En réalité, la dictature est bourgeoise, et elle est déjà là

Loin des fantasmes calculés de « dictature verte », la dictature du capital et des bourgeois s’affirme

vendredi 31 mars 2023, par Auteurs divers.

Qu’on nomme le système en place démocrature ou dictature, il est clair qu’il n’a que peu à voir (et de moins en moins) avec la démocratie, mais plutôt avec la mafia et l’autoritarisme policier.
Le massacre à la grenade assassin planifié minutieusement par l’Etat et l’agro-industrie FNSEA à Ste Soline le démontre une fois de plus.

Ce constat criant impose des changements de perspective urgents, des modes d’organisation adaptés, des choix stratégiques et tactiques bien différents de ceux du réformisme suicidairement attaché au "respect des institutions" et qui veut encore croire malgré les évidences à l’impossible réforme du capitalisme et du système étatique.

Culture de résistance, culture de la sécurité, diversité et complémentarité des tactiques offensives comme défensives, furtivité généralisée, prise en compte de l’assymétrie et des armes de guerres utilisées par l’Etat-capitalisme prêt à tuer sans scrupule, non respect de l’outil de travail, auto-organisation, composition entre les différents secteurs et courants en lutte, comités permanent de lutte, maisons du peuple, communication... sont les différents points que les contestataires et insurgés devraient approfondir d’urgence collectivement, et mettre en pratique.

Sainte-Soline : une semaine en dictature

- Sainte-Soline : une semaine en dictature

Il existe une idée courante selon laquelle, face au changement climatique et la raréfaction des ressources les plus vitales, nous nous apprêtons à vivre dans une “dictature verte” dont les écologistes seront les nouveaux “Khmers verts”. Ce qu’il s’est passé dans les Deux-Sèvres le 25 mars fait apparaître une réalité radicalement opposée : pour continuer à exploiter nos ressources jusqu’à la dernière goutte sans changer le modèle qui l’enrichit, la classe possédante peut compter sur un État qui restreint les libertés publiques, risque la vie des opposants et les criminalise, avec le soutien de médias prompts à gober tous ses éléments de langage. Le conflit social autour du projet d’immenses retenues d’eau au profit de l’agro-industrie des Deux-Sèvres et de Charente-Maritime démontre l’existence d’une dictature bourgeoise dans laquelle on peut laisser agoniser un blessé en urgence vitale pour préserver les intérêts de quelques-uns. Résumé et analyse de la situation.
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Il ne s’agit pas d’un syndicat au sens classique du terme : la FNSEA règne dans la plupart des chambres d’agricultures du pays et exerce des activités de lobbying. Entièrement en accord avec les gouvernements Macron successifs – la FNSEA l’a même assuré de son soutien sur la réforme des retraites – c’est sans difficulté aucune avec la police que la manifestation du 22 mars a pu entrer dans le centre-ville de la Rochelle. Ses revendications ? S’opposer aux militants écologistes, lutter contre les restrictions d’utilisation des pesticides et obtenir davantage d’aides agricoles. La seconde revendication est culottée dans un département où l’utilisation des pesticides atteint des records, avec des conséquences de mieux en mieux documentées sur la santé des habitants : autour de la Rochelle, dans un paysage entièrement remodelé par l’agriculture intensive, les cancers pédiatriques liés aux pesticides se multiplient.
Mais la FNSEA s’en fout de l’écologie et des problèmes de santé publique, qu’elle regroupe sous le concept d’ “l’agribashing”, notion forgée il y a quelques années désignant toutes les critiques de l’agro-industrie. C’est pourquoi les manifestants ont pu, en toute impunité, dégrader la maison du vice-président de Nature Environnement 17, une association écologiste impliquée dans la lutte contre les méga-bassines. C’est la deuxième fois que son domicile est dégradé, et la police n’a rien fait pour l’en empêcher.
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Mais surtout, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a qualifié les manifestants “d’éco-terroristes”, rien que ça. Le terrain a été préparé pour une répression d’ampleur. 
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Derrière les méga-bassines il y a donc toute l’industrie agro-alimentaire, particulièrement puissante en France.  
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Pour le naturaliste et directeur de recherche au CNRS Christian Amblard, le stockage d’eau dans des retenues aggrave la sécheresse. Rejetée dans l’océan Atlantique, elle contribue également à son équilibre. Enfin, une eau stockée dans un immense bassin, dans une région où l’on connaît des pics de températures à 40°, s’évapore
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seuls 6 % des agriculteurs du territoire seront raccordés aux retenues d’eau. Bien que cette ressource stockée soit accaparée par un petit nombre d’acteurs privés, 70 % du financement du projet est public. Il va coûter au contribuable des dizaines de millions d’euros, alors qu’il va accentuer la sécheresse dans la région et que cette ressource sera donc privée. 
Les méga-bassines sont donc un gros projet capitaliste à la Française : au profit de quelques-uns, financé par l’Etat… et défendu par lui.
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Un secouriste témoigne dans 20 minutes des dégâts commis par ces grenades : “C’est celles-là qui ont défiguré des gens, précise le secouriste. J’en ai traité un qui n’avait plus de nez… Ce sont des plaies graves qui vont laisser des séquelles sur les militants (…) On a vraiment traité des plaies de guerre, dont beaucoup ont nécessité des pansements « israéliens », c’est-à-dire qui sont utilisés par l’armée israélienne pour des plaies par balle pour permettre une compression sur le terrain, le temps de voir un médecin.”
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Ce genre d’échange, on l’entend dans des films qui se déroulent sous des dictatures. Il est difficile de s’admettre cette réalité tant elle s’oppose à tout ce que nous avons l’habitude d’entendre sur le prétendu “pays des droits de l’homme”, mais nous arrivons à un stade de notre histoire où la vie des opposants aux pouvoirs en place est négligeable pour ceux qui sont aux commandes. Comme durant la répression des manifestations contre la réforme des retraites, une police en roue libre semble avoir reçu l’ordre de semer la terreur. Et l’État, sous la direction du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, la couvre.
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Comme dans toute dictature, il faut des commentateurs complaisants pour légitimer cet objectif de terreur.
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La plupart des commentateurs médiatiques de ce pays semblent infoutus de faire la différence entre le légitime et le légal. Tout régime injuste et autoritaire peut interdire des choses, ça ne veut pas dire qu’il n’est pas légitime de les faire, voire vital et nécessaire, dans le cas de la mobilisation anti-bassines. Ces mêmes commentateurs nous rabâchent depuis des mois “oui, mais il a été élu”, au sujet de Macron, pour justifier sa réforme que rejettent 7 français sur 10. Le message est clair, pour les “grandes gueules” qui ne sont décidément pas si grandes que ça, plutôt des gueules de gros lâches qui jugent le courage des autres depuis leur plateau parisien : si on se mobilise contre le gouvernement, il ne faut pas s’étonner de risquer sa vie.
C’est le message qu’ont délivré, l’après-midi même, l’ensemble des médias qui ont titré sur le fichage S du manifestant en urgence vitale à Sainte-Soline. Le message est donc le suivant : si vous êtes fichés, il est possible qu’on vous laisse agoniser si vous êtes gravement blessés en manifestation. 
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Quand, en 2015, le gouvernement socialiste a déployé une armada de lois sécuritaires et liberticides pour lutter contre le terrorisme, il était évident que ces armes allaient se retourner ensuite contre l’ensemble de la population, après avoir servi à mettre sous pression les musulmans et à les soumettre à un régime d’exception.
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Dans les médias, la peur du fascisme se concentre entièrement sur la famille Le Pen. En effet, le père comme la fille sont des héritiers de la collaboration et leur programme n’ont jamais passé sous silence leur ambition d’instaurer un régime de discrimination contre les musulmans et de réduction des libertés publiques. Mais ce chiffon rouge détourne l’attention du “déjà-là fasciste”, celui du régime macroniste. Et il devrait pourtant davantage nous inquiéter si nous regardons les précédents historiques  : dans l’ensemble des pays où il s’est installé (Allemagne, Italie, France, Chili…) le fascisme a en grande partie résulté de la peur que les classes possédantes éprouvent à l’égard des mouvements sociaux. En Allemagne, Hitler est arrivé au pouvoir suite au choix du patronat allemand de faire appel à lui. En Italie, le Parti National Fasciste de Mussolini est créé en 1921 sur des bases antisyndicales et anticommunistes, qui lui vaut l’adhésion de la petite bourgeoisie. Au Chili, le régime de Pinochet advient après le renversement du socialiste Allende. En France, Pétain (auquel Macron rend hommage) met en place un régime de réconciliation nationale basé sur la volonté de nier et d’éradiquer la lutte des classes. L’histoire ne se répète jamais sous la même forme, mais on peut regarder ce qu’il s’est produit pour alerter sur ce qu’il se passe. 
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Vous vouliez faire barrage en 2022 ? C’est le moment

Compléments :

L’Etat-capitalisme cherche toujours à détruire les mouvements d’opposition pertinents qui menacent son hégémonie totalitaire, par tous les moyens pour que rien ne change, y compris les multilations et l’assassinat planifiés comme lors de la répression géante exercée à Ste Soline le 25 mars.
L’Etat-capitalisme ne peut-être autre chose qu’autoritaire et policier, et sa brutalité systémique explose dès que les contestations légitimes s’affermissent.

- Un rapport confidentiel du renseignement français fait l’éloge des Soulèvements de la Terre : « Ce que M. Darmanin veut dissoudre, c’est l’essor d’une écologie conséquente. »
Si l’on s’en tient aux déclarations de M. Gérard Darmanin, la dissolution des Soulèvements de la Terre serait justifiée par les « événements inqualifiables » survenus à Sainte-Soline et « l’extrême violence de groupuscules fichés par les services de renseignement parfois depuis de très nombreuses années. ». Pourtant, un rapport de son propre Service Central du Renseignement Territorial sur les Soulèvements de la Terre éclaire d’une toute autre lumière cette annonce. En effet, à la lecture de cette note confidentielle étonnamment élogieuse, on comprend qu’au-delà du prétexte affiché de la violence si le ministre cherche à dissoudre le mouvement, c’est parce qu’il réussit !
(...)
on nous explique en 8 pages que le problème fondamental avec ce mouvement c’est que plutôt que de contester bien dans les clous, il parvient à peser sur le champ politique.  
Ce que ce gouvernement indique ensuite en faisant suivre cette note des renseignements par une tentative de dissolution, c’est que pour lui désormais toute opposition effective qui se met en travers de sa route - et de celles des lobbys financiers et industriels que sa politique soutient - doit disparaître. Dissoudre toute opposition, quitte à le faire dans un bain de sang avant les méandres des tribunaux.
(...)
Il n’est pas davantage surprenant que les rédacteurs du rapport réduisent tout le bouillonnement politique, local et décentralisé, dont les Soulèvements de la Terre sont l’écho et le catalyseur, au type d’agencement pyramidal rigide dont ils sont les agents.
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- Quand une note des renseignements fait l’éloge des Soulèvements de la Terre - Depuis des mois, les renseignements généraux enquêtent sur Les Soulèvements de la Terre. Dans une note lue par Reporterre, ils décrivent un groupe d’activistes « ingénieux », ayant réussi à fédérer et radicaliser le mouvement climat.

- La Bataille de Sainte-Soline : s’improviser stratège ?
Des participantes et participants au rassemblement de Sainte-Soline nous ont transmis ce retour critique et précieux. Il invite à ouvrir une réflexion collective quant à l’échec tactique de la prise de la bassine et à s’interroger sur les articulations nécessaires lorsque l’État choisi de défendre militairement et dans le sang les intérêts écocidaires.
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Ainsi d’années en années, l’emprise policière et la militarisation du maintien de l’ordre sont intensifiées en même temps que la figure des ennemis intérieurs est étendue à des fractions plus diversifiées de la société
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Cette capacité est porteuse de victoires dont la dernière en date eu lieu lors de la première bataille de Sainte-Soline où le dispositif de maintien de l’ordre était mis en échec par une tactique démontrant la pertinence stratégique des Soulèvements. Mais cette victoire s’accompagnait déjà de dizaines de personnes blessées et de son lot d’interrogations sur les dangers liés à la répression que faisaient encourir la tactique employée
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Cependant, la tactique militaire d’en face n’était plus la même que celle opérée lors de la précédente bataille qui avait conduis à mettre « la préfète en pls ». C’est que les militaires, apprenant de leurs erreurs, choisissaient de tout miser sur une tactique défensive.
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La peur d’être à son tour blesser gagnait les esprits, alors que les personnes blessées étaient déjà en nombre très important. Leur violence allant jusqu’à faire retarder les secours pour mettre à mal la détermination des troupes adversaires. Dans ces conditions, impossible d’entrer dans la forteresse de la bassine, la tactique militaire l’emportait.
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Néanmoins, l’importance accordée à la base arrière semble avoir conduis à une sous-estimation des moyens et des revirements tactiques à prévoir au moment de la bataille. Le très faible nombre de personnes au rôle de coordination des cortèges a suffit pour l’orientation le temps de la marche jusqu’à atteindre la bassine, mais il s’est montré extrêmement insuffisant une fois l’assaut lancé.
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- Le piège de Sainte-Soline - Comment le pouvoir a brutalisé et mutilé pour reprendre la main
Des participants au rassemblement de Sainte-Soline nous ont transmis ce texte. Il propose d’analyser la débauche de violence survenue dans les Deux-Sèvres, non pas comme un simple excès policier ou préfectoral mais comme un stratégie délibérée du pouvoir pour écraser le mouvement écologiste déterminé et reprendre la main sur le mouvement social en train de le déborder. Une stratégie contre-insurrectionnelle opérant sur trois plans : médiatique, psychologique et militaire.

- Violences en manifs : « L’État donne carte blanche à la police » - Les armes non létales utilisées par la police expliquent la hausse des violences dans les manifestations, selon l’économiste Paul Rocher. Selon lui, la répression est d’autant plus intense envers les manifestants écolos.
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En résumé, si les manifestations ne sont pas plus violentes, les tirs, eux, sont bien plus nombreux.
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Semaine après semaine, on constate qu’il y a toujours des millions de manifestants dans la rue. On sent qu’il y a une soif de liberté et de justice des manifestants, plus forte que l’effet d’intimidation.
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Ces violences démontrent une fois de plus l’hostilité de la police vis-à-vis de la population qui manifeste. Cette dynamique hostile existe depuis la création de la police, au cours de la 2e moitié du XIXe siècle. L’appareil policier voit le jour au moment où s’établit une concentration ouvrière dans les usines et apparaissent les premières revendications ouvrières. Il est indissociable du capitalisme et vise à faire taire les perdants de ce système. Cette hostilité a persisté jusqu’à nos jours. La police tend à brutaliser celles et ceux qui revendiquent.
(...)
On sait depuis longtemps que la police est violente. Mais clairement, l’État lui donne carte blanche.
(...)
Comme les politiques menées ont du mal à trouver le consentement de la population, c’est la violence qui prend le pas.

NOTE : le terme d’"armes non létales" est inapproprié, il faudrait plutôt parler d’armes à létalité réduite, ou d’armes à létalité aléatoire.

- « Respectueux, gentil » : à Toulouse, ils rendent hommage à Serge, blessé à Sainte-Soline - Ce 30 mars, des milliers de citoyens se sont réunis devant les préfectures de France pour dénoncer la répression policière. À Toulouse, les esprits étaient tournés vers Serge, dans le coma depuis la manifestation à Sainte-Soline.

NOTE : comme on n’est pas en démocratie et qu’on a quasiment aucun pouvoir, le terme de "citoyens" ne convient pas. Parlons plutôt d’opprimés, de tyranisés, de rebelles.

- Voir aussi : Jeudi 30 mars 19h : rassemblements contre l’Etat et sa violence, pour l’eau bien commun et pour les retraites - Dissolution du gouvernement


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