Penser avec les pieds …ou sinon un Fab Lab

impression ou cerveau, mais pas les deux

mardi 5 mai 2020, par Etienne.

Dégoulinement de bien-pensance béate aujourd’hui sur France Inter : honneur était rendu au « méqueurs » aka [1] « makeurs » en créole franglish.
Les méqueurs ? En langage Trump, ça veut dire, faiseur, artisan, fèvre, fèbre, voire faber pour les latinistes. Homo faber, vous savez, l’homme ou la femme habile de ses mais à fabriquer de merveilleux panamas souples si finement tressés qu’ils sont imperméables (c’est juste un exemple).

Le méqeur, lui, n’est pas habile de ses mains : il est habile de sa machine ou de son ordinateur. Il sait taper sur des touches. Point. Sa machine ? Une imprimante 3D, avec lesquelles une flopée de méqueurs ont fabriqué des dizaines de milliers de masque de protection contre ce satané virus.
Certains ont été produits à Crest. Tant mieux, et merci à ceux qui en ont eu l’idée et l’ont fait pour le bien de tous.

L’idée n’est pas là. Non. L’idée c’est cet égarement par lequel on nous fait croire qu’il faut absolument une machine d’impression 3D pour fabriquer des masques de protection. Il est vrai que les méqueurs sont souvent de jeunes hommes ; entre vingt et trente ans qui n’ont jamais connu autre chose que le liquide douche dans un flacon en plastic. Du coup ils se demandent comment les hommes au paléolithique ont bien pu prendre des douches sans liquide douche dans des flacons en plastic. Ou se torcher sans papier-cul molletonné quatre couches. D’où la ruée en début de confinement

Ecalage siliconé

On a, nous dit la radio, intensément échangé des plans et des recettes de construction au sein de la communauté. Communauté. Un si joli mot qui sent bon les soirées villageoises et l’écalage en commun des châtaignes : sauf que cette communauté-là est bidon, siliconée comme une fausse poitrine. Qui d’ailleurs les tuyaux pour échanger les données ? Qui fournit les systèmes d’exploitation et les logiciels dit libres ? [2]

L’idée c’est aussi ce sophisme que les fab lab et leurs machines d’impression 3D seraient une bonne solution, pour par exemple relocaliser l’économie. Erreur de myope. Il faut voir les choses dans leur globalité. Où sont fabriqués ces machines ? Pas à Crest, selon nos informations. Que consomment-elles ? Pas du picodon ni de la clairette, mais de l’électricité, qui a la plus grande chance d’ être majoritairement nucléaire.

Quel appareil les pilote-t-il ? Un ordinateur. Où est fabriqué cet ordinateur, où sont extraites les terres rares entrant dans la composition de ses éléments clé ? D’où provient le plastic de la boîte qui les contient ?
Et quand il n’y aura plus d’électricité, parce qu’il y aura tellement de machines 3D que les gros plombs du pays sauteront, fonctionneront-elles à pédale ? A moins qu’on rajoute des centrales pour faire fonctionner encore plus de machines d’impression 3 D, qui consommeront encore plus, d’où plus de pannes, d’où plus de centrales, etc, etc,etc.

Comment les hommes primitifs, ceux d’avant les machines 3D je veux dire, faisaient –ils pour solutionner leurs problèmes techniques ? En utilisant leur cerveau et leurs mains en lieu et place d’ordinateurs et de machines d’impression.
Exactement parallèle à cette perte sémantique, cet appauvrissement de la langue devenue incapable de se dire elle-même, handicapée, subordonnée, colonisée, trumpisée, au point de ne plus savoir qu’un « méqueur » est un artisan, un faisant, un faber ? Zones du langage et geste fin sont connexes dans l’aire de Broca. Dextérité et langue ont évolué en parallèle. Perdre l’une, c’est perdre l’autre. C’est à cet héritage vieux de millions d’années que s’attaque la silicose des savoir-faire.
Brainless potato couch ! [3]

La vallée ne compte –t-elle pas un Territory Lab, qui – merci de ne pas rire - se propose de « favoriser une culture régénérante de transition pour la vie des territoires ». Le ridicule ne tue pas. « On ne se voyait pas s’appeler autrement  », m’a-ton répondu quand j’ai demandé la raison de ce patronyme atlantiste. Ne pas penser autrement : tel est bien le problème.

Du rotin, des machins, de l’huile de coude

Car enfin, construire un masque de protection, ce n’est pas la mer à boire. Prenez n’importe quel baguette ou bandeau souple, de récupération préférablement. Si vous avez du rotin ; c’est bien. Sinon, pour les années à venir, apprenez à le produire et à le travailler. A partir de là on pourra reconstruire quelque forme d’activité locale résiliente high-tech (en pidgin). C’est à dire futée.

En attendant vous avez le dit bandeau ou baguette souple. Pour la visière transparente, pour le moment, pas d’autres moyens que de passer par un détaillant du Type Morin (indépendant) préférablement à Philibert (Groupe saint Gobain) ou Bricomarché (les Mousquetaires).
Reste à fixer la visière sur le bandeau : quelques trous percés avec une aiguille passée à la flamme, ou avec un Dremmel si vous avez, à travers le polyéthylène : voilà de quoi passer un fil de fibre ou métallique (car bien sûr, en bon résilient à la pointe de la modernité que vous êtes, vous avez toujours à disposition du fil et des bouts de machin et de trucs au cas où).

Fixer des rubans sur le jonc grâce à de solide nœud de pécheur, simple ou double, que vous savez faire, parce que votre papa ou votre maman vont l’ont appris. Ce qui est de moins en moins probable en raison du fait qu’en dehors de regardez Netflix sans le canapé, les gens sont de plus en plus patauds et gauches.
Sinon, apprenez à les faire : vous ne vous en porterez que mieux.
Pour demain être plus autonome et résilient.
Plus riche pour ne pas avoir à acheter plein de trucs inutiles.
Moins dépendant et plus heureux.
Mais comment ont-ils fait depuis le paléolithique ? Parce qu’ils étaient intelligents ? Intelli quoi ?

Notes

[1also known as, alias en franco-latin

[2GitHub, plus grosse plateforme de développement collaborative a été achetée pour 7,5 milliards de dollars par Microsoft

[3difficile à traduire : « génération chips et canapé décérébrée », en référence à Mr. Potatoe, tandis que couch c’est le canapé, la couche, la strate...qui en tient une couche


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