Crest : enquête de gendarmerie et procès pour des faits infondés et anodins

Résultat : relaxe d’un militant au tribunal, mais la répression s’en moque

vendredi 25 septembre 2020, par Suivi d’actions, manifestations, événements....

Nous nous sommes renseignés sur le déroulé d’un procès du Jeudi 17 septembre 2020 au tribunal de Valence, où un militant crestois était accusé d’une « dégradation légère » par inscription et de refus de « signalétique » (prise d’empreinte et de photos pour les fichiers policiers).
Le dossier monté par les gendarmes étant vide, même la procureur a demandé la relaxe.
Quelques infos et analyses.

Post de l’avocat Jean-Yves Dupriez

Je défendais jeudi un manifestant proche du mouvement des gillets jaunes, poursuivi pour des degradations en manifestation et pour avoir refusé la prise de ses empreintes génétiques pour alimenter les fichiers de police.
Les poursuites étaient tellement malfondées qu’après avoir transmis des conclusions de relaxe, je n’ai pas eu besoin de plaider pour que le Tribunal déclare mon client non coupable des faits reprochés.
Attention donc à ces prises d’empreintes et photographies qui sont prises automatiquement par les enquêteurs en fin de garde à vue ou même d’audition libre, alors qu’elles ne sont possibles que dans des cas spécifiquement prévus par la loi. Pour rappel, la France a été condamnée il n’y a pas si longtemps par la Cour Européenne des Droits de l’homme, pour cette pratique qui s’apparente à du fichage abusif.

(source)

La vidéo surveillance s’étend partout

Récit résumé

Le militant en question était accusé, lors d’une manifestation à Crest en 2019, d’avoir inscrit « Démocratie ? ça crève les yeux ! - le luxe ou la vie » sur la façade d’un ancien commerce de Crest abandonné depuis longtemps.
Une personne anonyme l’avait soi-disant reconnu et dénoncé (une personne peut-être indisposée par ses engagements ?).
Ensuite, lors de son audition libre en septembre 2019 à la gendarmerie de Crest (où il a préféré ne rien déclarer, ne faisant guère confiance aux forces de l’ordre et ne voulant pas collaborer à leurs manoeuvres) il avait refusé les prises de photo et d’empreintes pour fichage, ce qui était poursuivi également.

Après voir visonné le dossier à l’audience, il nous rapporte que les gendarmes avaient pris la peine de récupérer :

  • des photos de vidéosurveillance prises lors de la manifestation en question
  • des images issues de photos et/ou vidéos prises par des manifestants et diffusées sur internet
  • une photo extraite de son site web professionnel

La répression punit même en l’absence de condamnation

Donc, toute une enquête est menée pour des faits aussi insignifants et anodins qu’une inscription sur un local abandonné !
Il semble que moins de moyens sont mis contre les très riches fraudeurs fiscaux ou les nombreuses entreprises qui ont faits des arnaques au chômage partiel lors du confinement...
Des consignes doivent sans doute venir d’en haut de se saisir de n’importe quel prétexte et suspicion pour traquer tout gilet jaune ou protestataire ?
Des consignes sont-elles données pour traquer les plus remuants et dérangeants ?
Ce système n’aime la démocratie, la contestation et la libre expression seulement quand on ne s’en sert pas, quand on reste sage et qu’on ne dérange pas.

A l’audience, on se rend compte que l’accusation n’a que des photos de mauvaise qualité où on distingue une personne en gilet vêtue d’un bonnet et d’une écharpe, ça pourrait être à peu près n’importe qui.
Et puis un témoignage anonyme ça ne tient pas non plus.

Pourtant, le parquet a renvoyé l’affaire en procès, des juges et un avocat ont été dérangés pour un dossier vide concernant des faits anodins.
Et l’Etat se plaint que les tribunaux sont engorgés et surchargés....

Les gendarmes avaient indiqué au passage dans le dossier que le militant appartiendrait à la mouvance « anarcho-libertaire » (pléonasme). C’est peut-être bien cette appréciation, ce fichage pour opinion politique réelle ou supposée, qui justifiait à leurs yeux un procès à tout prix ?
En effet pour le système policier, être gilet jaune c’est grave, être « anarcho-libertaire » c’est grave, mais alors « gilet jaune anarcho-libertaire » là c’est le pompon de la gravité !
Si c’était possible, ça le redeviendra peut-être, les chantres de la répression mettraient bien toute cette chienlit en prison de manière préventive (ce dont ils ne se privent pas d’ailleurs lors de manifestations, y compris pour des journalistes), comme dans les bonnes vieilles dictatures ?

Bref, lors de l’audience de ce 17 septembre, après quelques questions parfois ubuesques, les magistrats ont souhaité la relaxe des deux chefs d’inculpation, l’avocat a eu à peine besoin de plaider.

De manière plus générale, on a l’impression que l’objectif est de réprimer à tout prix les personnes, les opposants politiques, qui dérangent d’une manière ou d’une autre l’ordre en place. On dirait bien que pour ces cas les forces de l’ordre se moquent de l’innocence ou de la culpabilité selon la loi des protestataires ciblés, de savoir si les faits sont établis ou pas juridiquement parlant.
En effet, qu’elles soient innocentées ou pas au tribunal, les personnes subissent l’arrestation, les convocations, la garde à vue éventuelle, les saisies éventuelles, les prélèvements signalétiques avec menaces de poursuites suplémentaires en cas de refus, l’audition libre, le stress, les frais liés aux procès, le procès, etc.
Et donc le but recherché - faire peur, entraver, assommer financièrement et punir - est déjà atteint, qu’il y ait condamnation ou pas.

Dans ce cas, le militant a eu des frais d’avocat, les frais de deux aller-retour à Valence, et une grosse demi-journée passée au tribunal. Ces dépenses et dérangements ne lui seront pas remboursés par l’Etat pour « procédure abusive », il faudrait pour ça une faute « grave » avérée.

La solidarité collective est donc importante pour résister à ces manoeuvres destinées à museler et à détourner l’énergie, et ne pas rester seul face à la répression.

- Vous pouvez contribuer financièrement à la caisse antirépression de la Drôme pour aider les personnes visées par la répression :
https://www.cotizup.com/solidariterepression2607
D’autres formes de soutiens sont possibles : venir assister aux audiences, protester publiquement, aider bénévolement lors d’événements destinés au soutien..., et bien sûr participer aux actions et contestations pour améliorer la situation.
Car la répression et ses effets prospèrent d’autant plus dans le silence et l’isolement individuel.


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