoir aucune idée de la date de livraison, et avec des qualités totalement aléatoires. Qui veut jouer à la roulette russe ? 🤦♂️
Le tout dans un contexte économique épouvantable. Il y’a certes du boulot, mais la plupart des entreprises se sont endettées pour continuer à avoir de la marchandises, tout en devant réduire ses marges. En devant rembourser les charges sociales non prélevées, et toujours avec une menace sanitaire qui n’est jamais loin 💊💉 La plupart des fédérations de commerce annoncent de la casse pour 2022
Vous avez maintenant conscience du contexte général. On résume ? Vous n’avez plus de matières premières pour produire, des grosses difficultés pour trouver de la marchandises à revendre, et potentiellement vous aurez beaucoup d’impayés l’an prochain. Que souhaitez vous faire dans ce cas précis ? C’est vite vu 🛑❌
Agir de la sorte nous permet de nous « retirer » de cette course folle qui n’a ni queue ni tête, tout en préservant nos intérêts : nous restons maitre de nos futurs choix. Pour revenir dans le futur ? Pourquoi pas, c’est une possibilité à laquelle nous travaillons fortement
Si vous suivez cette page depuis un moment, vous connaissez la passion qui nous habite. Nous restons persuadés qu’il est possible de proposer du bois de qualité, hors de la grande distribution et de ses bois traités. Qu’il est possible de trouver des essences extraordinaires, tout en continuant de valoriser les bois locaux. A vrai dire les idées ne manquent pas 💡
Reste quelques questions en suspens :
Faut-il garder le même emplacement ?
Où trouver de la matière ?
Quand le marché se calmera ?
Il serait suicidaire de reprendre dans 6 mois. Il faut une remise en question en cause profonde de la gestion des forêts en France, dans les niveaux les plus hauts de l’Etat. A l’heure des COP et des grands discours sur le climat, comment expliquer que nos arbres se font travailler à l’autre bout du monde (dans des conditions humaines précaires), avant de refaire le trajet inverse et de retrouver dans les rayons de grande surface avec une belle étiquette « Chêne d’origine Française » 🇫🇷🤔
Vous savez maintenant tout. De ce qui nous a amené à prendre cette décision, jusqu’à nos plans hypothétiques pour le futur
(...)
Post de la Scierie Foulon