Plus bas une analyse sociologique du vote RN dans le Sud-Est de la France, des points de vue sur les arrangements de second tour, sur la responsabilité de Macron, des classes bourgeoises et de leurs médias, la colère de femmes noires, sur l’impasse du vote, etc.
Quelques remarques persos
Une bonne partie de la « gauche » (rappelons que le PS n’est pas à gauche) semble prête à trahir le Front Populaire avant même la fin des législatives, pour gouverner avec de la droite et des macronistes.
Tandis que Macron, prêt à nommer Bardella 1er ministre même sans majorité RN, redémontre sa forte affinité avec l’extrême droite, voire dévoile son possible plan vicieux de porter au pouvoir le RN.
En effet, Macron et sa bande ne pouvaient ignorer, après leur baffe aux Eurpéennes, qu’ils allaient se ramasser aux législatives aussi ; d’autre part Macron n’en à rien à faire « du peuple » et de la démocratie, alors pour quelle autre raison aurait-il dissous que celle de porter le RN au pouvoir et/ou de s’octroyer les pleins pouvoirs avec l’article 16 ?
Rien n’a changé : la gauche du Nouveau Front Populaire, y compris LFI, s’englue toujours dans la croyance qu’on serait « en démocratie », elle se limite à des discours sur la répartition des richesses et la critique de l’ultra-libéralisme sans s’attaquer aux fondements du capitalisme. Ce faisant elle se condamne à l’échec et se limite à des tentatives de nouvelles versions « d’Etat providence » qui ne règlent pas du tout la question des inégalités sociales, des classes sociales, la nécessaire destruction des conquis sociaux par le capitalisme dans sa course implacable à la Croissance infinie. (sans parler du gros problème de l’Etat, de la quête de résindustrialisation, de système techno-industriel, de la société de masse, etc.).
Sans démocratie réelle, sans création des conditions sociales/politiques pour son exercice par toustes, comment les personnes pourraient sortir de leur état d’impuissance, de soumission, de résignation, de délégation... ?
En fait, la gauche reste sur le même terrain que les droites (offre, demande, pouvoir d’achat, emploi, réindustrialisation...), en proposant juste une variante plus sociale, où plus d’argent va aux précaires, aux services publics et aux travailleurs, et moins aux très riches et aux multinationales. Cette option peut-elle fonctionner longtemps face aux besoins impérieux et glouton de l’Etat et du techno-captalisme ?
Evidemment, une vraie voie de rupture déchaînerait encore plus les foudres des classes bourgeoises et de leurs médias, et serait peu porteuse électoralement tant la plupart des personnes ont naturalisé dans leurs têtes la méritocratie, la concurrence, le libre marché, la « valeur travail », la réussite par la possession matérielle et la hiérarchie sociale, etc.
C’est pourquoi :
- des voies de ruptures ne peuvent être réellement portées qu’en dehors des partis et des échéances électorales
- vu le niveau de verrouillage du système, seules des formes de révolution (de ruptures radicales, d’insurrection) pourraient faire naître ces ruptures salutaires
Mais on est a priori loin toujours de ça, vu la large apathie et l’espoir mis encore dans la représentation (qui se déplace vers l’extrême droite à présent), vu que les révolutions font davantage peur que les catastrophes, l’extrême droite ou la dictature. Les désastres connus semblent faire moins peur que les voies salvatrices en partie inconnues.
Il serait préférable pourtant d’y venir avant d’éventuelles guerres, avant les pleins pouvoir à l’extrême droite si ça n’arrive pas le 7 (qui ne tardera pas à réprimer aussi les classes populaires qui auraient voté pour elle et qui seront forcément à terme déçues des résultats au niveau social), avant des effondrements d’ampleur.
Tout le monde évoque la république et la démocratie, même l’extrême droite !, mais c’est vain et flou si on reste dans le modèle de l’Etat-capitalisme, si on ne met pas en place une réelle égalité sociale et une réelle démocratie (directe).
- Des législatives sous hégémonie culturelle/médiatique du néofascisme et du capitalisme - Actus, analyses, enquêtes...
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L’ARNAQUE DU FRONT RÉPUBLICAIN : « FAIRE BARRAGE » AUX FASCISTES AVEC DES FASCISATEURS
L’arnaque du « front républicain » usé jusqu’à la corde est illustrée dans le Nord, avec Gérald Darmanin. Dans cette circonscription, le Ministre de l’Intérieur, le candidat RN et la candidate du Front Populaire étaient au coude à coude. C’est la candidate de gauche, avec 25% des voix, qui s’est désistée pour permettre la victoire de Darmanin. Il y avait une occasion inespérée de balayer Darmanin de la scène politique, mais la gauche lui offre un siège.
Ce dernier, ingrat, répond en crachant au visage des Insoumis lors d’une interview le 4 juillet : « J’aime trop la police, j’aime trop les forces de l’ordre, j’aime trop les gendarmes pour pouvoir voter pour un candidat de la France insoumise ». En clair, la gauche a ordre de se désister pour permettre à la droite de se maintenir au pouvoir, mais la réciproque n’existe pas.
Darmanin, c’est un homme accusé de viols, issu de l’Action Française, un groupe pétainiste, qui a fait voter la loi séparatisme, qui a dissout des organisations antiracistes, réprimé dans le sang le mouvement pour les retraites, la colère des banlieues ou la Kanaky, expulsé des Imams … C’est un ministre qui a déclaré « quand j’entends le mot violences policières je m’étouffe », une provocation indigne évoquant la mort par asphyxie de plusieurs personnes lors d’arrestations. C’est un homme qui a qualifié Marine Le Pen de trop « molle » face à l’Islam. Enfin, c’est le ministre qui a imposé la Loi Immigration en décembre dernier, reprenant des pans entiers du programme du Front National. A l’époque, Marine le Pen saluait une « victoire idéologique » de son camp. C’était il y a quelques mois seulement, tout le monde semble l’avoir oublié.
De même, dans le Calvados, le candidat Insoumis s’est retiré au profit d’Elisabeth Borne, la première Ministre qui a utilisé le plus de 49.3 de toute la Cinquième République, celle de la réforme des retraites, de la casse du droit au chômage, de la répression …
Darmanin et Borne sont a minima des fascisateurs si ce ne sont pas, déjà, des néofascistes en puissance. Leur offrir un mandat est une faute politique majeure, qui ne peut que renforcer le RN et la haine envers la gauche. D’ailleurs, le RN est ravi, il peut se positionner en parti « antisystème », et a publié ce message : « Mélenchon retire son candidat face à E. Borne et soutient Madame 49.3 pour battre le RN ! » A raison. Ces manœuvres ne peuvent que dégoûter les classes populaires.
Lors de ces législatives, le camp macroniste aurait pu être balayé. Avec les désistements, il sortira quasiment indemne. La gauche offre des députés à ceux qui l’ont traînée dans la boue, traitée d’antisémite, réprimée, isolée et frappée physiquement. Pire : rien ne dit qu’après le 7 juillet, les macronistes ne fassent pas une alliance de gouvernement avec le RN, puisqu’ils ont déjà travaillé ensemble ces dernières années.
Ce « front républicain » écœurant une stratégie perdante : faire élire la droite extrême aujourd’hui pour éviter l’extrême droite demain. C’est une stratégie de court terme, qui au mieux, repousse de quelques mois, voire d’une ou deux années, une catastrophe encore plus grande.
(post de Contre Attaque)
Minuit dans le siècle - Aux sources du vote FN/RN : prendre le racisme au sérieux
Chaque mois, Ugo Palheta décortique le fascisme, non par fascination morbide pour les pires tendances de notre monde, mais pour regarder en face le danger, sans jamais séparer cette exploration de la lutte pour un autre monde. Dans "Minuit dans le siècle", on parle donc des origines du fascisme et de ses transformations, des rapports entre fascisme et police, entre fascisme et racisme ou entre fascisme et colonialisme, de la culture fasciste et des États fascistes, de la manière dont les fascistes investissent aujourd’hui le terrain de l’écologie. On explorera aussi des insurrections antifascistes du passé, des luttes qui sont menées ici et maintenant, des stratégies qui ont été et sont mises en œuvre par les mouvements antifascistes, des succès comme des échecs. "Minuit dans le siècle" est un podcast produit pour Spectre
avec des podcasts récents :
Aux sources du vote FN/RN (3) : prendre le racisme au sérieux (partie 1) - 38 min
Dans cet épisode en deux parties, on discute avec Félicien Faury de son ouvrage qui vient de paraître aux éditions du Seuil : "Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême droite". Livre important, indispensable même, dans lequel l’auteur rend compte d’une enquête sur l’électorat du FN/RN dans le Sud-Est de la France, et où il nous invite à prendre au sérieux la dimension raciale et raciste du vote pour l’extrême droite. Une dimension esquivée dans des médias dominants qui oeuvrent de plus en plus à la légitimation du FN/RN et à la banalisation de son discours, mais aussi par certaines recherches sociologiques, pour lesquelles le racisme ne serait qu’un aspect superficiel du vote pour l’extrême droite et de sa dynamique politique, masquant des enjeux de classe. Dans cette 1re partie, Félicien Faury montre au contraire qu’il faut penser ensemble les frontières de classe et les frontières raciales, autrement dit saisir la position spécifique des électeurs·rices du FN/RN dans un espace social racialisé, pour comprendre le sens et la force du vote d’extrême droite dans certaines fractions de classe et certains territoires. À l’enregistrement : Thomas Guiffard-Colombeau
(Vidéo) LE RN AUX PORTES DU POUVOIR : “MACRON ET LES GRANDS MÉDIAS SONT RESPONSABLES” (NICOLAS FRAMONT)
Le Média : “Quelle est la responsabilité du bloc bourgeois dans la poussée de l’extrême droite en France et dans la mise en place du paysage politique sorti des urnes à la faveur du premier tour des législatives ? Au fond, n’est-ce pas le rêve de la bourgeoisie et de la sous-bourgeoisie, une sorte de configuration politique où un grand nombre d’électeurs sont contraints au barrage permanent, au-delà de toute autre considération ? Pour répondre à cette question, nous avons fait appel à Nicolas Framont, rédacteur en chef de Frustration Magazine, quasiment spécialisé dans l’analyse et la dénonciation de la bourgeoisie et de ce qu’il appelle la sous-bourgeoisie. Nicolas Framont est l’auteur de nombreux livres, dont le dernier est “Parasites”. Dans ce livre Nicolas Framont affirme que “les classes bourgeoises sont des parasites qui se nourrissent de notre travail, de nos impôts, de notre vie politique et de nos rêves”.”
La “Grande Coalition” ou comment aggraver la catastrophe
La “Grande Coalition” ou comment aggraver la catastrophe
Le premier tour a placé le Nouveau Front Populaire en relativement bonne position. Les désistements massifs de ses candidats en faveur des candidats macronistes rendent désormais sa victoire impossible. Une petite musique se fait donc entendre : une “grande coalition” qui réunirait Les Républicains, le centre, les macronistes, les socialistes, les écologistes, les communistes et peut-être même certains insoumis. Cela serait une catastrophe : on vous explique pourquoi.
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La vérité est crue : on ne crée pas une hégémonie politique en trois semaines, là où l’extrême droite construit patiemment et efficacement la sienne depuis au moins vingt ans. Le problème de la gauche n’est pas tant d’être divisée que d’être minoritaire (environ un tiers de l’électorat) : changer ce fait passe par des offensives sociales victorieuses ou des pratiques militantes du quotidien qui l’ancrent durablement, et partout, dans les classes laborieuses, les seules à même de recréer des consciences de classes qui se traduisent ensuite électoralement, ce qui n’a pas été le cas ces dernières années.
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Toutefois, nous sommes maintenant dans l’entre deux tours et la situation a encore évolué : les candidats Nouveau Front Populaire se désistent en masse au profit des candidats macronistes. On compte 127 désistements de ce type. Les électeurs du premier tour n’étaient pas forcément au courant qu’ils voteraient pour un candidat ou une candidate qui se désisterait au profit de Macron. Cela va loin puisque les candidats France Insoumise se sont par exemple retirés au profit de Gérald Darmanin et d’Elisabeth Borne dans leurs circonscriptions respectives. L’ancienne première ministre, qui a porté la réforme des retraites, s’est d’ailleurs félicitée de cette “décision républicaine”. Pour justifier tout cela, un responsable insoumis a précisé que les macronistes sont “des adversaires mais pas des ennemis”. Est-on vraiment sûr que ceux qui ont éborgné, mutilé, tué pendant le mouvement des Gilets Jaunes ou pendant le mouvement pour Nahel, ne sont pas des ennemis ?
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Ce que reproche (ou plutôt reprochait) la droite à l’extrême droite c’était la sortie de l’euro, l’antisémitisme et l’abrogation de la réforme des retraites. Sur ces trois points, le RN s’est efforcé de donner des gages. Le RN a toujours en son sein un fort antisémitisme mais il est prêt à le laisser en veille par rapport à sa priorité : discriminer les noirs et les arabes.
Ainsi il est très naïf de penser que ceux qui ont écrit et voté la loi Immigration directement inspirée des propositions du RN et qui est passée grâce aux voix de l’extrême droite, ne pourraient pas servir de majorité d’appoint sur les textes anti-immigration et liberticides d’un gouvernement RN.
Pour les macronistes et la droite, le RN est un concurrent, pas un ennemi.
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Inversement, les désistements macronistes, en particulier dans les cas où le NFP est en tête et le RN deuxième, posent aussi question sur le plan stratégique. C’est le cas dans la circonscription du député France Insoumise Louis Boyard arrivé en tête. La droitisation des électeurs macronistes, dopés aux discours diffamatoires des médias, est telle, qu’il est tout à fait possible que ces derniers préfèrent s’abstenir, voire même décident de “faire barrage à l’extrême gauche” en votant RN, là où le maintien du candidat pourrait permettre d’éviter ce type de reports de voix et maintenir le candidat insoumis en tête au deuxième tour.
On a donc une stratégie problématique à deux niveaux : elle donne l’impression d’un ralliement suspect du macronisme à la France Insoumise, tout en ne garantissant pas le barrage. Car les seuls à être disciplinés depuis vingt ans au barrage, et d’ailleurs c’est toujours à eux qu’on le demande, ce sont les électeurs de gauche, pas les électeurs de la droite. C’est d’ailleurs pour ça qu’Eric Ciotti appelle au désistement du candidat LR dans la circonscription de François Hollande, car ce dernier a compris que son électorat préfère le RN au PS, alors que dans la logique de la gauche ce report devrait naturellement se faire vers l’ancien président.
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Car telle est désormais la situation : ni les macronistes, ni le Nouveau Front Populaire ne seront en mesure d’avoir une majorité. Ce qui signifie que nous n’avons plus que deux issues : la victoire du Rassemblement National, ou bien cette “grande coalition” de LR aux communistes.
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La trahison (prévisible) d’une grande partie de la gauche
Les aspirants à rejoindre cette grande coalition ne se sont pas fait attendre.
Parmi eux, François Ruffin – ce qui éclaire d’un angle différent tout le psychodrame interne à la France Insoumise autour des dites “purges” et montre qu’il s’agissait aussi de désaccords politiques profonds. Face aux Grandes Gueules sur RMC, celui-ci a été très clair : contre quelques mesures (rétablissement de l’ISF, abrogation de la dernière réforme des retraites, mise en place du Référendum d’Initiative Citoyenne), il serait d’accord de rejoindre la grande coalition merdique proposée par Gabriel Attal
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Tondelier est le symptôme d’un macronisme complexé, constipé, qui gangrène la gauche depuis Hollande. La même qui considérait impossible de s’allier avec la France Insoumise pour les élections européennes, semble prête à le faire en une semaine avec Gabriel Attal.
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Mais s’agit-il réellement d’une surprise ? En rejoignant Macron, le PS et Les Ecologistes ne feront que retrouver leur ancien collègue avec qui ils ont gouverné sous François Hollande (2012-2017). Fondamentalement PS, Les Ecologistes et PCF appartiennent à la même “gauche” qu’Emmanuel Macron. Par ailleurs cette recomposition n’est que la répétition de ce qu’avait déjà réalisé Macron en 2017 aspirant une grande partie du PS et des Ecologistes (EELV à l’époque), et même une petite partie du PCF (on pense par exemple ici à Robert Hue ancien candidat communiste à la présidentielle ayant soutenu Macron).
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Pour survivre à cette séquence gravissime, il sera très important pour les Insoumis d’exclure systématiquement toute personnalité de leurs rangs qui serait tentée par cette aventure mortifère.
On peut penser que cela servira de grande clarification : la gauche que LFI a aidé à ressusciter en 2022 – PS, Les Ecologistes et PCF – enfin annihilée de par sa collaboration avec le macronisme. LFI en sortirait alors gagnante.
On peut aussi être moins optimiste, et penser que précisément du fait de ses alliances répétées et récentes avec cette gauche haïe, qui créent une grande confusion, les mélenchonistes seront aussi des victimes collatérales de ces décisions funestes.
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Il est significatif que le barrage – empêcher l’arrivée du RN au pouvoir pour éviter une situation encore pire que l’actuelle – se transforme presque logiquement en quelque chose d’une autre nature qui est la collaboration active avec le macronisme.
Une ligne de crête intermédiaire existe pourtant : n’avoir comme objectif que la défaite du RN. Au moment du Front Populaire de 1936, le Parti Communiste l’a soutenu par antifascisme sans pour autant participer au gouvernement.
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Le spectacle – parce que c’en est un, avec ses codes – de l’élection fait croire qu’à chaque fois les cartes sont remises à zéro. Ce n’est malheureusement pas le cas. Ça pourrait n’être pas grave si les illusions qu’elles créent, ne s’accompagnaient pas de paniques morales. Ici : la sidération face à un RN progressant pourtant de manière continue depuis 20 ans, et une gauche qui s’est complètement désarmée pendant ce temps-là. Mais c’est justement quand on limite la seule action possible pour résister à l’extrême droite au vote une fois qu’il est beaucoup trop tard, quand on s’interdit de voir la porosité totale entre macronisme, droite et extrême droite, qu’on se désarme, qu’on commet là la vraie faute morale et politique.
C’est en cela que le barragisme est passé d’un outil à une stratégie, voire une idéologie. On peut essayer de la résumer ainsi : l’extrême droite ne désigne pas une pratique du pouvoir ou une pensée politique mais un parti (le RN). Tout ce qui est en dehors de ce parti ferait partie d’un “arc républicain” (jamais défini). Ne peut donc être d’extrême droite que le parti labellisé par le ministère de l’Intérieur comme tel. Tous les moyens de lutte non institutionnels sont anti-démocratiques, illégitimes et illégaux. L’unique moyen de lutte institutionnel à disposition est l’élection. Celle-ci est donc le seul moyen de lutter contre l’extrême droite. L’extrême droite justifie toutes les compromissions avec n’importe qui, quitte à ce que la gauche disparaisse.
On le comprend bien : le barragisme n’est plus, depuis des années, le simple fait de discrétement voter pour un candidat qu’on n’aime pas pour contrer le RN, il est devenu un fait structurant de la politique française. Il est devenu une stratégie usée jusqu’à l’os par la gauche molle et le macronisme pour terroriser et sidérer l’électorat de gauche face à un RN-épouvantail, justifier toutes les compromissions bourgeoises, toutes les alliances en apparence contre-natures.
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Tenir ces analyses dans ces périodes est parfois durement jugé par certains de nos camarades en raison de la peur qui nous gagne et qui imposerait de taire toute critique, pensée ou analyse, pour se concentrer sur l’unique chose que l’on devrait faire : voter, pour n’importe qui qui ne soit pas le RN.
Pourtant ce réflexe militant a ses limites, car il continue de raisonner dans le cadre idéologique du barragisme, celui qui pense que l’antifascisme n’est affaire que de vote toutes les x années (là où il se construit en réalité sur le temps long).
Nous pensons précisément l’inverse : la critique permet de dénouer certains pièges, de faire pression sur certains responsables politiques, pour éviter des catastrophes stratégiques que l’on paiera cher – comme la “grande coalition”.
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Les moteurs du vote RN sont connus et documentés, et découlent du racisme, qui permet à une partie des classes populaires blanches de répondre à leur peur du déclassement. C’est ainsi que prennent les discours sur l’insécurité, sur l’assistanat, sur le chômage, sur l’identité…
À cela s’ajoute un autre ressort que le RN a bien conscientisé : la détestation de Macron et du “système”. De ce point de vue le RN, bien qu’il soit dans les faits l’incarnation la plus brutale du capital, Macron avec trois degrés de violence supplémentaire, se présente comme une alternance, comme celui qu’ “on a jamais essayé”.
Il y a pourtant une autre force politique “qu’on a jamais essayé” : c’est le “mélenchonisme”. Parvenir à associer Mélenchon et Macron est donc une opportunité en or pour Bardella. Ces désistements et la perspective d’une grande coalition réunissant NFP, dont FI est la force motrice, offrent à l’extrême droite une occasion rêvée de démontrer que tout ce monde là est similaire, que toute la classe politique est dirigée contre lui, que le macronisme, la gauche sociale démocrate et le mélenchonisme au fond c’est la même chose, que les élections et le droit à l’alternance sont comme volées par “le système” et que la démocratie est finalement de son côté.
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Une coalition comme celle qui se prépare signifierait une victoire massive et certaine de l’extrême droite à court terme, mais avec cette fois une gauche annihilée. Ce qui veut donc dire des capacités de résistance amoindries pour les périodes très dures à venir. Ce scénario noir s’est d’ailleurs déjà produit dans de nombreux autres pays d’Europe. Tout cela renforce un sentiment déjà fort présent dans la population que l’on ne laisse pas aux gens voter ce qu’ils veulent, le paradoxe que la démocratie serait finalement du côté du RN. Le RN l’a compris et en joue énormément. Ça aussi, c’est une catastrophe.
À quoi sert le barrage version Grande Coalition en 2024 si c’est pour n’avoir comme résultat qu’une victoire encore plus écrasante de l’extrême droite en 2027 ?
La colère
« Le fascisme c’est ce qu’on vit en France quand on est une femme Noire qui porte le voile et qu’on marche dans certaines rues, quand on va à la préfecture pour renouveller sa carte de séjour, quand on évite la police, quand on marche le ventre plein de bile sortant de chez soi le matin et qu’on est sans-papiers.(...) »
C´est prendre le bus et se faire cracher dessus, se faire tabasser parce qu’on est lesbienne et/ou trans, c’est devoir se cacher constamment, protéger mille identités, lorsque on est travailleuse du sexe. Le fascisme c’est ne plus pouvoir écouter la radio, la télé. C’est entendre que rien de ce qui nous importe n’importe, pire que tout ce qui nous importe est un danger pour la République. Communautarisme.
C’est les milices d’extrême-droite dont on ne fait pas grand cas, c’est le chômage sans issue, c’est nos burn-outs dans nos emplois racistes et sexistes, c’est être violée et ne trouver d’aide nulle part, c’est la police qui nous tue, les hôpitaux qui nous laissent mourir quand on appelle à l’aide, l´école qui organise notre échec scolaire, c"est Mayotte sans eau courante, sans transport en commun,sans respect, c’est les 40 lois sur l´immigration pour nous criminaliser, c’est la Guadeloupe sans eau courante, sans CHU, c’est les exécutés par la police et ses milices en Kanaky, et le transfert des militants arrêtés pour un jugement, en France hexagonale, loin de leur soutiens.
Le fascisme, c’est la surmortalité en Seine-Saint-Denis pendant le Covid, c’est les amendes pour non-respect du couvre-feu qui ne pleuvent que sur certains quartiers, c’est menacer nos parents de tout perdre si nous nous révoltons, c’est la préfecture, c’est la loi sur le refus d’obtempérer, c’est l´humiliation des visas qu’on paye et qui sont refusés, c’est nous tirer dans le dos et se faire un million dans une cagnotte collective, c’est la loi sur l’état d´urgence, c’est ce qui se passe à Briançon, c’est la mort de Blessing, celle de Naomi Musenga, celle de Fati et Marie, c’est tous les matins, les nuits et les jours à Calais, c’est la Méditerranée comme frontière la plus meurtrière au monde.
C’est un monde qui se construit contre nous, contre nos mondes intérieurs, qui est fait pour que « nous ne soyons pas censées survivre ».
(...)
On nous intime aujourd’hui d’aller voter et nous sommes en colère. Y a-t-il donc une histoire dont ne nous soyons les dindonnes de la farce ? Il nous faudrait maintenant vaillamment voter pour épargner aux autres les maux que nous subissons ?
Suivant la dissolution surprise de l’assemblée nationale le 9 juin dernier par EM, nombre de partis de gauche ont semblé découvrir qu’on était aux portes du fascisme après avoir participé eux aussi à sa normalisation à coup de grand discours sur l’universalisme ou sur les électeurs du RN qui ne sont pas fachos mais fâchés.
Depuis le 9 juin, nous nous posons la question de notre place, en tant que collectif afroféministe, dans le moment que nous vivons. Nous ne découvrons pas que les français.es sont acquis.es aux idées racistes, ni que les personnes racisées délaissées depuis plusieurs années par les politiques votent peu.
Et dans nos discussions, où que veuille aller l’analyse, la colère.
On nous propose le vote comme seule protection, comme acte antifasciste ultime. Mais nous savons que le vote ne nous a jamais protégé et ne nous protégera jamais. Comment le vote, réservé uniquement aux nationaux, pourrait-il être une arme antifasciste ?
On nous intime de voter mais pour beaucoup d’entre nous, voter n’est pas une option. Nous ne sommes pas français.e.s.
Le vote en France, conçu comme privilège du national, est un outil de la frontière — il ne pourra jamais à lui seul être le moyen de son démantèlement. Le fascisme demande la construction d’un « nous » à protéger face à un « autre » habitant un genre et une race menaçante. Cette dichotomie du nous et des autres se retrouve à son apogée dans le vote national. Le vote uniquement pour les nationaux c’est bien littéralement la France aux français. Ce n’est pas un hasard que ce soit par vote aujourd’hui que se mobilisent entre autres les forces d‘extrême-droite. C’est la mobilisation du privilège racial dont la nationalité est un proxy, au moment où le néo-libéralisme ne laisse plus que ce mythe auquel se raccrocher. Être français.e et raciste est ce qui relie l’électorat d’extrême-droite, des bourgeois.es de Neuilly aux abandonné-es de la Creuse, dans les Cévennes, en Guadeloupe, dans le Sud et en Bretagne. En colère car c’est précisément ce néocolonialisme qui nous pousse à devenir des français.es comme il faut, à ne pas nous révolter parce que le prix à payer est trop lourd, à rester calme avec pour objectif principal l’obtention du passeport colonial, créant une fracture entre les racisé.e.s migrant.e.s et les racisé.e.s français.e.s.
(...)
Alors oui, beaucoup d’entre nous irons voter nouveau front populaire, celles d’entre nous dotées d’un passeport colonial. Parce que nous sommes antifascistes par conviction et par nécessité, nous ne nous priverons d´aucun outil mise à notre disposition pour notre survie. Nous choisirons toujours le terrain le plus favorable à nos luttes, sans être dupes. Ce ne sont pas dans les urnes françaises que se jouera la libération afroféministe que nous appelons de nos vœux.
(...)
Alors, ce qui pour nous est l’urgence c’est notre sécurité. Que le RN passe ou non, la violence raciste est lâchée. Si le RN obtient la majorité à l‘Assemblée Nationale, il y aura une déferlante de fachos pour fêter ça. S’ils perdent, leur frustration se déversera dans les rues. Nous le sentons dans nos chairs, c’est ce dont on parle — il nous faut mettre en place des méthodes pour nous protéger — nous sommes notre propre sécurité, notre propre sûreté. Si nous savions depuis longtemps que la police, qui vote en majorité pour le FN, dont la mission est la protection des intérêts de la propriété blanche, ne nous protégera pas, aujourd’hui il n’y a aucun doute qu’au soir du 7 juillet, appeler la police peut se révéler un geste vain, voire dangereux.
Face à ce déferlement de haine, nous nous engageons à continuer notre travail entrepris déjà depuis plusieurs années, à vous proposer des espaces d’échanges, de discussion et à construire ensemble une riposte antiraciste/antifasciste.
Quelque soit les résultats du 07/07 prochain, ne nous laissons pas gagner par la sidération, la peur en cas de victoire du RN ou même par un bref soulagement en cas de victoire du NFP, commençons et continuons à nous organiser.
(...)
Article complet sur : https://www.mwasicollectif.org/blog/la-colere/
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🔻MONTÉE DU RN : PAROLES DE VICTIMES DU FASCISME
Pour ne jamais oublier -
Pendant plusieurs décennies, le fascisme et le nazisme étaient des souvenirs clairs dans des millions d’esprits. Le pétainisme n’a jamais disparu en France, mais il était honteux, tapis dans l’ombre. Maintenant que la plupart des personnes qui ont vécu la guerre, et que la plupart des rescapés des camps et des résistants sont morts, le néofascisme fait son grand retour, profitant de l’ignorance. Les médias ont ainsi pu dédiaboliser les héritiers des nazis. Et les capitalistes, comme dans les années 1930, en font des alliés et tentent même de les mettre au pouvoir, profitant de l’amnésie collective. En 2024, il reste des voix toujours audibles. Des héros et héroïnes qui savent de quoi ils parlent : celles d’ancien.ne.s résistant.e.s et déporté.e.s. Écoutons les.
🔴« J’ai été déporté pour des faits de résistance et je ne veux pas qu’on soit gouverné par des anciens SS » explique Roger Lebranchu, 101 ans dans un entretien à la chaîne France 24. Il a été déporté au camp de concentration de Buchenwald. Il a survécu, puis est devenu grand champion d’aviron après guerre.
🔴« Ils sont très intelligents. Ils disent qu’ils sont devenus comme tout le monde, mais si vous grattez un peu, rien n’a changé. À Toulon, quand il y a eu un maire FN, il s’est d’abord attaqué à la culture, alors que nous ne pouvons pas vivre sans cela. Ils veulent aussi faire des différences dans les cantines scolaires » explique Mélanie Berger-Volle, âgée de 102 ans, juive, d’origine autrichienne, qui a dû fuir l’arrivée des nazis, puis a rejoint la résistance. Elle a été arrêtée, et avait réussi à s’évader de prison. Elle votera « évidemment » contre le RN.
🔴« Je suis malheureuse, malheureuse » explique Irène Sapir, 87 ans, lors d’une manifestation à Bergerac, le 13 juin, au micro de France Bleu. « Je suis communiste. J’ai été raflée en 1942, j’ai vécu le fascisme, l’extrême droite, et je ne veux pas que ça revienne. Malheureusement ça revient. C’est la même source : il faut savoir l’histoire ».
Irène Sapir a été arrêtée avec sa mère par la police française lors de la rafle du Vel d’Hiv. Elle faisait partie des 4.000 enfants juifs raflés par la France de Pétain pour le compte de l’Allemagne nazie.
🔴« On retrouve les éléments qu’on a connu à la fin des années 30. Je crois qu’on évolue dans le même système. Le danger est aussi à nos portes » dit Jean Lafaurie, 100 ans aujourd’hui, et engagé à l’âge de 20 ans chez les FTP, les Francs Tireurs Partisans, des résistants communistes.
En juillet 1943, il est arrêté, puis condamné à dix ans de travaux forcés. Il se mutine, il est déporté à Dachau. Il rappelle que l’extrême droite « On l’a déjà essayé ! Ils ont peut-être changé leur façon de parler pour mieux tromper les gens, mais la base du mouvement est toujours la même. »
🔴« C’est dramatique ce qu’il se passe. On est dans la mouise. Dans la Résistance, il y avait bien sûr des Français, mais il y avait aussi beaucoup d’étrangers. Dans nos rangs, il y avait 36 nationalités » rappelle enfin Daniel Huillier, 96 ans, qui est l’un des derniers résistants du mythique maquis du Vercors.
Ces paroles précieuses sont des rappels historiques essentiels, et devraient passer tous les jours dans les JT. Au lieu de cela, les managers macronistes et les héritiers de Pétain, sans courage, ni profondeur historique, sans valeur ni culture, se partagent le monopole d’un débat public en putréfaction, ouvrant la porte au pire.
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VOUS AVEZ DIT PLURALITÉ ?
Insolite : le Front Populaire a fait quasiment 30% des suffrage et 10 millions de voix dimanche 30 juin dans les urnes, mais il n’y a aucun représentant de gauche lors du débat électoral avant le second tour.
Demain, jeudi 4 juillet, trois jours avant le deuxième tour des élections législatives, France 2 organise un grand débat d’entre-deux-tours avec le macroniste Gabriel Attal, le néofasciste Jordan Bardella, le politicien très à droite David Lisnard dont le parti à fait 10% des voix, et enfin… Raphaël Glucksmann pour « représenter la gauche ».
Mais quelle gauche ? Raphaël Glucksmann se dit lui même libéral, il s’était opposé au Front Populaire dès le soir de la dissolution. Le 11 juin, il disait encore qu’« il n’y a pas et n’y aura pas d’accord avec LFI » et « on a posé des conditions, s’ils ne sont pas d’accord, on ne fera pas partie de ce truc ». C’est donc lui, qui a combattu le jusqu’au bout Front Populaire et qui n’a pas arrêté de diffamer la France Insoumise, qui est envoyé pour porter la parole d’un mouvement qu’il déteste. Pourquoi pas Manuel Valls ou Bernard Cazeneuve ?
Plus grave encore : sur le plateau, il y aura uniquement des hommes, blancs, riches, qui ne représentent donc absolument pas la population, excluant les femmes et les minorités.
En réalité, à travers ce casting, le système désigne ses candidats. Les possédants hésitent encore entre deux scénarios pour le 7 juillet : un gouvernement RN qui installerait un régime autoritaire avec les macronistes et assurerait les intérêts des riches, ou une grande coalition molle, allant des Républicains au Parti Socialiste, pour donner un nouveau souffle au macronisme pourrissant.
Dans les deux cas, cela implique de marginaliser, diffamer et invisibiliser ce qu’il reste de gauche, et d’empêcher toute pluralité d’expression dans les médias de masse. Seule une nuance de droites plus ou moins racistes aura le droit à la parole. C’est ce que dit cette affiche d’entre-deux-tours.
L’espoir ne viendra ni des urnes, ni de ces débats puants et truqués, mais de notre capacité à lutter et à diffuser nos idées le plus largement possible.
L’impasse du vote et la nécessité de l’insurrectionnalisme
L’impasse du vote et la nécessité de l’insurrectionnalisme
À celles et ceux qui ne peuvent pas s’exposer à la rue, aux milices fascistes, à la violence que l’État déchaîne sur nous via sa police, celles et ceux qui ont peur, et celles et ceux qui, encore pris dans la croyance électoraliste, devinent l’abîme de désespoir qui s’ouvre sous nos pieds quand on comprend que rien ne nous sauvera de la peste brune : c’est parfaitement OK. Beaucoup d’entre-nous (moi y compris, sans doute) iront voter, et nous pouvons – devons – le comprendre. Mais ne jetez pas la pierre sur les abstentionnistes qui, tout en démontrant les impasses du scrutin, cherchent d’autres façons de lutter. Il n’y a certes pas de solution miracle, mais n’acceptons plus d’attendre d’avoir des député·es suffisamment conciliant·es pour obtenir nos droits fondamentaux. Nous ne nous libérerons que par nous-mêmes, et collectivement.
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La croyance électoraliste se porte décidément bien. Pourtant, il est temps de reconnaître et d’affirmer partout que, en période de fascisation, se ranger au vote et suivre les partis est un acte largement insuffisant. Qui peut encore prétendre que mettre un bulletin dans une urne aura un quelconque effet sur les fondements mêmes du fascisme ? Les pieux votants, et les pieuses votantes, qui oseraient le dire, oublieraient bien vite que l’attirail institutionnel, tout le vernis démocratique entourant le système électoral, ont permis à l’extrême-droite, sinon d’accéder au pouvoir, de se faire bien voir et de se faire adouber des libéraux en place !
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Face à l’extrême-droite, notre seul réflexe doit être de nous organiser hors de ces institutions capitalistes, responsables et complices de la montée du fascisme. Le vote est porteur en lui-même d’une politique de compromis, où chaque candidat·e ne fait en réalité que lutter pour ses intérêts de carrière. Or on ne défait pas les fascistes en négociant et en multipliant les compromis avec le capitalisme. Les réformes apportées par l’élection d’un parti ou d’une coalition de gauche se situeront toujours dans la lignée logique d’un système qui ne peut décemment pas s’auto-saboter, ni se « changer de l’intérieur ». Certain·es diront que mettre un bulletin dans une urne pour « limiter la casse » ne coûte rien, et je suis souvent tenté·e d’aller dans ce sens aussi, mais c’est une erreur : concentrer (comme le fait la gauche représentative) tout l’effort de guerre dans l’organisation d’un scrutin, c’est nécessairement délaisser la lutte insurrectionnelle contre le pouvoir et son pendant fasciste. Appeler massivement au vote plutôt qu’à l’organisation et à l’autodéfense populaire, c’est mener la lutte droit dans l’impasse.
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La bourgeoisie peut compter sur le fascisme pour dénouer l’imbroglio de tensions que créent dans nos vies les effets des multiples contradictions générées par l’actuelle crise du capitalisme à l’échelle mondiale, où la tentation d’une reprise en main énergique par l’État est forte et où la mystique de l’homme providentiel fonctionne à plein. Oui, la tentation du fascisme (un régime fort interclassiste et unitariste, collaborationniste, qui préserve l’essentiel tout en changeant le superflu) est très forte en Europe. A certains endroits, elle est sans doute réalisable, et même déjà en voie de réalisation.
Plus les contradictions internes à la bourgeoisie vont s’aiguiser, plus les effets de ces contradictions vont se faire ressentir dans nos conditions de vie, de travail, d’existence… Et plus cette tentation sera forte dans le prolétariat.
Ce que l’on s’astreint à désigner par ”la gauche” ou ”vraie gauche” ou ”gauche radicale” souffre toujours des mêmes maux que ceux dont elle souffrait dans les années 30 : l’économisme, notamment dans l’analyse du stade impérialiste du capitalisme, l’absence de ligne de classe et l’abandon progressif de l’internationalisme prolétarien.
Le fascisme n’arrive pas comme un éclair dans un ciel serein.
C’est un régime politique, une forme d’exception de l’État bourgeois, qui est l’aboutissement d’un processus, et ce sont toujours les gouvernements bourgeois ”démocratiques” qui commencent par prendre des mesures réactionnaires afin de tenter notamment de résoudre les contradictions que crée la crise (de croissance) du Capital.
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le fascisme est une conséquence de la politique bourgeoise, un stade suprême du capitalisme transformé en régime autoritaire par des périodes de crises et d’intenses contradictions internes. Pour cette raison, les causes de la montée du fascisme sont à chercher hors des périodes électorales, et par conséquent on ne saurait en chercher les solutions dans le scrutin universel.
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ce sont les fondements mêmes de notre société – bâtie sur le tri social, cimentée au sang des peuples colonisés, tenue debout par le racisme de sa police et de ses institutions, prévue pour former, dès l’enfance et via l’école, les individus à ne pas sortir du rang – ce sont les racines mêmes de la société qui contiennent dans leur ADN la métamorphose fasciste !
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Limiter la casse, oui, je le veux bien. Mais appeler à voter sans appeler, dans le même temps, à la grève et à l’insurrection, c’est une démarche carriériste et criminelle. Et si, par un étrange miracle, le Nouveau Front Populaire obtenait une majorité à l’Assemblée et parvenait à appliquer son programme, croyez-vous que nous serions sorti·es d’affaire ? Que la société serait débarrassée du fascisme ?
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Mais la France est mûre pour le fascisme, avec ou sans les voies pavées de bonnes intentions du scrutin universel. Qu’est-ce qui empêcherait une telle puissance d’organiser un coup d’État ? Le socialisme au pouvoir devra se préparer à la probable tentative conjointe des forces militaires, policières, et miliciennes, de l’en déloger. Nous avons souvent répété que l’extrême-droite ne rend jamais le pouvoir docilement ; mais tout indique que l’inverse est aussi exact : qu’elle voudra s’en emparer en cas de défaite, ou de victoire jugée insuffisante. Le carriérisme des cadres politiques étouffe la lutte sociale, la grime en lutte pour la conservation de leurs intérêts particuliers. Gardons bien à l’esprit que les politicien·nes de gauche les plus radicaux·ales en apparence ont tout de même préféré un siège de député·e au pavé des foules insurgées.
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Et quand le Nouveau Front Populaire se sera bien viandé comme il faut aux élections (que peut-on attendre des voies institutionnelles dans une société ultra-fascisée ?), vous verra-t-on enfin appeler à l’insurrection avec autant d’efforts que vous l’avez fait pour le vote ? Je crains de connaître déjà l’issue de la fable.
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article complet : https://paris-luttes.info/l-impasse-du-vote-et-la-necessite-18498
🔴 DIMANCHE 7 JUILLET : NANTES DANS LA RUE
Rendez-vous à 19h Place Bretagne. Manifestation à 21h -
Le temps s’accélère et nous sommes au bord du précipice.
Le néolibéralisme autoritaire qui gouverne depuis des années est en train d’achever sa mue fasciste : Macron, après avoir repris les mots et les idées de l’extrême droite s’apprête à lui livrer le pouvoir. Quel qu’en soit le résultat, ces élections seront un bouleversement de l’histoire.
Le 7 juillet, nous serons confrontés à trois possibilités :
Le triomphe d’un parti fondé par des nazis qui se chargera de protéger les intérêts des possédants, tout en aggravant dramatiquement les politiques racistes et autoritaires. Il faut s’attendre à des persécutions de grande ampleur, des dissolutions, des milices, une police plus violente que jamais et la possibilité même de lutter menacée d’extinction.
Une Assemblée ingouvernable, c’est-à-dire une situation de chaos institutionnel, propice à tous les coups de force, aux jeux d’alliances scabreux et stratégies de la tension, notamment de la part des factions policières et patronales. Mais c’est aussi la possibilité de s’organiser et de renverser la table.
Une improbable victoire du Front Populaire, qui nécessitera une vigilance maximale. Sitôt élue, cette coalition risquera l’implosion et les reniements à cause de ses composantes de droite, et subira des attaques massives et continue de la part des médias des milliardaires, des syndicats de police et de l’extrême droite.
Quelle que soit la configuration, un mouvement social puissant et organisé sera donc indispensable pour faire face à la menace fasciste et imposer des avancées sociales et écologiques. Il n’y a pas d’antifascisme ni de Front Populaire sans lutte sociale, en 1936 comme en 2024.
À Nantes, rendez-vous dimanche 7 juillet :
➡️ À 19h Place Bretagne. Musique, buvette, discussions et résultats électoraux à retrouver ensemble.
➡️ Puis à 21h : départ en manifestation. Le seul barrage efficace c’est la rue.
vidéo : https://fb.watch/t68e0VdNFL/
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BARDELLA : DU STORYTELLING À LA RÉALITÉ
Dans le commerce, on parlerait de « tromperie sur la marchandise », et la répression des fraudes retirerait le produit des rayons. Mais en politique, tous les coups sont permis.
Le champion de l’extrême-droite, Jordan Bardella, l’a encore répété mercredi soir sur BFM : « J’ai grandi dans une cité modeste de Seine-Saint-Denis », il vante ainsi la « méritocratie » de son parcours, venu d’une « famille modeste » dont il aurait réussi à s’élever. Son "expérience" lui permet de frapper sur les banlieues, en se basant sur son prétendu vécu. Il parle ainsi dans ses discours de « zones de non France », de « dealers qui squattaient le hall à mon retour du lycée » ou de « la trentaine de gamines de 6, 7 ans avec un voile sur la tête sortant de l’école coranique ».
En réalité, seule la mère de Jordan Bardella habite à Saint-Denis, dans un HLM fourni par la mairie communiste. Le Monde s’est rendu sur place et explique : « L’endroit n’est pas l’archétype des cités enclavées, isolées du centre-ville et dont seuls les résidents comprennent les dédales. On quitte la cité sans s’en rendre compte, d’un côté le tramway et le marché, de l’autre des pavillons bien entretenus. Les commerces ouverts restent nombreux et variés au pied des immeubles : un magasin de vélos, un tatoueur, une boulangerie, un salon de coiffure, un Franprix ou encore un fast-food. Dans les deux squares, au milieu des tours, règne en journée une forme de tranquillité. »
En réalité, Bardella n’a pas passé son enfance dans le ghetto. Car si sa mère vit en HLM, son père est patron d’entreprise, et habite dans une banlieue riche, Montmorency. C’est là que le jeune Jordan passe une partie de son temps, et pratique des loisirs comme « le football puis l’aïkido ». Quand il est adolescent, son papa l’emmène passer plusieurs semaines à Miami, un luxe inaccessible à la majorité de la population. À 18 ans, la seule expérience professionnelle du jeune Jordan est un stage d’un mois dans l’entreprise de son père. À 19 ans, son père lui achète une voiture. À 20 ans, il lui offre carrément un appartement à Montmorency et alimente son compte en banque jusqu’aux premières rémunérations au sein du Front National, qui tomberont bientôt. Combien de jeunes de 19 ans sont propriétaires d’une voiture et d’un logement sans avoir eu à travailler ?
De même, sa scolarité n’a rien de « méritocratique » : il la passe à l’école privée Saint-Vincent-de-Paul, puis, à partir de la sixième, au collège-lycée Jean-Baptiste-de-La Salle. Des établissements catholiques. Après le lycée, il tente une entrée à Science Po, mais échoue à cause d’une question sur la guerre d’Algérie. C’est justement lors de cette guerre coloniale que Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front National, a commis des actes de torture.
Par défaut, Bardella tente une licence de Géographie à l’université de la Sorbonne. Le Canard Enchaîné vient de révéler ses notes en tant qu’étudiant : 4/20, 2,6/20, 1,8/20… Comme au Parlement Européen, il est absent. Il n’obtiendra jamais sa licence. Peu importe, Bardella a déjà un poste d’assistant parlementaire au Front National, payé l’équivalent de 2,5 fois le SMIC pour un mi-temps.
Bardella capitalise sur son origine « banlieusarde ». Il est recruté au FN et monte très rapidement dans le parti, pour séduire l’électorat des banlieues, en répétant qu’il vient de Saint-Denis. Un argument électoral plus qu’une réalité sociologique. C’est ainsi qu’il est très vite payé en tant qu’assistant parlementaire européen avec un salaire de cadre supérieur alors qu’il est à peine majeur, puis obtient son premier mandat de conseiller régional à 19 ans. Depuis, il bénéficie des généreux revenus qu’offre la vie politique et ses différents postes, avec tous les privilèges qui les accompagnent en terme de frais de restaurant, de déplacements gratuits, de chauffeurs et autres.
Bardella est désormais propriétaire d’un logement à Garches, près des villes huppées de Saint-Cloud et de Versailles, dans les Hauts-de-Seine « où l’on trouve davantage de verdure et de ménages assujettis à l’impôt sur la fortune immobilière » qu’à Saint-Denis, souligne Le Monde.
Le storytelling du « petit Jordan » venue d’une banlieue difficile a été construit plus tard, au sein du FN, par Pascal Humeau, ancien journaliste à LCI et coach en communication pour l’extrême droite. Il fallait un récit facile à vendre aux médias, de « self-made-man ». Cela a fonctionné.
Marine Le Pen est l’héritière d’un clan millionnaire et a grandi dans un château. Bardella est un fils à papa dont le récit de vie a été formaté par des communicants professionnels. L’extrême droite reste une arnaque sociale totale.
HULK DÉNONCE LE RN
Le célèbre acteur hollywoodien Mark Ruffalo, connu notamment pour son rôle de Hulk dans la saga de films Marvel, s’exprime sur la situation française. Il a partagé sur Twitter un article du journal anglais The Guardian s’alarmant de la dissolution de l’Assemblée en France et de l’attitude de Macron, qui fait tout pour offrir le pouvoir au RN.
L’acteur publie ce message :
« Les centristes français doivent décider : soutenir la gauche - ou donner les clefs du pouvoir à l’extrême droite ? Maintenant, nous allons voir si Macron tient vraiment à la démocratie française autant qu’il le dit ».
Ce n’est pas une prise de position renversante ni révolutionnaire. C’est ce qu’on aurait jugé basique il y a encore quelques années, avant que le discours d’extrême droite ne domine entièrement le débat médiatique français.
Mais ce message de Mark Ruffalo est déjà plus clair et courageux que 99% des acteurs, comédiens, rappeurs et autres artistes de la scène française, qui se taisent depuis des semaines face à la montée de l’extrême droite, à la multiplication des agressions racistes et aux campagnes diffamatoires délirantes contre la gauche.
Quand Hulk dénonce le RN, le petit monde du showbiz français regarde ses pieds.
(posts de Contre Attaque)
125 preuves que le RN est toujours...
affilié à des régimes autoritaires, climatosceptique, conspirationniste, contre votre santé, coupable de fraude, homophobe, négationniste,
opposé aux droits des femmes, raciste et antisémite, sexiste, suprémaciste, violent, voire tout à la fois :
Carte interactive des circonscriptions françaises : https://cartedelahonte.github.io/#10/44.3248/4.8436
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- Images créées par IA utilisées par l’extrême droite
DIVERS
- Comment l’extrême droite a utilisé l’intelligence artificielle pour faire la campagne des législatives - Si l’usage politique de l’intelligence artificielle générative reste encore limité, il est principalement le fait des partis d’extrême droite et de leurs sympathisants, en France comme ailleurs.
- La gauche diabolisée : plongée dans l’ère du « mensonge permanent » - Le Front populaire et, surtout, la figure de Mélenchon ont été sans cesse calomniés durant cette courte campagne pour les législatives. Un symbole de l’ère de post-vérité qui rend inaudible toute réflexion sur le fond.
- Sur le Monde : « J’y croyais à cet Etat qui aide le peuple. J’ai été communiste, socialiste, mais ils ont tous capitulé face au capitalisme. Alors, j’ai voté blanc »
- Les médias en guerre contre le Nouveau Front populaire : « Don’t Look up ! ». Ce film diffusé en 2021 sur Netflix relate l’histoire de scientifiques qui alertent les médias et les dirigeants politiques de l’arrivée d’une météorite s’apprêtant à détruire la Terre. Ceux-ci, sourds aux avertissements, exhortent la population à ne pas lever les yeux : don’t look up ! Cette métaphore évoque ce que médias et politiques mettent en scène depuis plusieurs années et qui se précipite ces dernières semaines : « détournez votre regard de cette extrême droite qui vient, mais tremblez devant cette gauche qui pourrait gouverner » (...) La campagne médiatique nauséabonde subie durant trois semaines par le Nouveau Front populaire rappelle dans les grandes lignes celle que les partisans du « non » avaient vécu en 2005 lors du référendum sur le Traité constitutionnel européen. Mais si, à l’époque, les médias avaient unanimement soutenu le « oui », usé et abusé de raccourcis et d’artifices, nous n’avions jamais vu un tel déluge de calomnies débridées, de mensonges et de mauvaise foi. Nous le disions, ces derniers mois les digues sautent les unes après les autres et l’horizon s’assombrit encore un peu plus sur les médias... et sur la société.
- Dans les circonscriptions pivots, des « convois de la victoire » pour faire barrage au RN - Des sympathisants de gauche de toute la France, qui militent souvent pour la première fois, se sont ralliés aux « convois de la victoire ». Envoyés dans des circonscriptions stratégiques, ils épaulent les troupes locales.
- Menaces, agressions... À Calais, la montée du RN libère les comportements racistes contre les exilés - Alors que plane la menace de l’arrivée du Rassemblement national au pouvoir, les associatifs soutenant les personnes exilées sur le littoral nord craignent un accroissement des violences et de la criminalisation.
- Armer l’antifascisme, retour sur l’Espagne Révolutionnaire - Si nous devons repenser le fascisme -ses fondements, son histoire et ses mutations-, se repose symétriquement la question de l’antifascisme. C’est une histoire qu’il nous faut sans nul doute redécouvrir et partager, au cœur de celle-ci, il y a bien évidemment la guerre civile espagnole, soit l’émergence et la lutte d’un mouvement ouvrier révolutionnaire et autogestionnaire contre le coup d’état fasciste de Franco en 1936. Pour ce lundisoir, nous avons invité l’historien Pierre Salmon qui vient de publier Un antifascisme de combat - Armer l’Espagne révolutionnaire – 1936-1939 (Éditions du Détour). Si son livre s’attaque d’abord à un pan méconnu de la guerre d’Espagne, soit la manière dont les forces révolutionnaires sont parvenues à s’armer et à combattre en s’appuyant sur un réseau international de contrebande et de résistance, il nous permet de nous replonger dans cette période et d’aller y rechercher quelques résonances avec notre actualité. Quels enseignements garder d’aussi courageux et glorieux ancêtres ? Le plus décisif, peut-être : que l’antifascisme ne peut jamais se contenter d’être « anti » et se doit de toujours porter en lui les solidarités à chérir et les mondes à construire. Il n’y a pas l’antifascisme puis la révolution mais toujours l’antifascisme et la révolution.
À voir vendredi à partir de 10h30 - Répandre le tazzu - Depuis la Corse, déciviliser les élections - Ce très beau texte a été rédigé au lendemain des résultats du premier tour des élections législatives, c’est-à-dire depuis la sidération qui appelle le combat. Ses auteurs nous l’ont transmis avec un peu de retard, nous le publions donc en milieu de semaine car il mérite toujours d’être lu.
- (Vidéo) JORDAN BARDELLA : BEAU, JEUNE… ET FASCISTE – Coup de Griffe - “Coup de griffe” C’est notre nouveau programme. Un contenu un peu spécial puisqu’il s’agit d’une collaboration avec …. Le Média. Régulièrement, l’équipe du Média (au montage et au graphisme) et les auteurs de Frustration (à l’écriture) feront le portrait d’une personnalité politique, médiatique ou économique qui nous agace, qu’on souhaite piquer, railler, égratigner.
Guillaume Etievant s’attaque aujourd’hui au président du Rassemblement National : Jordan Bardella. Il a l’air sérieux, Jordan Bardella. Il est grand, mince. Il porte la cravate. Ses costumes bleu marine et ses chemises blanches sont parfaitement ajustés. Quand il débite ses propos sur les plateaux TV, il affiche un calme olympien. Il déroule tranquillement sa propagande, avec sa mâchoire carrée, sa tête impassible, dans laquelle on devine un très grand vide. Pas qu’il soit bête, loin de là. Mais on n’y sent aucune conviction, aucune structure idéologique. Il récite, parfaitement, une leçon. Il ne diffère en cela pas du personnel macroniste. Si on ne l’arrête pas, il va, encore plus qu’eux oui, c’est possible tous nous défoncer.