Des nouvelles de la frontière à Briançon….
Face au mépris et à la violence de l’état, les solidaires tentent de s’organiser
« Que les choses soient claires : je ne laisserai personne installer dans notre ville une loi et des règles différentes de celles de la République, et je viens donc de saisir à l’instant la Préfète de l’évacuation par les moyens de la force publique. »
Ainsi s’exprime ce samedi 30 octobre le maire de Briançon Arnaud Murgia en apprenant l’occupation quelques heures plus tôt de la salle municipale du Prorel, en plein centre ville de cette bourgade sise aux confins des Hautes Alpes, ironiquement baptisée la station sans frontières par les marchands de vacances et autres bétonneurs.
Frontière franchie pourtant clandestinement et dangereusement par un nombre croissant de personnes de tous âges ces derniers jours, originaires pour beaucoup d’Afghanistan.
Les arrivées se sont intensifiées à tel point que les bénévoles, les salariés et les cadres du Refuge solidaire, récemment ouvert par des associations pour accueillir temporairement les personnes qui viennent de passer en fRance, ont décidé dimanche 24 octobre de sa fermeture provisoire, estimant qu’il n’était plus possible d’y accueillir les exilé.e.s dans des conditions décentes et sécurisées, et alors que plus de 200 personnes logeaient dans ce lieu calibré pour 80 personnes au maximum.
Pour visibiliser cette situation et mettre la pression sur les pouvoirs publics, la gare de Briançon a été occupée dans la foulée. Les exilé.e.s cherchaient ainsi à prendre au plus vite le train ou le bus pour continuer leur route, tandis que les soutiens qui s’organisent et agissent dans le Briançonais réclamaient une solution d’hébergement complémentaire d’urgence pour permettre au refuge de rouvrir dans des conditions correctes. Après plus de 24 heures d’occupation et face à la menace d’une intervention armée, l’occupation s’est déplacée vers une église et une salle paroissiale, sur l’invitation du clergé local, avec des revendications inchangées. Pour toute réponse, la prefecture a dans un premier temps interdit à la Croix rouge de pratiquer des tests covid, exigés dans les transports en commun, avant d’affréter deux jours plus tard quelques bus vers Lyon et Grenoble. Surtout, deux escadrons de gendarmes mobiles ont été déployés en renfort à la frontière, soit plus de deux cent flics supplémentaires pour faire la chasse au migrant, rendant la traversée encore plus périlleuse. Et du coup beaucoup restent bloqués du côté italien.
L’occupation vite empêchée d’une salle vide et chauffée samedi dernier s ‘inscrit dans cette tentative de poser un rapport de force avec l’État. Là où certain.e.s y voient l’opportunité de forcer les pouvoirs publics à remplir leurs obligations légales en matière d’assistance et de mise à l’abri des personnes fragiles, et de respect du droit d’asile ; d’autres, qui sont aussi souvent les mêmes, soulignent que les politiques migratoires de l’état français et plus largement de l’Europe sont claires : construire des murs, des prisons, militariser, traquer, criminaliser, alimenter la peur et la xénophobie, avec pour conséquences des morts par dizaines de milliers et des souffrances et traumatismes innombrables. Et qu’à ce titre il n’y a pas d’arrangement possible.
Et bien souvent l’urgence du quotidien nous empêche de construire des luttes politiques autour et contre les frontières, et avec les éxilé.e.s. Comment dépasser cette tension ? Peut être s’agit il d’une des questions importantes à nous poser.
Quoiqu’il en soit, il y a besoin de forces vives dans le Briançonais, pour faire face à l’urgence permanente et peut être ouvrir des brèches dans la frontière et des perspectives dont nous pourrions un peu plus maîtriser la temporalité.
Et il est aussi nécessaire de faire vivre et de renforcer les réseaux de solidarité, d’information et de luttes.