Une photo prise sur un lieu de lutte écologiste en Allemagne illustre à merveille la fusion entre l’Etat, les gouvernements, les forces de l’Ordre et les entreprises capitalistes, tous unis contre le vivant et les résistances qui veulent le protéger.
Ces systèmes de pouvoir autoritaires se durcissent et deviennent totalitaires, ils s’orientent vers des sortes de néo-fascismes.
Grillages et barbelés entourent un chantier de déforestation pour le protéger, tandis que des flics sont déployés partout pour surveiller, et arrêter/évacuer les contestataires.
Face à des régimes extrémistes et brutaux qui veulent continuer le désastre coûte que coûte dans tous les domaines, quelles résistances possibles ?
- Face à des régimes autoritaires écocidaires, quelles actions écologistes ?
- En Allemagne, une déforestation pour autoroute protégée par des barbelés et des flics partout
AU CŒUR DE L’ALLEMAGNE : ZAD ET BATAILLE POUR DÉFENDRE UNE FORÊT
2000 policiers, des blindés et un canon à eau pour expulser les cabanes dans les arbres et détruire la nature
Cette forêt s’appelle Dannenröder et se situe en plein cœur de l’Allemagne, dans la Hesse. Le bois, vieux de plusieurs siècles, est menacé par un grand projet d’autoroute. Progressivement, cette forêt condamnée à la destruction a été occupée par des dizaines de cabanes de toutes les formes, installées dans les arbres et au sol, et protégée par de multiples barricade. Depuis plusieurs semaines, une immense opération d’expulsion est en cours pour lancer le défrichement. Des centaines d’effectifs de « polizei » sont déployés en zone forestière, et donnent à l’opération des airs d’attaques de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.
Des combats acharnés, sur le sol comme dans les airs se déroulent, et les renforts viennent de toute l’Allemagne pour protéger ce morceau de nature que les écologistes surnomment « Danni ». Plusieurs personnes tombées de haut pendant les interventions policières ont été blessées et d’autres envoyées en prison. Alors que l’hiver arrive, et que la neige recouvre la forêt, l’Etat a envoyé des canon à eau propulser du liquide glacé sur les opposants. Face aux blindés, les résistances sont multiples : pyrotechnie, occupation, jets de projectiles, résistance passive en s’attachant au sol, barricades en bonhommes de neige ...Un pianiste est également venu donner un somptueux récital dans la forêt.
Des sabotages contre des machines de l’entreprise Deges ont eu lieu récemment à Francfort entre autres initiatives solidaires. La défense de la forêt de Dannenröder donne un second souffle aux mobilisations écologistes, puissantes de l’autre côté du Rhin, et aux mobilisations anticapitalistes. Des rives de la Loire aux forêts du cœur de l’Europe, nous sommes la nature qui se défend !
(un post de Nantes Révoltée, avec d’autres photos)
- Face à des régimes autoritaires écocidaires, quelles actions écologistes ?
- La déforestation avance malgré des résistances acharnées sur le terrain
Un autre post initie des réflexions théoriques sur la situation :
« Arrêtez de jeter des boules de neige ou nous allons faire usage du canon à eau » (*)
- Polizei, forêt de Danni ce samedi
■ À propos de la violence et de la non-violence
Un manteau blanc sur les arbres mort. Il a neigé ici à danni. Et il devrait neiger encore ce week-end.
La lutte ne fonctionne pas pour protéger la forêt. Nous avons perdu 90% des arbres sur le tracer de l’autoroute. Il ne reste plus qu’un seul lieu de vie et une centaine de mètres encore boisé. Malgré les blocages plutôt efficaces de Ende Gelände
chaque dimanche, les autres jours de la semaine les arbres tombent. Nous échouons. Et nous avons eu le temps d’analyser cela, mais les mêmes stratégies sont utilisées. Un rituel qui amène l’énergie de révolte vers le sentiment d’impuissance puis la dépression. Pleins d’activistes partent, burnouts. Les tactiques des cabanes et de grimper dans les arbres ne fonctionnent pas complétement. Elles permettent de gagner du temps, pas de tenir hors de la forêt les machines et la police. (...)
Version anglaise et texte français en entier : About violence and non-violence
(notes accompagnant ce texte)
* : video avec le canon à eau de la police qui dit qu’il ne faut pas jeter de la neige : https://twitter.com/Ende__Gelaende/status/1335130860090236931
[1] : Violence, non-violence : une réponse à La Décroissance (par Kevin Amara et Nicolas Casaux) – Deep Green Resistance : https://www.deepgreenresistance.fr/
[2] : https://www.mkgandhi.org/nonviolence/gstruggle.htm
[3] : https://www.mkgandhi.org/nonviolence/phil8.htm
[4] : The Weather Underground Organization
https://youtu.be/GUTrk3tcFx4
[5] : Plogoff, des pierres contre des fusils
https://youtu.be/wc6_V70Vq0M
- Face à des régimes autoritaires écocidaires, quelles actions écologistes ?
- Des blindés face à des boules de neige - Le rapport de force est très inégal
En complément, des réflexions sur le fond du problème
Frédéric Dufoing : “L’écologisme contre l’Etat” - Les partis écologistes qui participent au jeu électoral ont-ils jamais réussi à faire avancer concrètement la cause de l’écologie ? Frédéric Dufoing en doute, et il nous explique pourquoi.
L’abîme entre l’écologisme particratique et les mouvements radicaux s’est accentué au point qu’on peut dire que, contrairement à la situation du début des années 1980, ils n’ont absolument plus rien en commun si l’on excepte un très vague éthos et quelques référents culturels, lesquels tiennent essentiellement à ce qu’en dit la vulgate médiatique. Les partis politiques écologistes sont de moins en moins – s’ils l’ont jamais vraiment été – des relais institutionnels des revendications radicales. Bridés par la logique de leur forme institutionnelle, happés par le marketing électoral qui implique la course au conformisme de niche et contaminés par les outils mis à leur disposition quand ils participaient au pouvoir, ces partis sont devenus à la fois environnementalistes (la nature devenant un objet à protéger et non pas un sujet indiquant des limites), confortablement sociaux-démocrates (axant leur projet sur des objectifs de relance par la demande « écologique », comme le green new deal), interventionnistes, « héroïques » au sens ou l’entend le grand écologiste états-unien Wendell Berry[1], technophiles (faisant miroiter qu’une énergie doit être remplacée ou économisée grâce à une nouvelle technique et/ou grâce à des investissements, sans autre changement fondamental de mode de vie), partisans de la démocratie participative (et donc pas de la directe) et libertariens du point de vue des mœurs, voire tentés par une forme plus ou moins édulcorée de transhumanisme (abandonnant de fait toute référence morale, culturelle ou biologique à la nature humaine).
(...)
Cette nature spécifique de l’Etat – automate structurel, opportuniste conjoncturel – implique que la non-violence de l’opposition n’est pas, n’a peut-être jamais été une option acceptable. Tout en atteste : sans même compter l’investiture étatique ou particratique, l’inflation d’institutions spécialisées et d’expertise ou encore les jeux taxatoires censés orienter la consommation, qui n’ont jamais été des options pour les écologistes radicaux, cohérents, les quatre stratégies déployées par ceux-ci – l’exemplarité individuelle ou collective (montrer l’alternative par sa propre vie pour qu’elle soit copiée), les communautés de marge (les ZAD, les expériences de squats, les communautés autogérées dans les périphéries, etc.), les actions associatives intégrées (allant des groupes de pression aux groupes développant les apprentissages des alternatives, donc des savoirs vernaculaires) et la résistance civile (blocages, manifestations, grèves, actions symboliques diverses, pétitions, etc.) – n’ont pas donné de résultats probants : quelle que soit sa forme, la non-violence qui sous-tend ces stratégies n’est désormais clairement ni efficace, ni exemplative ; elle n’est peut-être même plus vertueuse : à un certain degré d’aliénation, de déshumanisation, elle n’a plus rien à offrir qui la justifie en termes de dignité, ni dans ses conséquences, ni dans les intentions, ni en tant que forme d’abnégation. Elle n’est plus que lâcheté et soumission. La politique est, a toujours été et sera hélas toujours, un rapport de forces.
Forum de l’article