Explosion du prix de l’electricité : l’agriculture irriguée en Drôme menacée en 2023 - Un modèle agricole en question

L’irrigation massive des cultures industrielles insoutenable pour de nombreux agriculteurs, ...et pour la biosphère

vendredi 18 novembre 2022, par Les Indiens du Futur.

L’augmentation phénoménale des prix de l’électricité touche tous les secteurs, l’agriculture irriguée en Drôme en fait partie.
Le fonctionnement des pompes nécessaires à l’irrigation via le SID (Syndicat d’Irrigation Drômois) consomme beaucoup d’électricité. Selon le SID, en 2023 ça va va devenir insoutenable en l’état actuel du marché et des aides disponibles.
Le statut très particulier du SID, ni entreprise ni collectivité locale, l’exclu pour l’instant des aides d’Etat concernant l’énergie.

- Voir FLAMBEE DES PRIX DE L’ELECTRICITE et le dossier de presse lié + L’agriculture drômoise sera-t-elle irriguée en 2023 ?.
Le journal Le Crestois en parlait aussi dans le numéro du 04 novembre 2022.

Beaucoup de culture de maïs et de COP sont irriguées en Drôme (en Drôme, 26% de l’irrigation va au maïs, et 36% va au COP, céréales et oléoprotéagineux : surtout blé tendre, et aussi orge, colza, triticale, tournesol...) .
Et 4/5e des surfaces irriguées en Drôme dépendent du SID.

Explosion du prix de l’electricité : l’agriculture irriguée en Drôme menacée en 2023
Des grosses pompes énergivores pour du maïs industriel gourmand en eau

- Sommaire de ce « dossier » :

  1. L’irrigation à l’échelle industrielle, c’est beaucoup d’eau, et donc beaucoup d’électricité consommée
  2. L’importante consommation de viande entraîne une agriculture industrielle qui impacte très fortement les écosystèmes et le climat
  3. Les travaux pour l’irrigation coûtent des millions d’euros, et sont très subventionnés
  4. Quand la non-démocratie enchaîne à un modèle suicidaire
  5. L’irrigation massive enchaîne à un cercle vicieux
  6. On adore les règles du libre marché seulement quand ça arrange
  7. Les nappes toujours basses

1. L’irrigation à l’échelle industrielle, c’est beaucoup d’eau, et donc beaucoup d’électricité consommée

L’irrigation massive consomme beaucoup d’eau, et donc d’électricité pour faire tourner les pompes.
Le SID indique consommer environ 67 GWh par an pour faire fonctionner ses réseaux d’irrigation.

Le récurrence, l’amplitude et la durée des canicules entraînent une augmentation des besoins d’irrigation, tout particulièrement en plein été (notamment pour le maïs), et donc une augmentation de la consommation d’électricité pour l’acheminer des cours d’eau (Isère, Drôme, Bourne, Rhône) aux parcelles irriguées.

- En Drôme, le maïs, cultivé essentiellement pour l’élevage et principalement pour les élevages industriels, devient donc doublement inadapté :

  1. Il consomme trop d’eau alors que la région devient aride
  2. Il consomme trop d’électricité alors que l’énergie est chère est qu’il faut partout en diminuer la consommation pour préserver le climat et les écosystèmes.

Une bonne part du maïs cultivé en Drôme part pour d’autres régions, une aberration de plus.

Au lieu de dépenser des millions d’euros (aides, subventions, nouvelles stations de pompage, électricité...) pour tenter de faire survivre, temporairement et sous perfusion, une agriculture intensive insoutenable et indésirable, il serait plus opportun de mettre ces millions dans l’aide à l’agrictulture paysanne locale, vivrière, qui respecte les sols, les cycles de l’eau, les écosystèmes et la santé humaine.
La sécurité alimentaire viendra de là, par de l’ajout de dispositifs techno-numériques et autres robots.

En 2023, on peut parier que l’Etat subventionnera d’une manière ou d’une autre l’électricité nécessaire aux pompes drômoises pour éviter l’arrêt d’activité de nombreux agriculteurs irriguants.
Et après ? On continue à l’identique jusqu’aux crashs ?

Explosion du prix de l’electricité : l’agriculture irriguée en Drôme menacée en 2023
Arroser massivement au moment où il y a le moins d’eau disponible : une aberration massivement subventionnée par les élus et la préfecture

2. L’importante consommation de viande entraîne une agriculture industrielle qui impacte très fortement les écosystèmes et le climat

La production massive de maïs et de COP (céréales et oléoprotéagineux) sert à alimenter les élevages afin de soutenir la forte consommation de viandes.

Donner du maïs aux porcs et aux vaches n’est pas naturel, et en donner autant aux volailles non-plus. Les herbivores ont naturellement besoin de fourrages, de diverses herbes et de légumineuses comme la luzerne et la féverole, qui sont des cultures pluviales, c’est à dire qu’elles poussent pendant la saison des pluies et sont prêtes au printemps. Ce qui a pour effet de préserver les prairies qui sont un écosystème très important pour la biodiversité et le climat car elles sont de puissants réservoirs à carbone.

Au contraire, les champs labourés pour le maïs expulsent du carbone et les engrais azotés rejettent du protoxyde d’azote qui un a un effet 300 fois « réchauffant » que le CO2, et qui reste une centaine d’année dans l’atmosphère !

De nombreux agriculteurs continuent le maïs malgré ses coûts et problèmes parce que c’est une culture bien rémunérée par l’agro-industrie et que la PAC (Politique Agricole Commune européenne) verse des subventions pour le maïs irrigué (pour compenser l’investissement en matériel d’irrigation).

Pour économiser l’eau en agriculture, il faudrait donc moins d’élevage, moins de consommation de viande, des politiques de sécurité alimentaires territoriales et des modes de culture agroécologiques qui favorisent le cycle de l’eau (non labour, plantations et travail du sol selon les courbes de niveau, prairies, friches, haies, forêts, marres, zones humides, Hydrologie Régénérative...).

On pourrait envisager de privilégier l’agriculture vivrière locale, avec par exemple du poix chiche, du sorgho de variétés anciennes non gourmandes en eau, du chanvre non OGM...
Dans le cadre du libre marché ça ne marcherait sans doute pas, mais le libre marché n’est pas indispensable (sauf pour les spéculateurs et les accrocs aux profits privés), l’eau et la nourriture si.

3. Les travaux pour l’irrigation coûtent des millions d’euros, et sont très subventionnés

Des grosses pompes énergivores pour du maïs industriel gourmand en eau destiné à l’élevage industriel

- Pour la Drôme, voici quelques exemples de dépenses de travaux récents ou en cours par le SID (des montants largement subventionnés par notre argent) :

S’ils veulent survivre, les agriculteurs doivent donc se libérer au plus vite de l’emprise des banques, des lourds emprunts, de l’appât du gain facile à court terme, du machinisme exacerbé, de la course aux hectares, des grandes entreprises de l’agro-industrie qui dirigent les marchés agricoles, des firmes de la grande distribution, des politiques étatiques aberrantes...
Pour sécuriser l’alimentation, et donc la production agricole, il faut la sortir du libre marché et des délétères PAC, aller vers la sécurité sociale alimentaire, l’entraide, la coopération, la distribution locale, etc.

La permaculture ou autres méthodes d’agriculture respectant les sols et les cycles de l’eau doivent devenir ultra-prioritaires, et sortir des marchés de niche et des expérimentations pour se généraliser partout.
Les changements ont été jusque là très très insuffisants et pas assez profonds.

4. Quand la non-démocratie enchaîne à un modèle suicidaire

La politique agricole en Drôme échappe aux habitants. En l’absence de démocratie réelle, ce sont la chambre d’agriculture (largment inspirée par le productivisme et la FNSEA), la FNSEA, la préfecture et le SID qui décident du modèle, des orientations et subventions, sans nous. C’est la même chose au niveau de la plupart des communes et com com.
Ainsi, comme d’habitude, notre argent est distribuée via des subventions à un modèle délétère sans qu’on ait ni de voix ni de regard là dessus.

A force que les habitants se déchargent de la vie politique sur les élus, experts et militants, que le capitalisme étende ses filets et que les élus s’accordent tous les pouvoirs en répétant que la démocratie ce serait la délégation totale, la situation est verrouillée par des mafias, des lobbies et des institutions antidémocratiques centralisées. Un système écocidaire et antisocial est donc bien installé, pour l’agriculture comme pour tout, pourtant il faut en sortir urgemment.

Explosion du prix de l’electricité : l’agriculture irriguée en Drôme menacée en 2023
Agriculture vivrière pour l’alimentation locale, ou agriculture industrielle lucrative qui crame au soleil et entraîne des pénuries ?

5. L’irrigation massive enchaîne à un cercle vicieux

En Drôme et ailleurs, l’irrigation permet d’étendre les possiblités de culture et d’améliorer les rendements. Seulement, ça nécessite d’énormes travaux et des infrastructures coûteuses.

Et puis cette manne d’eau supplémentaire pousse/aide à produire toujours plus, à dépasser les limites naturelles.
Ce qui contribue au dépassement général des ressources disponibles de manière soutenable, et donc aux destructions de la biodiversité, au réchaufffement climatique en cours, etc.

Retour de bâton : avec le réchauffement climatique et les atteintes récurrentes et profondes aux écosystèmes, l’eau vient à manquer sérieusement, et l’agriculture hautement irriguée devient trop coûteuse, voir impossible.
On se rend compte alors, très tardivement car les alertes et autres voix/voie ont été ignorées depuis longtemps, que ce modèle, ce développement, est une impasse suicidaire, une mauvaise direction.

Malgré tout la plupart des gens, et notamment les institutions et lobbies, veulent s’obstiner dans cette mauvaise direction, soit en niant les problèmes en se masquant les yeux, soit en continuant à empiler des travaux et dispositifs techniques pour essayer de compenser les problèmes.

C’est ainsi que le système et ses agents continuent l’agro-industrie, les pesticides, le labour profond, les grosses machines, avec le pompage du Rhône, les robots, le numérique partout et des OGM en guise de solution.

On constate que ce modèle de société (d’agriculture) est totalement irrationnel et qu’il est structurellement incapable de changer.

6. On adore les règles du libre marché seulement quand ça arrange

Dans le domaine de l’agriculture comme ailleurs, les acteurs économiques aiment le libre marché, ses règles de concurrence et de liberté des prix seulement quand ça va avec leurs intérêts.
Quand le libre marché entraîne des coûts très importants pour l’électricité (ou autre chose) et que de nombreuses activités sont menacées, alors vite il s’agit de réguler les prix et d’appeler aux subventions inconditionnelles de l’Etat.
C’est une belle hypocrisie et une abscence de cohérence.

Les fluctuations chaotiques du libre marché ne sont pas comparables à des catastrophes naturelles imprévisibles. Les chaos et inflations volatiles du libre marché sont liés à son fonctionnement normal. Quand les institutions dérégulent tout, marchandisent tout, livrent toutes les choses essentielles aux appétits boulimiques et désordonnées du capitalisme, forcément des problèmes récurrents apparaissent. Ce sont des choix volontaires politiques et de société qui font que les prix existent et qu’ils fluctuent à ce point là sous le coup de guerre, de pandémie, de pénurie, de spéculation...
Dans une société non-capitaliste, libérée du monde marchand et de l’argent, il y aurait seulement besoin d’une solidarité matérielle en cas de catastrophes naturelles. Les nombreux chaos destructeurs du libre marché n’existeraient pas. Les perturbations et crises seraient ainsi bien moindre, voire inexistantes.

Puisque le libre marché et tout ce qui va avec est si néfaste et dommageable, il nous faut donc faire tout autrement, heureusement il est possible de viser beaucoup mieux, donc sans s’embourber dans la planification étatisée centralisée, le stalinisme ou autres gestions autoritaires.

7. Les nappes toujours basses

L’automne est une saison charnière dans le cycle des nappes souterraines. La vidange estivale s’étiole et la recharge hivernale débute. Du moins, en temps normal. Début novembre, dans son bulletin de situation hydrogéologique mensuel, le Bureau de recherches géologiques et minières a dressé un état des lieux critique : « Les pluies de ce début d’automne ont été largement insuffisantes pour compenser les déficits accumulés depuis le début de l’année. La situation globale n’évolue que peu. »
(source : Reporterre : Nappes souterraines : il faut « limiter les prélèvements » selon le BRGM)

En Drôme, la recharge des nappes phréatiques se fait (faisait) habituellement à l’automne car il pleut peu en hiver. Pour l’instant c’est très mal parti pour 2023, où le manque d’eau pourrait être encore pire que pour 2022...
Que font les autorités, la chambre d’agriculture, le SID et la FNSEA ? Rien de spécial, ils veulent continuer sur le même modèle.
Au niveau des communes et com com, rien de spécial, pas de grands débats pour organiser rapidement des transformations radicales et rapides de l’agriculture et pour améliorer partout les cycles de l’eau, et rien de sérieux pour quitter rapidement le modèle de société (la civilisation industrielle) qui détruit la biosphère et rend le climat invivable, bien au contraire.
Ce sont les franges révoltées de la population et celles prêtes à des vraies ruptures alternatives qui doivent agir vigoureusement et de concert, le plus tôt possible.

Une fois le printemps engagé et les nouvelles cultures irriguées en route, on ne pourra à nouveau que subir et pleurer.


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