Partout, l’efficacité énergétique, le recyclage, la mobilité électrique, l’optimisation des flux par gestion logicielle, le tout numérique... sont vantés comme écologiques et verts, et alors les innovations technologiques sont présentées comme « la-solution » à développer à tout prix.
En réalité c’est une grave erreur, car dans le cadre de la civilisation industrielle et capitaliste, toute énergie ou matière première économisée d’un côté est utilisée de l’autre et l’efficacité entraîne au final davantage de consommation.
Explications et exemples :
L’effet rebond : miracle ou mirage ? - Le Collectif Passerelle se donne pour objectif de mieux comprendre et de faire connaître les liens entre recherche scientifique, impératifs écologiques, conséquences des choix technologiques, et action politique. L’article précédent analysait les limites de la planète. L’article présent étudie le mirage de l’effet rebond.
Face au dérèglement climatique, décideurs et influenceurs sont nombreux à espérer que scientifiques et ingénieurs tireront d’affaire le productivisme, le capitalisme et la planète. Arc-boutés sur leurs choix politiques et économiques, ils espèrent un miracle technique. Depuis l’avènement de la civilisation industrielle, on sait que c’est un dangereux mirage. Le « progrès » technique ne résout pas les problèmes écologiques : il les déplace. Voire les aggrave, et ce plus souvent qu’on ne le pense. Pourquoi ?
Chaque processus amélioré, chaque progrès dans l’optimisation devrait, croit-on, entraîner une baisse globale de l’utilisation de matières et d’énergie. Malheureusement, c’est souvent l’inverse qui se produit. Par exemple, la consommation de carburant d’un moteur de puissance donnée diminue au fil des années. Applaudissons. Puis constatons que la consommation totale des voitures ne diminue pas dans des proportions équivalentes.
En effet, cette amélioration est “investie” dans l’augmentation de la masse (la consternante mode des SUV) ou de la vitesse des véhicules. Ou encore les usager·ère·s en profitent pour circuler plus loin et plus longtemps. Ou, enfin, ils et elles choisissent la voiture plutôt que d’autres modes de transport. C’est ce qu’on appelle “l’effet rebond” : la consommation d’énergie et de matière, même si elle baisse initialement, cesse de baisser, puis remonte, voire égale ou dépasse le niveau initial. Elle rebondit.
- Ecologie : l’effet rebond casse les rêves de solutionnisme technologique
Le mal est profond. En effet, dans un système de croissance économique, chaque gain doit être réinjecté pour toujours plus de profit. Et tout nous pousse à consommer de plus en plus : publicité, ostentation des riches… Dans ces conditions, il est difficile de sortir du cercle vicieux de l’effet rebond. La réponse concrète, autant individuelle que collective, se trouve probablement dans une lutte quotidienne et globale pour changer notre imaginaire et nos modes de production. Le capitalisme utilise naturellement les gains de productivité pour créer plus de profit, ce qui pousse à une amplification de l’effet rebond.
voir aussi :
Exemple
Si localement diminuer le nombre de voitures et augmenter les trajets à vélo et à pied est une bonne chose, globalement les désastres continuent s’il n’est pas mis un terme à la civilisation industrielle et capitaliste (et aussi à l’étatisme qui va avec) car elle utilisera ailleurs l’énergie et les matières premières libérées ici par une mobilité « décarbonnée ».
Donc tous les écolos qui se limitent à agir pour des modifications techniques, même basse technologie et « décarbonnée », sans lutter activement pour la fin de la civilisation industrielle et du capitalisme se fourrent le doigt dans l’oeil jusqu’à l’épaule. Au mieux, ils ne font que repousser les échéances et les problèmes, ou les déplacer dans d’autres régions, mais tôt ou tard ça nous retombe dessus.
Leurs efforts louables localement seront implacablement détruits globalement par la marche en avant inéluctable de la mégamachine.
Et se défausser en pensant que d’autres feront le job de la lutte contre la civilisation industrielle et le capitalisme, que chacun agit à sa place à sa manière est une stratégie bancale. Car cette lutte radicale a besoin de beaucoup de monde et d’énergie, de petites minorités isolées n’y arriveront pas, et d’autre part l’action pour des « solutions décarbonnées » n’est que très rarement accompagnée d’un discours ferme sur la nécessité d’en finir avec la civilisation industrielle et le capitalisme, ce qui maintient l’illusion idéologique des « solutions » par la technologie et la décarbonation.
De plus, les retombées écologiques posititives seront généralement plus grandes pour des actions faisant significativement reculer la civilisation industrielle et le capitalisme que pour des actions se limitant à modifier des technologies au coeur d’un système globalement inchangé.
D’autant que faire reculer ce système entraîne forcément ensuite l’adoption de systèmes basse technologie et « décarbonnés ».