« Concertina », un événement « estival » et « pluridisciplinaire » dans un cadre « joyeux » avec des conférences gesticulées, des spectacles de rues, des graphistes, des élu.e.s, une cantina, un bal populaire, et même un aumônier, un pasteur, des philosophes, des travailleur.se.s sociaux, des ancien.ne.s détenu.e.s, etc…
De quoi parle-t-on ?
D’une rencontre musicale en l’honneur de l’« instrument de musique à vent et à anches libres » ?
Et non ! C’est de son homonyme dont il est question : le « réseau composé d’une bande d’acier découpée en forme de lame et sertie sur un fil d’acier haute résistance. En réseau, il est préconisé pour la protection des sites sensibles ou très sécurisés, tels que les prisons, les centrales énergétiques, les sites militaires,... Son aspect tranchant induit l’agressivité, la dissuasion et la haute protection. » [1]
Il s’agit donc de la première « rencontre estivale autour des enfermements » qui se déroulera à Dieulefit du 9 au 11 juillet 2021. Trois jours festifs sous l’égide du fil barbelé. Précisément celui qui est conçu pour lacérer celles et ceux qui passent les frontières de l’enfermement. Avec interludes musicales où artistes et spectateurices vont s’émouvoir au son du concertina sinistrement connoté.
Histoire de voir depuis où iels parlent, vous pouvez aller faire un tour sur leur site internet : https://concertina-rencontres.fr/allons-a-nos-rencontres. Quelques infimes traces d’anti-carcéralisme par ici, une bonne dose de charité par là. Pas question de lutte. Pas de trace de révolte. Pas question d’affaiblir ou d’abolir quoi que ce soit. À qui peut bien servir une telle rencontre ? Qui sort gagnant.e ? Qui aura visibilisé sa grande humanité pendant que le système pénal se portera à merveille ?
Nos solidarités se construisent et se construirons en dehors d’un système caritatif et institutionnel quel qu’il soit. On est interéssé.e.s par les questions de la taule et des frontières mais certainement pas comme ça. On lutte pour leur abolition. Si on vient, ça ne sera pas pour faire la fête.
Parce qu’on a pas de solution toute faite mais qu’on en peut plus d’entendre qu’il faut améliorer les conditions de détention, qu’il y a de la « surpopulation carcérale » [2] et que ailleurs dans d’autres pays ben ça se passe mieux [3]. Parce que la prison, qu’elle qu’en soit la forme, surpeuplée ou non, n’est pas acceptable.
Parce qu’on refuse que l’intervention artistique en détention soit une expérience sensible individuelle, une recherche sur la poétique de l’enfermement. Parce qu’on ne veut pas « renverser notre regard sur la prison » [4], mais bien renverser la prison.
Parce que l’abolition du système pénal n’est pas « une controverse » [5], mais un volonté radicale d’autonomie, un engagement a expérimenter. Parce qu’on a beaucoup de doutes et de contradictions, mais la certitude qu’on ne sera jamais satisfait.e.s par le système pénal.
Parce que ce n’est pas uniquement l’enfermement qui nous titille, mais tout le système qui lui permet d’exister. Parce que non, on ne fait pas « le rêve d’un territoire pérenne » [6], car on ne croit pas en la fin miraculeuse des situations problématiques, mais qu’on est bien déter à les gérer sans keufs, sans tribunaux et sans taules (et qu’on est pas tout seul, voir les ouvrages de Gwénola Ricordeau par exemple).
Parce qu’écouter des haut.e.s conseillèr.e.s d’état et des magistrat.e.s tchatcher entre eux sur la taule ça nous fait flipper. Parce qu’on est méfiant.e.s des avocat.e.s qui parlent de l’abolition du système pénal. Parce qu’on n’a pas envie de dealer avec une institution de contrôle constituée de directeurice.s de taules, de magistrat.e.s et de commissaires (coucou le CGLPL [7]).
Alors on a plutôt envie de se donner rendez-vous pour chercher comment ne plus être dépendant.e.s du système pénal. Comment s’autonomiser. Comment s’armer pour ne pas avoir à y recourir en cas de situation problématique. Crève la taule, son monde et sa supposée poésie.
BONUS
Compil de quelques phrases trouvées sur le site, commentées. Attention, c’est violent !
« Les individus qui produisent des connaissances et se servent de leur réflexion pour énoncer une pensée sans être pénibles ni confisquer la parole sont absolument nécessaires » [8]. Si le seul fait de ne pas être de votre côté nous rend pénible, sachez qu’on est pas prêt d’arrêter.
« Votre curiosité est en éveil et les sujets réputés austères ne vous rebutent pas. Vous avez raison ! » [9] Vous aimez les sensations fortes ? Venez parler de prisons à Concertina, votre soif de curiosité sera rassasiée.
« L’époque est aux rapports de force, aux propos réactifs, simplistes, sectaires et souvent méchants. » [10] Ouin ouin les méchants méchants.
« Avec Concertina, nous faisons le rêve d’un territoire pérenne et d’un temps éphémère pour unir, chaque année, celles et ceux que la question majeure de l’enfermement mobilise ». [11] Trop des mythos, 1 pour le système pénal, 0 pour son abolition.
« Deux grandes “familles” s’intéressent alors à la prison : les chrétiens et les anarchistes. Cette vision est manichéenne mais restitue à sa façon deux manières de voir : accompagner “son” détenu dans une vision apolitique de l’enfermement, avec pour alternative “brûler les prisons”. » [12] Ben alors les mimichoux, on a choisi son camp ? Nous aussi.
Signé : Les pénibles et les méchant.e.s